Johnny sur la route – Chapitre 3

Robyn tourne son visage et fixe ses yeux verts dans les yeux marron de Johnny. Cela dure quelque secondes qui paraissent un peu trop longues pour Johnny. Il a toujours peiné à regardé les gens dans les yeux, surtout quand c’était la personne qui conduisait. Il détourna son regard inquiet vers la route.

« – T’as peur hein ?!

  • Robyn, je te connais pas, des… merde… regarde la route. Je vois pas qui tu es.
  • Dommage… pour toi j’veux dire.
  • Désolé, mais regarde la route s’il te plaît merde ! »

Robyn reposa son regard sur la route, elle avait légèrement déviée de sa trajectoire et la redressa.

« – Tu fais souvent des coups comme ça ?

  • John… j’peux t’appeler John ouai ?
  • Au point où on en est.
  • John, faut vivre dangereusement, même un petit peu, ça te permet de te remémorer la valeur de la vie.
  • Oui, j’vois c’que tu veux dire. Mais c’est mieux quand on contrôle. Là, j’ai rien demandé.
  • Faut aussi apprendre à perdre un peu le contrôle.
  • Nan, là, ça tu vois, je peux pas.
  • Control freak ?
  • Carrément, et je l’assume.
  • Tu dois avoir une triste vie Johnny Boy.
  • Au contraire. Quoique… tout est question de perspective.
  • Non Johnny, tout est question de temps.
  • T’es du genre : on a qu’une vie faut en profiter ! C’est n’importe quoi.
  • Non, je suis d’accord, cette mentalité c’est pas mon truc non plus. Juste, tu ne peux rien contrôler totalement. Et la chose la plus importante, le temps, est bien la chose la plus importante que nous pouvons manipuler à notre guise. On est… une expérience.
  • T’a fumé avant de prendre le volant ? On peut pas manipuler le temps.
  • Peut-être que oui, peut-être que non.
  • D’accord, le temps, machin machin, tout est relatif, Albert Einstein, le Boson de Higgs, la théorie des cordes, la particule de Dieu, la matière noire, le nucléaire et machin machin encore machin. Je crois que le mieux Robyn, c’est juste de ne pas se poser de question. Plus tu t’en poses, moins t’as de réponse et tu finis avec encore plus de question. Y’a des types qui finissent en hôpital psychiatrique à cause de ce genre de questionnement.
  • T’es un foutu robot ?
  • Nan… c’est quoi cette question à la mord-moi le-noeud encore.
  • Le jour où tu demanderas à un robot ou une intelligence artificielle qu’elle est le sens de la vie et que la machine te répond avec aplomb une réponse qui n’est pas : je ne sais pas… Ça sera déjà trop tard.
  • Mais qu’est-ce que ça a à voir avec ce que je viens de dire ?
  • Rien… je dis juste que tu as raison. T’es perdu, tu te poses des questions, tellement que tu t’es arrêté de t’en poser et tu continues de vivre sans savoir.
  • Ouai… mais toi tu te les poses ces questions ?
  • Tu sais, l’hôpital psychiatrique, les maladies mentales, les fous comme les appellent les gens normaux… enfin la normalité c’est une question de point de vue… je disais, les malades, les schizophrènes, les dépressifs, les mégalomanes tout ceux-là. Ils sont pas dans la norme, ont les internes et ont les soigne pour qu’ils rentrent dans le moule, qu’ils travaillent et paient leurs foutus impôts et tutti quanti… mais si on prenait le problème différemment. Les schizos, moi ils me fascinent. Des hallucinations ? Des voix ? Et si au final, ils étaient des sortes de messagers ? De quoi ? J’en sais rien Johnny Boy, mais si on prenait le temps, encore le temps tu vois, si on les écoutait, je suis sûr que trouverait quelques choses…
  • Tu pars vraiment très loin Robyn. Trop même.
  • T’es pas de mon avis ?
  • Les schizos ? Tu leur dis ça, quand ils ne sont pas en crises, ils t’enverraient te faire voir. Y’a rien de plaisant à entendre des voix et voir des choses qui n’existent pas.
  • Qui n’existent pas… selon toi !
  • Non, là, là, honnêtement je ne te suis plus.
  • Tu vois, t’a peur de te poser des questions.
  • Jamais dis le contraire Robyn. Mais dans ce cas-ci, il n’y a pas de question. C’est le cerveau qui fonctionne différemment.
  • Oui et ?
  • C’est une maladie.
  • Ou un don.
  • Ok, moi j’arrête là, je ne te suis plus.
  • Tu as peur ?
  • De quoi ?
  • De remettre en perspective ta vision des choses ?
  • Il n’y a rien à mettre en perspective. Une maladie n’est pas un don.
  • La plupart des grands génies, artistes ou scientifiques, n’était pas vraiment sain d’esprit.
  • Il y a peut-être une concordance entre talent et santé psychique mais ça s’arrête là.
  • De mon point de vue, tu as tort.
  • Et du mien, tu réfléchis sur des choses qui n’ont pas lieux d’être.
  • Si tu regarde trop longtemps l’abime…
  • L’abîme regarde aussi en toi. Ça va, Nietzsche est devenu un poncif. Le supermarché de la philosophie.
  • Une idée bien arrêtée que tu as là Johnny Boy. Tu as déjà regardé l’abîme trop longtemps ou tu as peur de la regarder ?
  • À toi de me le dire.
  • Tu l’as regardé. Mais pas trop longtemps.
  • Super. Sortir Nietzsche, c’est devenu hype. Maintenant tu vas me parler de Freud ? Tu veux savoir si je suis venu à bout de mon complexe d’Oedipe ?
  • Non ! Rien à foutre. Et puis tu as dit que tu étais un meurtrier !
  • As-tu entendu parler de Kierkegaard ?
  • On dirait le nom d’un groupe de musique Suédois.
  • Mon dieu…
  • Quoi ? C’est vrai !
  • Très américain… je parie ta bagnole que si je te montre une carte de l’Europe, tu ne saurais même pas où se situe la Suède.
  • Tu m’as eu, je connais que l’Amérique. Ma bonne vielle Amérique.
  • Ta bonne vieille Amérique ? Si tu est native américaine d’accord, sinon…
  • Le bon vieux réflexe indicateur du sentiment d’infériorité de l’Européen !
  • Sans les Français, tu boirais du thé et mangerai du pudding à l’heure qu’il est. Mais ça, aucun Américain le sait. Mais je sais ce que tu vas me répondre Robyn chérie, sans nous, je parlerai allemand et blah blah blah. Sérieusement ? Les Français ont aidé l’Amérique à naître, à prendre, à gagner son indépendance. Lafayette, ça te dis quelque chose ?
  • Les galeries Lafayette ?
  • Très drôle. En attendant, en France, les écoliers ne portent pas de sacs pare-balles pour aller à l’école.
  • Tu aimes plonger la petite américaine dans les sujets qui fâchent ? D’accord. La guerre d’Algérie ? La torture ?
  • Je pourrai dire de même pour ce que vous avez fait un Irak… Abu Ghraib ?
  • Touché.
  • Aucun de nos pays n’est innocents.
  • J’en conviens.
  • Bon, j’en étais à Kierkegaard. Ça te dit vraiment rien ?
  • Non.
  • Sache qu’il n’y a pas que Nietzsche comme philosophe. Arrête de suivre ces modes internets. Il y a beaucoup plus à découvrir, par soi-même.
  • Tu me fais la leçon ?
  • C’est un reproche ou tu veux que je te parle de Kierkegaard ?
  • Tu sais quoi, j’ai bien envie d’un peu de silence ? Je dois même avoir du Simon and Garfunkel dans ma radio.
  • Les pauvres, ils y sont depuis longtemps ? C’est pour ça qu’on ne les entend plus chanter.
  • Un peu d’humour ! »

