L’image romantique des outils de l’écrivain.

Il y a de ça peut-être 1 ans et demi, je voulais m’acheter une machine à écrire. J’avais déménagé où je vis actuellement et la machine à écrire Olympia de ma grand-mère n’avait pas pu faire le voyage avec moi. C’était une « moderne », des derniers modèles. Pas un électronique, non, une avec ses rubans d’encres à double couleurs : rouge et noir, avec pleins d’autre touches et petits levier, un chariot impeccable.

Ma grand-mère ne se souvenait plus vraiment comment elle marchait, changer le ruban d’encre, que nous pouvons toujours trouver sur Internet, avait été un sacré défi. Nous avions de l’encre plein les mains. Quand enfin, après une bagarre homme-machine, je vis ma grand-mère appuyer sur une touche, je fus époustouflé !

Voir les tampons se lever, toucher le ruban et percuter le papier, former des mots, comme imprimé à l’imprimante moderne, sauf que là, pas de d’électronique, pas d’informatique, tout ce passait directement, sous mes yeux.

Quand j’essayais à mon tour, je fus surpris par l’exercice, il faut appuyer fort sur ces touches ! Et comme j’étais habitué aux claviers d’ordinateur, je cherchai, par réflexe, la touche supprimé.

Ma grand-mère me dit : Tu peux toujours chercher !

C’était magique de voir mes mots directement imprimés sur du papier, comme si j’écrivais un livre, vraiment. Et ajoutez à cela les bruits caractéristiques des machines à écrire : tac tac tac DING !

C’en était presque hypnotisant, on se laisse bercer par ces bruits, comme un rythme. J’écrivais n’importe quoi. Bien sûr, les mécaniques étaient rouillées, elle n’avait pas fonctionné depuis plus de 20 ans. Malheureusement, les majuscules embrouillaient le ruban et étaient décalées par rapport au reste de la phrase.

Je ne suis pas du tout doué de mes mains, et la mécanique m’est un art inconnus. J’admire ceux qui le maîtrise et en font leur métier. Car si j’avais des connaissances, je me ferai le docteur de ces vielles machines toujours charmantes ! Je réglerai leurs mécanismes comme un horloger suisse ! Mais malheureusement, même si j’avais la connaissance, il me faudrait une certaine aisance manuelle, ce que je n’ai pas.

Et je m’imagine ces écrivains, à l’ancienne, les Hemingway (évidemment, Ernest considérait la machine en écrire comme sa psychiatre…), les Steinbeck, Faulkner, Jack Kerouac, Françoise Sagan, Hunter S. Thompson, Stephen King, et j’en passe évidemment, taper sur leurs machines, absorbés par leur art, leur artisanat. Oui artisanat, j’ose le mot. La machine à écrire était (et reste d’ailleurs) un outil. Quelque chose de physique, qui quant on l’utilise fait du bruit. Comme une perceuse, un marteau. Il y a cette image romancée que nous devons, je présume, tous avoir eu un jour, de ces grands noms de la littérature contemporaine, une cigarette au bec, un verre de whisky et les mains pianotant sur ces machines tellement esthétiques.

Et remontons à l’époque de la plume et de l’encre tant que nous y sommes !

Imaginez Victor Hugo, ou Alexandre Dumas, Emily Dickinson, avec leurs plumes et leurs encriers. Si vous avez la chance d’avoir des vielles lettres de vos grands parents, regarder leur écriture ! Les lettres sont sublimes, c’est de l’art, du dessin, les mots sont dessinés !

Imaginez ces écrivains à la lumière des bougies ou des vielles lampes à huile, dans un silence total, assit dans un bureau éclairé par une flamme vacillante, donnant un air de roman gothique à leur environnement de travail. Et ce silence, cette plume qui glisse sur le papier, ces gestes. Même les ratures sont belles ! Enfin je me répète…

Et qu’avons nous maintenant ? J’écris mes articles sur mon smartphone, je n’ai pas d’ordinateur. Quand j’écris, je donne l’impression d’envoyer des sms, d’un type collé à son téléphone. Rien de cela si j’écrivais sur une Remington, rien de cela avec une plume. Bien sûr, je peux écrire n’importe où, mais je doute que « Les misérables » ait été écrit dans un wagon de métro.

Qui viendrait déranger une personne derrière sa machine à écrire ? Ou couchée sur sa feuille ?

