Tout perdre – Chapitre 5

Est-ce que je regrette d’avoir agressé des gens, des jeunes, des vieux ? Non. La nouvelle société ne m’a pas donné le choix. Je n’aime pas que les gens disent que la vie est une question de choix. Est-ce vraiment un choix si l’autre option est la mort ? Le suicide allait à l’encontre de mes prérogatives sur la vie, je ne considérais pas que m’ôter la vie était quelque chose de normal, d’acceptable. Je n’ai pas eu le choix. Même si au final, j’ai trouvé une porte de sortie, qui m’a fait reconsidérer le suicide. Mais les gens qui n’ont pas la force de mettre en perspective le fait de s’ôter la vie, pas la force ou simplement parce qu’ils veulent vivre, eux, n’ont pas de choix.

Je n’ai pas tué, ou du moins pas que je le sache. J’ai laissé pas mal de personne en sang dans mon parcours de Sans-Riens. J’ai bastoné, tailladé, poignardé, assommé pour rester vivant. Enlevé un peu de l’espérance de vie d’autre pour en ajouter à la mienne.
La faim, la soif, le froid, la chaleur, les tempêtes et ouragans, les autres truands, tout cela a poussé mon instinct de survie à un point de non-retour. J’avais dit adieu à la vie normale, j’allai vivre, comme je le voulais et comme je le pouvais,un point c’est tout.

Le Gouvernement Mondial, pour contrer la montée de violence des Sans-Riens, nous n’étions pas désignés comme sans-abris mais des Sans-Riens, devenait un problème important pour l’avenir et les projets grandioses de conquêtes de l’Espace. Des unités de police spécialement formées ont commencé à essayer de faire régner l’ordre. ‘Spécialement formée’ était le terme appliqué à ces unités, mais encore aujourd’hui, ce terme reste vague. Ont-ils été entraînés spécialement pour réprimer les Sans-Riens ? Et si oui, quel type de formation ont-ils dû passer ?

En-tous-cas, ces officiers ont dû apprendre à manier la tonfa électrique et le flashball électrisé dans leur cours.

Ils arrivaient souvent en retard après une agression. Nous, les voleurs, connaissions la ville et ses rues, ses égouts, ses ponts, ses planques. Eux non. Leurs véhicules blindés, car oui, il leur fallait des véhicules blindés pour mater les désœuvrés, étaient bien trop lents pour arriver à temps après une de nos aggression.

Là où ces Messieurs Dames étaient les meilleurs, c’était quand il s’agissait de repérer nos attroupements, car nous nous réunissions parfois pour s’échanger des tuyaux, des bons coups, et même, pour partager et échanger un peu nos maigres possessions.

Durant ces moments, ils nous tombaient dessus par surprise.

D’abord, nous recevions les projectiles de leur flashball, qui non seulement nous percutaient violemment mais lâchaient des décharges électriques. Si vous étiez touché, vous ne pouviez presque plus bouger. La douleur était terrible, mais sentir son corps ne plus réagir vous mettez dans un état de panique terrible.

Durant ces rassemblements, nous étions parfois plusieurs centaines. Parfois dans un parc, dans des étages de buildings inoccupés, dans des quartiers mal famés, dans de vieux quartiers résidentiels abandonnés car devenu dangereux à cause des catastrophes naturelles, voilà où se passaient nos réunions de Sans-Riens.

Nous avons vite compris qu’il y avait des mouchards et des balances parmi nous, mais nous ne faisions rien tant que nous n’avions pas de preuves concrètes de la collaboration d’un individu avec ces Cochons, le nouveau surnom des flics. Nous ne voulions pas recréer ce système où un simple doute pouvait mener un homme ou une femme à perdre la vie. Car oui, quand nous avions des, ou une, preuves concrètes de la trahison d’un des nôtres, la mort était la sentence. Mais pas une belle mort, nous devions faire passer un message à tous ceux qui voulaient se retourner contre-nous ou nous infiltrer. La torture, l’humiliation, la mise à mort, tout était planifié pour terroriser ces lâches. Je n’exposerai aucun exemple de ce que nous faisions subir à ces personnes. Là aussi, j’ai participé. Je n’en suis pas fier, là non plus, mais c’était quelque chose qu’il fallait faire pour le bien de tous, pour survivre.

Jaskiers

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