Robyn pianote sur sa radio, les premières notes de Sounds Of Silence de Simon and Garfunkel emplissent l’habitacle.

Jaskiers

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Johnny sur la route – Chapitre 2

« – Désolé !

  • C’est moi qui suis désolé cette fois. J’ai pas encore la boîte manuelle en main. Et puis, démarrer avec un diesel, faut s’y habituer.
  • J’comprends, c’est… on voit pas beaucoup de vieilles voitures comme la vôtre.
  • Sûrement parce que c’est illégal de circuler avec sur la SupraRoute.
  • Les flics vont tellement vite qu’ils ne doivent même pas avoir le temps de vous… de te voir.
  • Ouai, sûrement pour ça que j’ai jamais été arrêté !
  • La technologie !
  • Tu parles d’un progrès oui ! Mon tacot est lent mais, hey, il arrive à destination !
  • Ça me rappelle une fable française.
  • Ah ! J’me disais bien que vous aviez un petit accent !
  • Un socialo de français… vous allez pas me laisser sur le bord de la route ?
  • Pourquoi je ferai ça ?
  • Quand je suis ramassé par des camionneurs, ça arrive souvent.
  • Quand ils apprennent que t’es français ?
  • Ouai.
  • L’Amérique, terre d’accueil.
  • Ah, tu sais, en France les gens peuvent se montrer aussi chiant que les américains quand ils rencontrent des étrangers.
  • Pas d’offenses hein, mais vous avez une réputation de merde.
  • Est-ce qu’on a vraiment une réputation de merde ou bien c’est parce que vous pensez que nous sommes des connards que vous agissez avec nous comme des connards, ce qui fait que nous passons pour des connards en réaction à votre comportement de merde avec nous ?
  • Hey, t’as peut-être pas tort.
  • Je suis français, on a jamais tort !
  • Étonnant que tu n’est pas allumé une cigarette.
  • J’allai te demander si je pouvais m’en griller une.
  • Ok, mais tu m’en passes une aussi. »

Johnny sort un paquet de cigarette de la poche de son blouson et un briquet de l’autre. Il tend son paquet vers la conductrice.

