
— > Partie 1 : https://jaskiers.wordpress.com/2022/06/05/bienvenue-a-la-cure-de-rien/
— > Partie 2 :
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Être embarqué, enfin accueilli, par des hommes en blouses blanches d’infirmiers, quel effet ça fait ?
J’ai été surpris. Et j’ai eu peur. Je me rappelais ce que m’avais dit ma compagne de voyage, Selena Brown, « c’est un piège. »
Un prit mon sac l’autre me prit par le bras comme si j’étais un vieillard.
« – Excusez-moi mais vous pouvez me dire ce qu’il se passe ?
- Gaspard Dincy, c’est bien vous ?
- Oui… non… enfin peut-être.
- N’ayez pas peur, vous êtes bien venu dans le Vermont pour une cure de Rien ?
- Peut-être… mais je commence à regretter mon choix…
- Ne vous inquiétez pas ! Vous êtes entre de bonnes mains. »
Il m’amena à l’écart de la foule de voyageur qui emplissait l’aéroport et ses alentours.
« – Écoutez, je comprends que, là, maintenant, vous avez peur. Mais nous ne sommes pas là pour vous punir ou quoique ce soit.
- Ce n’est pas très discret et un peu brusque de venir me récupérer à l’aéroport avec votre blouse d’infirmier !
- Justement. Vous pensez que le gouvernement allait vous laissait partir sans rien faire ? Rien ne leur échappent à ceux-là. Venir vous chercher en blouse ajoute une dose de… réalisme à votre… fuite. Nous avons de l’expérience, vous n’êtes pas le premier divergent que nous accueillons.
- Attendez… divergent ?
- Oui, je vais vous faire un dessin si vous voulez !
- Non ça va, donc, je suis un divergent, je me considérais plus comme un tire-au-flanc… car je refuse de travailler et d’être un robot docile et obéissant toute ma vie… mais disons que je suis un divergent, ça sonne… très… dystopique.
- Exactement ! Mais vous avez aussi besoin de repos, de soin et une sorte de rééducation. Vivre avec des robots, comme un robot, comme vous le dites si bien, vous a fait oublier votre humanité. Il faut… le cerveau est malléable, la « plastique « du cerveau se modifie, durant notre vie et suivant les circonstances, les habitudes et tutti quanti. Il faut, en quelque sorte vous… reprogrammer.
- D’accord… mais ils nous voient là… le gouvernement ?
- Je ne peux pas vous les pointer du doigt, niveau discrétion, nous ne serions pas au niveau, mais oui. Maintenant, prenez mon bras, faites votre mine la plus abattue possible, pleurez même, si vous le pouvez. Offrons-leur un spectacle ! »
Je suivis les conseils de l’infirmier. J’avançais à ses côtés en regardant mes pieds et en faisant des moues pitoyables.
Nous arrivâmes devant une belle berline allemande, un chauffeur, celui qui s’était occupé de mon sac, nous y attendez. L’infirmier me fit entrer dans la voiture comme si j’étais un vieillard.
« – Mes affaires !
- Ils sont dans l’coffre m’sieur, pas d’inquiétude ! Me dit le chauffeur.
- Ah… dites, vous faites parties de la thérapie vous aussi ?
- Tous ceux que vous verrez dorénavant font partie de la thérapie. Me répondit le premier infirmier, un jeune Noir avec les yeux rieur et un sourire rayonnant.
- Donc, nous partons directement à la…
- Clinique Proust !
- Proust ! Ce nom dit quelque chose…
- Sans doute. C’est le professeur Swanky qui l’a appelée ainsi.
- Ce Swanky c’est…
- La personne qui a tout organisé.
- D’accord… et il a décidé, un jour, de devenir déviant et a utilisé sa réputation et ses diplômes pour nous venir en aide, je me trompe ?
- Oui et non… c’est un peu plus compliqué. Vous verrez la différence après avoir passé une semaine à la clinique. Aujourd’hui, toutes ces questions, ces angoisses, cette peur, elle vient de l’endoctrinement que vous avez subis depuis tout petit. Vous paniquez, votre cerveau envoie des signaux d’alarmes, genre : ‘quelques choses ne va pas du tout’, c’est ce qu’il pense et, bousculé hors de sa zone de confort, il cherche des réponses, des moyens de compenser, de contourner le stress. Vous verrez. C’est étonnant de revivre !
- Et effrayant !
- Effectivement. Votre peur est légitime et nous la comprenons. Vous êtes sur la voie de la rédemption. Vous agirez contre la société, enfin, indirectement, en soignant votre âme aliénée. C’est pour cela que le Gouvernement lâche ses pions contre nous. Tout ira pour le mieux maintenant. Je m’appelle Micah Arthur et le chauffeur, Dave Grown.
- S’lut m’sieur.
- Enchanté monsieur Grown.
