
Il faut que je vous dise ce que l’on risquait et subissait si, durant un de ces raids des Cochons, nous nous faisions attraper.
Paralysé, le corps entier qui ne répond plus avec une douleur sourde vous traversant chaque muscle, c’est comme ça que vous finissiez une fois touché par un flashball électrique.
Si aucun de vos ami(e)s n’avaient pu vous aider à vous emmener en sûreté, vous étiez maintenant à la merci des policiers.
L’un d’entre eux vous ramassez comme un sac à patates puis vous balancez dans le fourgon de détention. Vous retombiez, encore raide, sur d’autres pauvres hères comme vous.
Si vous étiez ramassé parmi les derniers, vous aviez la chance de ne pas être en bas de la pile de corps entassées, donc de ne pas mourir étouffé.
Puis le camion de détention démarrait et tournait, et retournait. Vous étiez secoué dans tous les sens, impossibles de vous accrocher à quoi que ce soit. Vous preniez un coup de genoux dans la tête ou finissiez encastré dans un amas de corps, vos membres se tordaient, certains se cassaient. Des cris de douleur, d’agonies. Pour les moins paralysés, des appels à l’aide ou à la pitié. Vous sentiez la personne à côté de vous suffoquer, hoqueter et puis mourir. La mort a un son. Une odeur, celle de la transpiration, du sang et du métal recouvrant la camionnette de détention.
Vous surviviez, comme la plupart des personnes présentes, mais vous aviez mal. Vous pouviez bouger un peu plus, l’effet restrictif de la balle en caoutchouc électrifié qui vous avait percutée s’estompait doucement.
Un arrêt brutal, dernier soubresaut dans la cage.
Les portes du camion s’ouvrent, on crie, supplie. On beugle des ordres, vous ne compreniez pas tout. Des coups, des bruits de glissements, les soldats tirent chacun un prisonnier, par les pieds ou la tête, ils attrapent le premier corps qui leur tombe sous la main.
Ça va vite, très vite, vous voyez enfin la lumière du jour, ou plutôt, des grands projecteurs braqués sur vous qui vous éblouissent.
On attrape votre pied, vous glisser et percutez le béton brutalement. Votre front a méchamment percuté l’asphalte, mais pas le temps de gémir, on vous traîne, d’autre prisonnier sont traînés autour de vous. La friction entre votre peau et le bitume vous brûle. Vous avez récupéré un peu de mobilité, vous tentez donc de faire lâcher prise le cochon qui vous traîne. Mais vous êtes encore trop faible. Le cochon, en pleine forme, s’énerve. Vous prenez un coup de tonfa dans les reins et vous continuez d’être traîné.
Le sol change d’aspect, vous êtes maintenant sur du carrelage blanc immaculé et glacé. Vous ne sentez plus l’air frais de dehors, vous savez que vous êtes entré dans un environnement clôt.
Le policier vous attrape par les cheveux, vous plaque violemment contre un mur, vous assène un coup-de-poing dans le ventre. Votre souffle coupé, vous tombez à genoux en essayant d’aspirer de l’air.
Vous venez à peine de reprendre tant bien que mal vos esprits, vous réalisez que vous êtes dans une sorte de grand hangar. Le plafond haut et voûté, la dimension de la pièce vous le confirme.
D’autres prisonniers sont amenés et reçoivent le même traitement que vous. Vous êtes des centaines, peut-être moins, vous n’avez pas le temps de bien vous faire une idée, une immense porte se referme, bloquant les faisceaux lumineux. Vos yeux brûlent, ils viennent de voir disparaître une forte lumière blanche et se retrouvent dans le noir complet.
Puis, c’est une nouvelle litanie de plaintes ponctuée de cris de rage. Dans le noir, on s’agrippe à quelqu’un, on frappe, on touche, on vole, les plus bas instincts mêlés à la détresse se font jour.
Jaskiers