« – Allume-la moi, c’est pas évident en conduisant. »

Il sort deux cigarettes, les met à sa bouche et les allume. Il en tends une à la jeune femme.

« – Merci bien mon ami.

  • De rien… et c’est quoi ton nom ?
  • Robyn.
  • Putain, ça m’fait penser à Batman.
  • Quelle originalité, on n’me l’avait jamais sorti celle-là !
  • Désolé.
  • Arrête avec tes ‘désolé’, tu commences à me faire chier !
  • Réflexe.
  • Et toi, tu t’appelles comment ?
  • Johnny.
  • C’est pas vraiment français comme prénom.
  • Tu préférerais que je m’appelle Pierre ?
  • Louis, ou Charles, comme vos rois.
  • Charles ? C’est mon deuxième prénom !
  • Sérieux ?
  • Non. J’en ai pas. »

Un léger silence s’installe. Ces petits silences entre inconnus qui se rencontrent pour la première fois sont, certes, gênants, mais ils font partie du processus de socialisation. Enfin, c’est ce que Johnny pense actuellement, pour se rassurer.

« – La Californie ?

  • C’est ça… d’ailleurs c’est bizarre la manière dont tu fais du stop.
  • Comment ça ?
  • Quand je t’ai demandé où tu allais tu m’a répondu en me demandant où moi j’allais.
  • Je m’en fou d’où je vais.
  • T’es pas un criminel au moins ?
  • Si, un gros.
  • T’es d’la french connection ? T’a pas de la coke Chinoise importée par nos amis de la CIA par hasard ?
  • Non ! Enfin, je peux te choper ça si tu t’arrêtes chez mon pote Hunter Thompson, il doit avoir quelque chose dans le genre.
  • C’est un parano !
  • De Las Vegas !
  • Foutu tordu que ce type.
  • Sacré écrivain aussi.
  • Ça se défend.
  • Pas d’accord ?
  • C’est que j’écris moi aussi.
  • Tiens donc !
  • Des chansons.
  • Super, donc c’est ça ton boulot, pas étonnant que tu conduises un tacot pareil.
  • Sérieux, tu me connais pas ?
  • Non.
  • Regarde-moi bien ! »

Jaskiers

Johnny sur la route – Chapitre 1

Johnny tend le pousse au bord de la SupraRoute, en attendant patiemment qu’une SupraMobile carburant à l’essence de fusée daigne s’arrêter. Mais à la vitesse où ces voitures vont, il y a peu de chance qu’un chauffard le voit. En fait, il risquerait plutôt de se faire atomiser.

Une vielle voiture Ford, Johnny ne saurait dire la série, car il n’est pas connaisseur et cette voiture est tellement rouillée qu’il serait difficile à un aficionado des vielles voitures de l’identifier, ralentit a quelques pas de lui. Seul le logo sur le capot, dressé fièrement sur l’amas de rouille, indique sa marque.

Une femme dans la trentaine la conduit. Noire, les yeux verts, c’est cette jeune femme qui va prendre Johnny en stop.

La voiture s’arrête enfin un peu avant lui, la vitre côté passager s’ouvre avec un violent et long bruit de grincement qui fait mal aux dents.

« – Tu vas où comme ça ? Lui demande la jeune femme.

  • Vous allez où vous ?
  • En Californie.
  • Ça me va !
  • Super… hey bien monte. »

Johnny appuie sur la poignée de la portière mais elle ne s’ouvre pas. Il regarde la conductrice avec un air surpris.

« – Ah merde, j’oublie tout le temps, elle s’ouvre pas, faut que tu passes par la portière de derrière, enfin de derrière moi. »

Johnny fait donc le tour de la voiture. Ouvre la portière arrière qui s’ouvre en laissant s’échapper un couinement digne d’une sirène de bateau. 

« – Viens à côté de moi, j’suis pas ton chauffeur non plus ! »

Johnny ne se fait pas prier, il n’a jamais vraiment compris pourquoi les gens ne voulaient pas qu’il s’assoie à l’arrière. Ils « ne veulent pas être mon chauffeur », c’est ce qu’ils disent tous quand il monte dans une voiture. Peut-être qu’ils ont en fait peur de laisser un inconnu s’asseoir derrière eux pendant qu’ils conduisent. Ça, ça se tient. Mais pourquoi ne pas le dire franchement ? Enfin, on ne se plaint pas à quelqu’un qui vous tend la main.

Notre ami John peine à se faufiler entre les deux sièges avant, le passage est étroit. Le levier de vitesse et le frein à main sont sur son chemin.

Son blouson frotte sur tout ce qu’il l’entoure et il s’affale légèrement sur la jeune femme avant de vite se rattraper et basculer sur le siège passager avant.

« – Désolé m’dame.

