
« – Désolé !
- C’est moi qui suis désolé cette fois. J’ai pas encore la boîte manuelle en main. Et puis, démarrer avec un diesel, faut s’y habituer.
- J’comprends, c’est… on voit pas beaucoup de vieilles voitures comme la vôtre.
- Sûrement parce que c’est illégal de circuler avec sur la SupraRoute.
- Les flics vont tellement vite qu’ils ne doivent même pas avoir le temps de vous… de te voir.
- Ouai, sûrement pour ça que j’ai jamais été arrêté !
- La technologie !
- Tu parles d’un progrès oui ! Mon tacot est lent mais, hey, il arrive à destination !
- Ça me rappelle une fable française.
- Ah ! J’me disais bien que vous aviez un petit accent !
- Un socialo de français… vous allez pas me laisser sur le bord de la route ?
- Pourquoi je ferai ça ?
- Quand je suis ramassé par des camionneurs, ça arrive souvent.
- Quand ils apprennent que t’es français ?
- Ouai.
- L’Amérique, terre d’accueil.
- Ah, tu sais, en France les gens peuvent se montrer aussi chiant que les américains quand ils rencontrent des étrangers.
- Pas d’offenses hein, mais vous avez une réputation de merde.
- Est-ce qu’on a vraiment une réputation de merde ou bien c’est parce que vous pensez que nous sommes des connards que vous agissez avec nous comme des connards, ce qui fait que nous passons pour des connards en réaction à votre comportement de merde avec nous ?
- Hey, t’as peut-être pas tort.
- Je suis français, on a jamais tort !
- Étonnant que tu n’est pas allumé une cigarette.
- J’allai te demander si je pouvais m’en griller une.
- Ok, mais tu m’en passes une aussi. »
Johnny sort un paquet de cigarette de la poche de son blouson et un briquet de l’autre. Il tend son paquet vers la conductrice.
« – Allume-la moi, c’est pas évident en conduisant. »
Il sort deux cigarettes, les met à sa bouche et les allume. Il en tends une à la jeune femme.
« – Merci bien mon ami.
- De rien… et c’est quoi ton nom ?
- Robyn.
- Putain, ça m’fait penser à Batman.
- Quelle originalité, on n’me l’avait jamais sorti celle-là !
- Désolé.
- Arrête avec tes ‘désolé’, tu commences à me faire chier !
- Réflexe.
- Et toi, tu t’appelles comment ?
- Johnny.
- C’est pas vraiment français comme prénom.
- Tu préférerais que je m’appelle Pierre ?
- Louis, ou Charles, comme vos rois.
- Charles ? C’est mon deuxième prénom !
- Sérieux ?
- Non. J’en ai pas. »
Un léger silence s’installe. Ces petits silences entre inconnus qui se rencontrent pour la première fois sont, certes, gênants, mais ils font partie du processus de socialisation. Enfin, c’est ce que Johnny pense actuellement, pour se rassurer.
« – La Californie ?
- C’est ça… d’ailleurs c’est bizarre la manière dont tu fais du stop.
- Comment ça ?
- Quand je t’ai demandé où tu allais tu m’a répondu en me demandant où moi j’allais.
- Je m’en fou d’où je vais.
- T’es pas un criminel au moins ?
- Si, un gros.
- T’es d’la french connection ? T’a pas de la coke Chinoise importée par nos amis de la CIA par hasard ?
- Non ! Enfin, je peux te choper ça si tu t’arrêtes chez mon pote Hunter Thompson, il doit avoir quelque chose dans le genre.
- C’est un parano !
- De Las Vegas !
- Foutu tordu que ce type.
- Sacré écrivain aussi.
- Ça se défend.
- Pas d’accord ?
- C’est que j’écris moi aussi.
- Tiens donc !
- Des chansons.
- Super, donc c’est ça ton boulot, pas étonnant que tu conduises un tacot pareil.
- Sérieux, tu me connais pas ?
- Non.
- Regarde-moi bien ! »
Jaskiers