- De même l’ami ! Vous inquiétez pas, et l’air de la montagne, ça va vous aérer l’esprit ! Rien de mieux ! »
Toujours aussi tendu, je laissais mes nombreuses autres questions de côtés et me laisser aller, bercer par le léger bruit du moteur de la voiture et des virages.
Je regardais à travers la vitre, j’avais oublié le monde. Depuis trop longtemps, je n’avais pas eu la présence d’esprit de regarder les environs, les bâtiments, le soleil, la nature, les oiseaux. J’étais hypnotisé par la routine et le travail depuis si longtemps. Ç’eût été un luxe et une hérésie que de me laisser aller à me promener autre part que dans le petit parc de ma ville le week-end. Instinctivement, j’ai réalisé que j’allais dans ce parc car mon corps et mon esprit avait besoin d’une connections avec le monde naturel.
Dans cette voiture, ma rééducation commença, par moi-même, je regardais le décor du Vermont, ses immenses forêts de pin, ces montagnes légèrement enneigées qui me donnèrent l’impression d’être des colosses, inamovibles, qui vivaient leur vie sans craindre de la perdre car bien trop immense pour l’Homme à dompter.
« – À votre arrivée, Mr. Grown ira mettre vos affaires dans votre chambre. Avant que je vous y amène, je vous ferai rencontrer le docteur, ou professeur, le patron se fiche de comment vous le nommerez. C’est la procédure habituelle. Juste un gage de bienvenue.
- D’accord… et le fonctionnement de la clinique, les heures de repas et tout ça, quand est-ce que je saurai…
- Ne vous inquiétez pas ! Nous ne sommes pas pressés ! Après votre entretien, soit vous décidez de vous reposer et nous vous informerons de tout cela à votre réveil, ou je pourrai vous faire visiter et vous informez des horaires directement après l’entretien. Comme vous le sentez.
- Il y a quelque chose qui me chiffonne…
- Dites !
- Vous… travaillez… enfin je veux dire, vous êtes salarié, infirmier. Est-ce que… enfin vous comprenez. C’est bizarre, une clinique pour les déviants, qui sont juste des personnes ayant décidé de vivre sans être prisonnier du travail débilitant et vous… travaillez. Vous n’êtes pas déviant. Je présume que vous gagnez votre vie… N’est-ce pas un peu… ambiguë comme situation ?
- Votre réflexion est pertinente, sauf que contrairement à vous, et à l’immense majorité de la population, j’ai eu le choix de choisir ce que je voulais faire de ma vie, comme travail, je veux dire. Je me suis engagé à aider les gens à revivre. J’ai eu la chance d’être né riche, disons-le clairement. Et avec l’argent viens le pouvoir. Je veux utiliser ce pouvoir pour libérer les gens de cette enclave.
- Et monsieur Grown ? Vous aussi ?
- Tout pareil ! Enfin presque, tous les gens qui travaillent à la clinique sont issus de familles aisées. Et dernièrement, d’anciens patients sont devenus des aides-soignants à la clinique !
- Encore une question… si je ne vous ennuie pas.
- Non ! Allez-y !
- Quand je serai guéri, enfin, reprogrammé… ou déprogrammé…
- Déprogrammé pour vous reprogrammer vous-même, mais le docteur vous en parlera peut-être durant l’entretien. Désolé de vous avoir coupé, continuez.
- Donc quand je serai reprogrammé, qu’est-ce qui va m’arriver ? Vous allez me relâcher dans la nature, me trouver un autre job ?
- Que souhaitez-vous réellement pouvoir ressortir de cette cure ?
- Me soigner…
- Pensez d’abord à vous soigner ! La suite viendra d’elle-même, nous sommes assez organisés et puissant pour vous aider dans votre nouvelle vie. »
Je me tus, inutile de m’inquiéter, j’étais entre de bonnes mains.
Nous prîmes des chemins tortueux à quelques kilomètres après avoir quitté la ville. Les routes étaient en terre, les sillons sur la terre et l’herbe prouvaient que ces routes étaient souvent empruntées, mais sans une connaissance parfaite du trajet, les routes se croisaient et s’entre croisaient, oscillants entre forêt de pins, champs et grandes prairies sauvages, il aurait été impossible pour un néophyte de trouver la bonne route. Je présumais, et le futur me donna raison, que les employés de la clinique Proust prenaient à chaque fois des routes différentes pour que l’une ne soit pas plus marquée que l’autre, ce qui aurait pu amener les autorités à trouver le chemin en suivant une route plus marquée.
Je redécouvris les grandes plaines, avec ses herbes hautes, ses grandes fleurs colorées dont je ne connaissais pas le nom, jamais depuis mon enfance, je n’eus l’opportunité de regarder des fleurs sauvages, d’en apprendre les senteurs et textures. Les montagnes étaient magiques, pour moi, elles semblaient si loin mais en même temps si proches ! Entre les arbres, je pouvais parfois voir un ou des lacs. Les champs de blés, des prés où des vaches broutaient paisiblement et d’immenses parterres de vignes me donnaient des rêves de vagabonds. Le vent projetant son souffle sur toutes cette nature et elle semblait les faire danser. Je n’avais jamais vu la mer, je pensais que j’avais un avant-goût de ce que je ressentirai le jour où je verrai la mer pour la première fois. De l’eau à perte de vue !