  • C’est rien, ça arrive souvent. Pas évident de passer devant. Faut vraiment que je pense à faire réparer cette portière. Et ne m’appelle pas madame !
  • Ok désolé. Pour votre voiture… ah… je sais pas si ça existe encore les garagistes.
  • J’dois avoir une pote dans mes contacts qui doit pouvoir bidouiller ça… mais faudrait déjà que je me rappelle son nom… son adresse… enfin. Donc direction la Californie.
  • C’est vous le chauffeur.
  • Si vous le dites. Et arrête de me vouvoyer ! On a le même âge, enfin je pense.
  • Désolé. Tu as quel âge ?
  • On ne demande pas ça à une femme !
  • Désolé…
  • Arrête d’être désolé. Tu as que ce mot dans la bouche !
  • Des… oh et puis merde.
  • C’est ça ! Faut se lâcher un peu ! »

La voiture démarra en trombe, Johnny ne s’y attendait pas et se cogne brutalement contre la boîte à gants.

Jaskiers

Jim et Pam, rue Beautrellis, 1971

Un homme, grand, avec des longs cheveux brun aux reflets châtains, comme sa longue barbe, arborant un léger embonpoint, fait le funambule au bord d’une fenêtre.

Tous ses voisins, sont habitués. Il n’est pas suicidaire, quoique… mais il ne va pas sauter. Il fait cela car il aime peut-être flirter avec la grande faucheuse et surtout, se faire remarquer jusqu’à à provoquer des réactions chez les passants. Mais à Paris, on ne regarde pas en l’air, on regarde devant soi ou ses chaussures. Aucun passant ne daigne regarder, ni s’inquiéter du funambule chevelu. Même dans le cas contraire, ils n’ont pas le temps d’être inquiets. Car à Paris, tout le monde est pressé.

Cette nuit, ses voisins ont entendu une énième dispute éclater entre lui et sa concubine, ou plutôt sa régulière, Pam. Une petite rousse très belle, très charmante à l’air fragile et mutine.

L’un des deux était saoul, voir carrément les deux. Ça gueulait en anglais. Les « fuck », « bitch », « asshole », « son of a bitch » et autres joyeusetés de la langue anglaise avaient raisonné dans tout l’immeuble.

Un voisin de palier regrette Zozo, la mannequin qui habite cet appartement et qui l’a prêté au couple d’américain. On dit qu’elle le leur a loué mais que ses locataires oublient souvent de payer.

L’homme serait un poète, à ce que la rumeur dit. Il doit être connu outre-Manche voir outre-Atlantique pour se permettre un train de vie si spécial. Qu’il paît son appartement ou non, les bitures qu’il se met avec ses ami(e)s sont régulières. On ne parle pas que d’alcool, ça sent parfois l’herbe dans le hall de l’immeuble. On voit parfois un jeune homme, dans la vingtaine, plutôt beau garçon, bien habillé, rentrer et sortir de l’immeuble. On dit qu’il est un comte, il a un nom en « de », un garçon d’une famille bourgeoise pour sûr. Certains voisins ont mené leur petite enquête. Ce jeune homme deal de la drogue dure, de l’héroïne venue de Chine, fournit par les truands marseillais.

Les voisins sont des voyeurs, tout le monde l’est un peu quand on vit si proche les uns des autres. Et certains ont remarqué que le jeune comte venait souvent quand le grand barbu n’était pas là.

Après tout, on sait que lui aussi la trompe. On l’a vue amener des filles, parfois plusieurs en même temps, dans l’appartement. C’est donc de bonne guerre que Pam se tape leur jeune dealer.

Le grand brun est descendu de son perchoir étroit et fume une cigarette, puis une autre. Une n’est presque pas finie qu’il en allume une autre. Il a le regard dans le vide, il semble perdu. On peut même voir une lueur de désespoir, quelque chose de spirituel, comme un appel à l’aide à un Dieu quelconque au fond de ses yeux bleus fatigués.

Pas de cris ce matin, la dispute s’est arrêtée au milieu de la nuit. On a entendu des bruits sourds, des coups, sûrement. Les deux se battent comme des chiffonniers et ne se cachent pas pour s’échanger quelques baffes dans le hall d’escalier quand ils rentrent tard, ensemble, souvent le soir, complètement défoncés.

Personne n’appelle jamais les flics, on se mêle de ses affaires. Et se grand type, qui ne semble faire de mal à personne excepté à lui même et à sa régulière, n’est pas quelqu’un qui cherche la bagarre avec les voisins. Mais mieux vaux ne pas attiser la colère d’un alcoolique.

En parlant de colère, l’homme reparaît à sa fenêtre et crie :

« Have you ever broken throught ? Through the other side ? »

Le silence parisien lui répond. Une réponse qui ne semble pas le satisfaire. Il rétorque donc :

« If the doors of perception were cleansed every thing would appear to man as it is, infinite ! »

Pas de réponse là encore. Quelque seconde plus tard, après s’être allumé une nouvelle cigarette, il se penche dangereusement sur la rambarde. Ceux qui l’aperçoivent prient intérieurement pour que la rambarde soit solidement fixé au mur mais restent muets.