On n’hésiterait pas à déranger quelqu’un qui tape sur son téléphone ou sur son clavier d’ordinateur. Pourquoi ? Parce que ce sont des outils de divertissements. Bien sûr on utilise des ordinateurs pour le travail (vive le tout numérique ! Mais pas trop car le site est « surchargé » et qu’il y a des « bugs »), mais je doute qu’en dehors de votre lieu de travail, votre ordinateur ne vous serve QUE pour travailler.

Rien de romantique à voir quelqu’un taper sur le clavier de son ordinateur hors de prix. C’est banal, plat, aucune magie. Évidemment, la technologie simplifie les choses. Le correcteur automatique me rend de bon service. Je peux partager mes écrits avec le monde entier. Mais même ceci à de mauvais côtés. L’autocorrection de mon logiciel de traitement texte est parfois énervant, je n’apprends pas vraiment de mes fautes et ne m’empêche pas de faire des fautes d’accords et autres joyeusetés de la langue française. Partager mes textes avec le monde entier est intéressant, une grande opportunité mais il manque quelque chose.

Le contact humain est biaisé par le contact électronique. Tout va plus vite et plus facilement, tout se dégrade plus vite et change, change à une vitesse telle que ce qui ne peuvent (ou ne veulent) pas suivre finissent sur le bas côté.

Je suis un amateur de vielles choses, d’ailleurs les brocantes me manquent. J’aime les vieux objets, les vieux instruments, les choses utilisées par des mains expertes, ou fabriquées par ces dernières.

Je suis un vieux de bientôt 28 ans, j’aime peut-être ces choses d’un autre temps car mes grands-parents étaient des artisans, ou peut-être qu’à force d’entendre dire « c’était mieux avant », je cherche dans ces objets une époque plus simple, plus belle, avec un sens.

Peut-être ne trouverai-je rien, et dans ce cas, tant pis. J’écris cette dernière phrase avec devant moi deux énormes tomes d’« À la recherche du temps perdu » de Proust. Proust avec sa plume à écrit tout ceci. Pas de logiciel de traitement de texte, pas de raccourci, de copier-coller, de recherche instantanée de mots. Sûrement une pile de feuilles immense dans lesquelles il devait se perdre, les doigts tachés d’encres. Et presque une centaine d’année plus tard, un vieux de 28 ans se plaint que la vie est devenue trop facile d’un côté et trop difficile de l’autre.

Le temps peut être perdu mais il a la curieuse habitude aussi de se répéter. N’est-ce pas fascinant ?

La vie est un éternel recommencement.

Mon obsession du temps…

Jaskiers

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25 réflexions sur “L’image romantique des outils de l’écrivain.

  1. Un joli texte, personnel et touchant. Je lui souhaite une belle et large audience. Il mériterait sans doute, moyennant quelques corrections, une publication dans un support papier. Pourquoi ne pas essayer et le proposer à l’un ou l’autre magazine? Bien à toi. Roland

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    • Merci beaucoup, je suis très touché par ce commentaire !
      Évidemment, je rêve d’être un jour, publié mais je ne sais pas du tout comment m’y prendre. Et puis comme tu le dis : il y a des corrections à faire.
      Mais c’est vraiment un beau commentaire, je te remercie et espère te revoir souvent !

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      • Bonjour, il existe des plateformes de partage qui permettent une plus large audience, telles Scribay ou Fyctia (il y a aussi Wattpad, mais on est bien plus noyé dans la masse). Effectivement, c’est un beau texte et qui me rappelle des souvenirs (j’ai commencé à écrire sur une Olympia prêtée par ma grand-mère et même aujourd’hui, j’aime passer par une phase d’écriture stylo/papier avant de saisir mes textes informatiquement parlant). Belle et douce journée !

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      • Merci pour votre commentaire !
        Je ne connais pas Scribay ni Fyctia, je suis sur WattPad mais la communauté n’est pas vraiment le public que je « vise ». Je vais y jeter un coup d’œil, merci beaucoup pour ces informations !
        Je pense faire comme vous, dernièrement j’ai envie d’écrire mes textes dans un carnet avant de les saisir sur mon téléphone. Vous aussi vous aviez une Olympia ? Prêtée par votre grand-mère ? Le monde est surprenant !
        Encore merci de m’avoir lu et pour votre commentaire.