Et les arbres immenses et touffus qui se penchaient, comme si ils nous accueillaient dans leur demeure ancestrale.
L’odeur de pin s’était infiltré dans la voiture. Je ne sentais plus la pollution de la ville, les gaz d’échappements, les fumées des usines et autres joyeusetés odorantes des villes.
Et puis, ce calme ! Le léger bruit de moteur de la voiture, c’était tout ce que j’entendais. J’en fus même anxieux. Quand on est habitué au bruit, le silence semble ourdir de sinistres projets.
Mon entité physique et psychique entraient dans une sorte de nouvelle dimension. L’anxiété était la réponse à cette nouveauté. Depuis tout petit, j’avais été privé de cette vie, de ces expériences qui nous rendent humains sans que nous nous en rendions compte.
Grimper à un arbre, se faufiler dans les hautes herbes, cueillir des fleurs, entendre les oiseaux et les animaux ! La ville moderne était une jungle humaine, pas d’animaux. Les animaux de compagnies étaient interdits, car ils risquaient nous distraire dans notre travail.
Maintenant, j’avais rejoint la vraie vie, celle que l’on pouvait sentir, toucher, humer et admirer.
Mais cela, cette nouvelle expérience vers laquelle je me dirigeais avait gardé pour elle une dernière surprise. Une mauvaise.
Nous arrivions dans une route bordée des deux côtés par des pins plantés symétriquement des deux côtés de la route. Une grande barrière au milieu d’un très haut mur, peint en vert pâle, se dessinait à quelques mètres devant nous et barrait la route.
« – Nous voilà arrivé Gaspard ! Me dit Grown.
- Enfin !
- Nous avons des protocoles de sécurités, un consiste à prendre plusieurs détours sur ces routes pour semer de potentiels agents gouvernementaux trop curieux.
- Il pourrait vous suivre mais peut-être pas revenir !
- Aucun doute que ce soit déjà arrivé. Nous avons secouru quelque uns de ces agents perdus.
- Secourus ?
- Disons… internés de force !
- Ou butés !
- Monsieur Grown, n’importe quoi !
- C’est vrai ?
- Non ! Jamais le docteur Swanky n’accepterait de tuer impunément.
- Impunément… ils sont quand même venus fouiner là où ils ne devaient pas. Je m’en serais bien occupé de ces cafards.
- Assez Grown.
- Et… vous les avez soignés ?
- On a essayé, la grosse majorité, on parle d’une dizaine d’agents, ont été déprogrammé. Ils vivent et travaillent avec nous. Ils nous apportent des informations sur la manière de fonctionner du Gouvernement et ce qu’ils possèdent contre nous. Certains sont devenus des agents infiltrés.
- Et les autres ?
- Hey bien… ils restent dans leur chambre jusqu’à ce qu’ils daignent nous parler. Ils ont pour ordre de ne pas parler et, au mieux, de se suicider en cas de capture. »
Je restais coi au sort réservé à ces agents du gouvernement, et pour être franc, je n’avais rien à faire que certains d’entre eux ait, peut-être, été tué. J’avais une haine tenace de cette société dans laquelle ils nous forçaient à obéir.
Les policiers, agents du gouvernement les plus présents dans notre vie quotidienne, après nos supérieurs hiérarchiques au travail, n’hésitaient pas à tuer pour la moindre raison, et jamais leur meurtre n’étaient remit en cause. Ils avaient tous les droits. Si vous vous faisiez arrêter, le mieux était de lever les mains en l’air, de baisser la tête et de dire oui à chaque question que l’agent vous posez. Même si vous n’aviez rien fait. Mieux valait obéir et ne pas essayer de défendre sa cause ou crier à l’injustice.
Je pourrai vous parler des prisons, mais les choses qui se passaient là-bas n’étaient qu’une répétition de ce que le vingtième siècle a fait de pire en matière d’horreur.
La voiture s’arrêta, les portières s’ouvrirent, sauf la mienne. Mes compagnons avaient disparu. Paniqué, je regardais autour de moi, une des vitres à côté de moi éclata en morceau et je sentis des mains m’agripper violemment. Saisi à la gorge, me débattant, on força un sac en toile de jute noir sur mon visage. Je ne voyais plus rien. On m’extirpa violemment de la voiture. J’étais pris au piège.
Jaskiers
Tout est possible 😉 On y prend goût à cette histoire.
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Notre pauvre héros a eu quelques… émotions et, apparement, ce n’est pas fini !
Merci.
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Merci à toi Jaskiers,j’ai pas de mérite, j’aime bien ton histoire et suis contente que le « feuilleton » continue
🙂
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De rien et merci de me lire !
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