« William Blake anyone ? »

Silence.

« Huxley ? Aldous ? »

Quelques coups de klaxon résonnent au loin pour toute réponse.

« Andale ! Andale ! Français ! »

Retour du silence.

« I did broke broke through the other side, not as easy as it appeared. And man, I wish I didn’t see the infinite. Fuck no. Please god, help me. »

Il jette sa cigarette à moitié consumée par la fenêtre. Habituel, là aussi. Heureusement, le hasard fait qu’il n’y a jamais personne qui passe sous sa fenêtre au même moment. Et, surtout, quand quelqu’un gueule de sa fenêtre, on change de trottoir.

« Do not pick up hitchhiker ! Their’s a killer on the road ! »

Et la litanie recommence.

« Father ? Father ? Père ? »

Silence.

« I want to kill you !… MOTHER ? Mama ? »

Silence.

« I want to… fu… fuck you ! »

Quelques pigeons roucoulent.

« The whisky-à-gogo, the original one, you know it’s just in the area ? Well, try to kick me out again ! »

Silence.

« Guess the French are okays with their oedipus complexes. Alright. »

Une voiture de police passe dans la rue, elle ralentit au niveau de Jim, on peut voir les deux policiers penchés sur le tableau de bord, le regard rivé sur Jim.

Jim leur fait un salut amical.

« Bonjour police ! Eat my ass yes ! »

Les deux gendarmes se regardent, échange de regard confus entre eux, puis redémarrent et s’en vont.

« Au revoir ! Au revoir ! Révolution ! Au revoir. »

Un cri derrière Jim, il est difficile de distinguer les mots, mais le ton, lui, est autoritaire.

Pamela tire son régulier, l’écarte dès la fenêtre et la ferme.

Silence.

C’est un spectacle étrange dont les voisins du poète sont témoins presque chaque jour depuis l’arrivée du couple tumultueux.

Certains, inconsciemment, ont parfois l’impression d’être comme happé par les discours de l’homme barbu à sa fenêtre. Comme le prêche d’un gourou. D’ailleurs, ils ressemblent à ce type américain qui avait une « famille ». Famille qu’il a poussé à tuer Sharon Tate, enceinte.

L’Amérique, on ne sait plus quoi en penser. La France non plus à vrai dire. Mai 68 est finie depuis 3 ans, mais est-ce que quelque chose a vraiment changé ? Les jeunes ont-ils forcé les vieux à les écouter ou a encore plus les haïr ?

Les temps ont changé. Beaucoup, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. D’ailleurs, des jeunes Américains, pauvres pour la plupart, dont beaucoup de Noirs, qui vivent dans des ghettos, partent tuer et se faire tuer à des milliers de kilomètres de chez eux dans une guerre qu’ils ne comprennent pas vraiment et qu’ils trouvent inutile et injuste ; le Vietnam. Comment ils chantaient déjà ces quatre types avec leurs cheveux longs ? Mais si, ces Américains… « Four dead in Ohio/ how many more ? »

Parce que oui, en Amérique, le Summer Of Love, les hippies, c’est presque du passé. Mais la National Guard tire sur des étudiants pacifique.

En fait, tout change… mais tout se répète.

Voici Agnès Varda qui s’apprête à rentrer dans le bâtiment de Jim et Pam. Tout est calme quand elle leur rend visite. Peut-être est-ce le bon moment pour quitter cette rue et continuer notre vie.

Jaskiers

La mort d’une reine (billet de réflexions)

Nous sommes dans la nuit du 09/09/2022, je regarde un documentaire sur Diana et la famille royale avec ma mère car hier, la reine Elisabeth II est décédée.

J’avais lu un article en début d’après-midi midi, je crois, annonçant que la reine était hospitalisée. Pas le premier genre d’article que j’ai pu lire sur la santé de la reine mais, comme beaucoup, j’ai senti que quelque chose de grave allait arriver.

Après que ma mère et ma sœur soient revenues de faire quelques courses, ma mère ayant repris le volant pour la première fois depuis son opération à son pied, j’ai annoncé à ma mère l’hospitalisation de la reine et que, cette fois, ça avait l’air sérieux, car beaucoup de ses proches allaient rejoindre l’altesse à son chevet.

Peut-être dix minutes après, ma mère lit un titre d’article en anglais disant « The Queen is dead ». Elle ne sait pas ce que ça veut dire, ma sœur me demande de regarder, j’étais en train de lire, mais j’ai ouvert l’application de l’AP et l’information était située dans un bandeau rouge en haut de l’écran ; la reine est morte.

Sensation étrange. La reine d’Angleterre m’a toujours fait penser à ma grand-mère, dont je n’ai toujours pas beaucoup de nouvelles d’ailleurs. Elle est gravement malade. Mais au téléphone, elle fait tout pour ne pas m’alarmer.