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      • Ma grand-mère était assistante de direction et avait une maîtrise parfaite de l’orthographe qu’elle rêvait de transmettre à ses descendants… Elle a été aussi la première à me fournir des livres en quantité. Je lui doit beaucoup à ce niveau-là. Tout auteur devrait avoir son petit carnet pour y noter ses idées quand l’inspiration pointe son nez (surtout qu’elle le fait parfois à des moments incongrus). Oui, Wattpad vise clairement un public jeune (très jeune) et féminin. Scribay bénéficie d’une belle et active communauté d’auteurs (les échanges peuvent y être très enrichissants) et Fyctia permet quant à elle de participer à des concours et de se faire remarquer par un éditeur. Je vous recommande aussi la chaîne Youtube de Lucie Castel-Licares. On y trouve des conseils très divers sur l’écriture et le monde de l’édition.

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      • Ma grand-mère était secrétaire et comme la vôtre, maîtrisait parfaitement son orthographe, malheureusement, cette maitrise parfaite de la langue a dû sauter ma génération !
        C’était vraiment des personnes très appliquées dans leur travail. C’est impressionnant !
        Je vous remercie encore énormément pour toutes ces bonnes adresses et informations, vraiment !

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      • Quelques idées si tu me le permets: tu pourrais utiliser un correcteur d’orthographe. Je suis aussi prêt, si tu m’y autorise, à relire ton texte et corriger les coquilles que j’y trouverais (via adresse mail perso, par exemple). Penser ensuite aux magazines auxquels tu pourrais proposer ce texte ou ce genre de texte. Dans ce cas-ci, les magazines consacrés à la littérature ou les publications culturelles, par exemple celles de ta région. Une simple connexion internet permet de trouver ce genre de renseignement. Aie confiance en toi. Roland.

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      • Merci beaucoup ! J’ai recherché il y a quelque temps des correcteurs d’orthographe (application ou site) mais je n’ai pas vraiment trouvé mon bonheur.
        Votre proposition m’enchante beaucoup, mais je n’ai vraiment pas envie de vous déranger, j’écris beaucoup et cela vous prendrez trop de temps. Surtout que j’aime apprendre de mes fautes pour ne pas les refaire. Je sais à quel point mes coquilles minent mes écrits… enfin je vous remercie énormément. J’ai encore des doutes sur la qualité de mes écrits, j’ai encore beaucoup à apprendre mais avoir des personnes comme vous ici me donne de l’espoir !
        Je vous contacterai par E-mail si je l’ose.
        Merci encore !

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  2. J’ai une photo de moi à 10 ans avec ma machine à écrire à rubans, déjà obsolète à l’époque. Mais je voulais déjà être écrivain et j’avais emmerdé mes parents pour me l’offrir. Ensuite j’ai eu une Brother électronique. Longtemps j’ai écrit à la main mais désormais j’écris tout sur mon ordinateur portable. La flemme. C’était mieux avant oui. Enfin c’était plus romanesque, ironiquement. Si tu te sens vieux à 28 ans, imagine à 50 ! Un fossile lol

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    • Je comprends totalement, l’ordinateur portable c’est l’idéal. Je me demande ce que les écrivains à « l’ancienne » penseraient des ordinateurs et des logiciels de traitements de textes. Je pense que beaucoup apprécieraient en faite… Mais j’adore m’imaginer ces écrivains derrière leurs machines.
      Je me sens pas nécessairement vieux mais plutôt… des goûts de vieux ? Enfin, les 30 ans sont pas loin… ça fais peur !

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      • Je compatis j’ai des goûts de vieux depuis toujours, à 17 ans mes potes allaient en boîte et moi j’organisais des dîners exotiques tous les samedis avec mes amies. Et on buvait de la tisane… La trentaine c’est la meilleure décennie. On souffre à la vingtaine ! Tu devrais avoir hâte que ça finisse 😉

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  3. Il y a des jours où je me sens bien incapable d’écrire sur mon clavier alors je prends mon grand cahier et mon crayon de papier et j’écris. Je partage avec toi, ce souci du temps. Le temps, la mémoire, les traces, … Merci pour ton joli texte.

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  4. J’avais cette petite machine à écrire personnel quand j’ai commencé mes cours de secrétariat car la machine électrique n’était pas abordable. Comme toi, ça me fascine de penser à tous les écrivains et écrivaines devant leur dactylo pendant des heures. Je dois dire que j’apprécie d’écrire sur mon ordinateur, ça va plus vite.
    Bel écrit! Amitiés

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    • Merci pour ton commentaire et de m’avoir lue !
      C’est intéressant d’avoir le point de vue d’une professionnelle. Peut-être qu’un jour on trouvera l’ordinateur aussi fascinant qu’une machine à écrire, le monde et la technologie vont tellement vites !
      Merci encore.

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