Nous avons allumé la télé. Les infos ne parlaient que de ça, normal, c’était historique.

J’ai regardé le mariage de William à l’époque, par curiosité et car c’était l’Histoire. J’ai aussi été impressionné par la série Netflix « The Crown », ce qui m’a aidé à comprendre la vie derrière les joyaux de la couronne.

Il y a quelques heures, j’ai l’impression d’avoir vécu une chose presque similaire aux premiers pas de l’Homme sur la Lune. D’ailleurs plus proche de cet événement, la mort du pape Jean-Paul II. Je m’en rappelle, j’étais là encore devant la télévision, mais j’étais un enfant. Et je comprenais que c’était important.

Et avec ma mère, fascinée par Lady Diana, nous sommes restés toute la soirée devant la télévision, encore maintenant où j’écris ces lignes. J’apprends beaucoup sur Diana, une vie plus complexe et difficile que je ne le pensais. J’ai encore plus de respect pour cette femme mais aussi pour ses deux fils, qui ont dû supporter de faire le deuil de leur mère sous les yeux du monde.

On croit encore, inconsciemment et cela est normal, que la vie royale est un conte de fées. Non, c’est une prison d’orée, une asphyxie de la personne, de l’ego, de la personnalité qui mène à, parfois, de terribles événements.

La vie est étrange et difficile, et la reine Elisabeth, bien qu’elle n’est jamais manquée de rien matériellement, s’est retrouvé la reine d’un pays très jeune et a dû dédier sa vie à son pays.

Je n’oublie pas le passé colonialiste, le racisme de la royauté et les crimes odieux d’un des princes dont je tairais le nom ici. (Son prénom commence par un A.)

Pour en revenir sur la réflexion de la royauté, de la richesse à outrance : On a beau avoir tout, en fait, c’est ce qu’on en fait qui est important, nos actes, nos mots et notre présence.

Rien n’est simple dans cette vie, pour n’importe qui. Avec certaines réserves évidemment.

Mais comme toujours, qui vit voit et vivra verra. Et l’on fait plus comme on peut que comme on veut. C’est comme ça. C’est la vie.

Avant de partir : https://youtube.com/watch?v=nlcIKh6sBtc

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 18

La mauvaise réputation des toilettes de stations-services.

Petite bâtisse blanche, ou presque, de plein pied, la porte, d’un vert fatigué, était taguée et montrait des signes alarmant d’usures. Elle grinça à l’entrée de l’écrivain.
Un tout petit hall d’entrée avec des lavabos sur le mur faisant face à la porte. Une porte de chaque côté, à gauche les femmes, les hommes à droite.

Dante Rand rentra dans la section des hommes et constata qu’il n’y avait pas de toilettes, mais seulement des urinoirs. Rien pour pouvoir se déshabiller sans être vue. Les WC étaient déserts. Il ne perdit pas de temps, se déshabilla, changea son pantalon, enleva ses chaussures et ses chaussettes en réalisant qu’il avait oublié d’en racheter une autre paire. Il n’aimait pas vraiment déambuler sans chaussettes. Depuis tout petit il avait besoin de les avoir aux pieds. Il enfila sa nouvelle paire de chaussures à la couleur rouge presque aveuglante. Le genre Skechers qu’utilisent les personnes âgées pour rester cool et actif.

Il en profita pour uriner, quand le deuxième appel de la nature se rappela à lui. Il allait devoir essayer les toilettes des femmes pour la grosse commission.

Il passa le couloir et rentra dans les toilettes des femmes, qui possédait des cabines. Dante poussa un soupir de soulagement, s’engouffra dans l’une d’elle et fit ce que la nature lui demandait. Une fois la chasse d’eau tirée, il sortit de la cabine et se retrouva nez à nez avec sa fan tenancière de station-service.

« – Hey bien re-re-bonjour monsieur Rand !

– C’est très gênant je voulais juste des toilettes pour vous savez…

– Oui les toilettes des hommes n’ont que des urinoirs. Que voulez-vous, les hommes ici tiennent chèrement à leurs masculinités.

– Hey bien je ne sais pas comment leurs masculinités leur permet de couler un bronze dans ces urinoirs. Ça doit-être une sacré gymnastique. Limite de l’art pour viser dans le trou !

– Quel poète vous feriez !

– La poésie vous mange dans les mains dans les moments les plus atypiques !

– Je vois ça !

– Bon, je vais pas m’éterniser, je vous remercie encore.

– Pour ?

– Pour votre sympathie et votre compréhension, l’Oklahoma a été jusqu’ici une sacrée épreuve, un chemin de croix, une descente aux enfers, et il me reste encore de la route.

– Vous m’envoyez enchantée et aussi désolé pour votre mauvaise expérience du pays. Bonne route et faite attention à vous !

– Encore merci ! »

L’auteur sortit en trottinant. Il rougissait, légèrement gêné et honteux. Mais quand dame nature appelle, on avise.

Il grimpa dans sa voiture, arrêté au stop de la sortie de la station à essence, il s’alluma une cigarette.

Une voiture de police fit entendre ses sirènes juste devant lui.

Jaskiers

L’homme du café

Avertissement : ce récit fait presque 4 000 mots. Lisez-le à votre rythme. Je n’ai pas trouvé judicieux de la diviser en chapitre.

Le café des Soupières était le refuge d’Eva pour relâcher la pression. Métro, boulot, café et direction l’appartement.

Sa patronne, qui serrait les vis à en tordre un tournevis, était tout le temps sur son dos. Ajoutez à cela que la matrone aimait se montrer odieuse et imbue à souhait, un métro qui sentait l’urine, la bière premier prix et le déodorant bon marché et le burn-out pointait le bout de son nez. Un café silencieux, excepté pour le bruit des cuillères tournant dans les tasses, avec un bon parfum de café chaud, le chauffage durant l’hiver et la climatisation pendant l’été, des tenanciers aimables et discrets, faisait office de havre de paix et de repos.

C’était ici qu’Eva se déconnectait de la réalité, prenait ses distances avec une vie de stress intense. Elle sortait son petit carnet de croquis Moleskine, un crayon de papier et commençait à dessiner des robes, des chapeaux, des chaussures. Elle avait espéré quand devenant l’assistante d’une créatrice de mode en vogue, elle pourrait, un jour, se lancer dans l’aventure et devenir, elle aussi, une créatrice de mode. Elle avait le talent, le coup de crayon, l’imagination et les connaissances requises du monde de la mode, son fonctionnement, ses codes et savait ce qu’elle pourrait y apporter. Mais jamais elle n’avait eu le courage, jusqu’ici, de présenter son travail à sa diablesse de patronne.

Elle s’installa à la même table que d’habitude, à côté de la fenêtre donnant sur la partie la plus grouillante de vie de la ville. Elle aimait faire de pause dans ses dessins et regarder les passants, leur style, leur vêtement. Elle avait le talent de voir quel vêtement serait à la mode la saison prochaine juste en observant les gens qui déambulaient devant cette fenêtre.

Elle voyait souvent les mêmes personnes, à heure fixe, sûrement partaient-ils pour le travail ou pour sortir entre amis.

Mais à partir d’un moment, elle ne saurait pas dire depuis quand exactement, elle pouvait voir cette personne. Impossible de savoir si c’était un homme ou une femme, habillé tout le temps avec un long manteau bleu foncé, un trench-coat pour être exacte, un chapeau qui lui descendait jusqu’aux yeux, et il ou elle semblait avoir les cheveux coupés court, ce qui était en vogue chez les femmes en ce moins de novembre.

Cette personne avait attiré son œil, son habillement était basique, selon les codes de la mode actuelle à New-York, mais c’était son comportement qui était le plus curieux.

La personne ne bougeait presque pas, adossée au mur juste en face de la fenêtre de la table où Eva avait pour habitude de déguster son café, à une dizaine de mètres, sur le trottoir d’en face. Voir tous ces gens se presser et cette personne rester presque immobile était curieux. Et effrayant.

Cet individu arrivait exactement au même moment où la jeune femme allait prendre son café après le travail. La pauvre Eva ne pouvait dire de quel côté il arrivait avant de s’adosser au mur.

À force d’observer cette personne, de jour en jour, elle pouvait distinguer qu’elle portait une paire de lunette noir, très épaisse, du genre que les célébrités excentriques mettent pour prétendre vouloir ne pas se faire reconnaître.

Elle observa aussi que son admirateur, c’est comme cela qu’elle l’appelait, portait des gants bleus en cuir, ou similicuir. Malgré ses recherches, elle ne put découvrir la marque de son trench-coat, son chapeau, qui était banal, unisexe et noir ne demandait pas la peine de faire d’effort pour trouver sa marque. Elle ne pouvait distinguer que difficilement les chaussures de la personne, elle n’avait l’opportunité de les voir que quand elle se déplaçait. Il semblait à Eva que l’individu portait des bottes, avec un petit talon. Elle fit quelque recherche sur Google pour trouver des modèles de bottes « de ville », là aussi, unisexe, rien de probant et la marque, là aussi, pouvait être n’importe laquelle.

Au bout de trois semaines de ce curieux spectacle, Eva décida d’arriver plus tôt devant le café mais sans y entrer, quelque minutes avant l’horaire habituel, pour voir d’où l’étranger allait arriver et observer sa réaction quand il découvrirait qu’elle était en retard.

Mais la personne était déjà là, même, elle fit un signe à Eva, amical, de la paume de la main, puis s’adossa sur le mur.

Eva avait peur, cet inconnu semblait savoir ce qu’Eva avait essayé de faire. Elle n’avait pour l’instant par le courage d’aller se confronter à cet étrange personne. L’idée de demander à une amie de l’aider ne l’enchantait pas du tout, craignant être prise pour une folle et voir se ternir sa réputation dans le monde belliqueux de la mode.

Elle prit sa table habituelle, et regardait fixement l’intrus. Elle ne pouvait se concentrer sur rien d’autre, son sketch book contenait déjà plusieurs dessins de ce curieux personnage. Elle ne pouvait se concentrer sur quelqu’un d’autre depuis ces trois semaines.

Une réflexion se fit jour en elle ; et si elle était la seule à pouvoir le voir ? Car, jamais, il ou elle n’interagissait avec quelqu’un d’autre, les gens passaient à côté sans jamais un regard, ni même un mot, ni une plainte envers l’individu, ce qui était rare à New-York. N’importe quelle personne lambda recevrait une bordée d’insulte si elle restait comme cela, à occuper une partie du trottoir. Les gens dans cette ville étaient pressés.

Décidément, quelque chose clochait, ou bien devenait-elle folle à cause du surmenage. Étant une habituée du café, mais n’ayant jamais échangé avec ses tenanciers plus que nécessaire, elle puisa en elle le courage de demandé à la barista si elle aussi voyait cet homme.

« – Bien sûr, en faite il vient toujours quand vous êtes là. D’ailleurs, avec les collègues, on se demande s’il ne vous harcèle pas.

  • Depuis environ deux semaines, ce type m’observe à chaque fois que je bois mon café.
  • Vous voulez que j’envoie quelqu’un lui parler ?
  • Vous pouvez faire ça ?
  • Oui, Swan, vous savez notre serveur.
  • Je ne voudrais pas que ça dégénère.
  • Swan est gentil mais il ne faut pas trop le chercher, ne vous inquiétez pas pour lui. Swan ?!
  • Ouai ?
  • Tu sais le type louche qui vient quand Eva… excuse-moi, ça ne vous dérange pas que j’vous appelle Eva ?
  • Non aucun soucis mais…
  • Pourquoi tu m’as appelé ?
  • Le type qui se ramène à chaque fois qu’Eva vient, tu ne voudrais pas lui demander d’arrêter son manège ?
  • Il vous harcèle ?
  • Je ne sais pas si on peut appeler ça du harcèlement mais… il est toujours là quand je viens.
  • Ouai, on avait remarqué ça, j’vais lui demander ce qu’il cherche à la fin. »

Swan enleva son napperon, remonta ses manches de chemises et sortit tout de go.

Les deux femmes regardèrent par la vitre ce qui allait se passer.

La mystérieuse personne était planté là, et ne vit pas tout de suite que Swan s’avançait vers lui. Il sembla sursauter aux paroles de Swan. Ce dernier faisait de grands gestes en indiquant le café. L’autre restait immobile, Swan se rapprocha de son visage, et semblait avoir haussé le ton car les passants se retournaient vers eux.

D’un coup vif, la personne poussa le brave Swan puis partit en courant. Le serveur se releva, il jeta un regard vers le café, incrédule. Il se releva pour partir à sa poursuite mais Marlène et Eva étaient sorties et lui crièrent de revenir. Ce qu’il fit.

« – Quel fou ! Il est dangereux ce type ! J’appelle les flics ! Dit Swan

  • Non c’est pas la peine…
  • Si Eva ! Il a agressé Swan et puis vous pourrez leur dire qu’il n’arrête pas de vous harceler.
  • Ce n’est pas vraiment du harcèlement…
  • Si ! Éructa Swan.
  • Est-ce un homme ou une femme ?
  • J’en sais rien, le type est camouflé avec son chapeau et ses lunettes. Il ou elle a fourré son visage dans le col de son trench-coat quand je l’ai apostrophé.
  • Encore un tordu.
  • N’appelez pas la police s’il vous plaît, j’ai trop de travail, trop de choses à faire. Il ne m’embête pas, il me regarde juste. Appelez-les parce qu’il vous a agressé mais ne leur parlais pas de moi.
  • Si je ne leur parle pas de vous, ils vont me demander pourquoi je suis allé à sa rencontre.
  • Ne les appelez pas. Plaida Eva.
  • D’accord. Tout compte fait c’est mieux comme ça. Si jamais il revient, je lui rendrai la monnaie de sa pièce !
  • Non Swan non ! On va avoir quelle réputation nous après ?
  • Mieux vaut que nous ayons une mauvaise réputation qu’Eva finisse dans le caniveau, sans vie. »

Swan rentra dans le café, agité. Il rattacha son napperon et partit dans l’arrière-boutique.

« – Vous prendrez quoi ?

  • Ah… comme d’habitude Marlène. »

Les deux femmes rentrèrent. Marlène se dirigea vers ses machines à café et Eva s’installa à sa place habituelle, légèrement inquiète de ne plus voir son admirateur. Elle s’était habituée à sa présence.

Marlène lui servit son café. Eva sortit son Moleskine et à son grand bonheur, réalisa qu’il y avait longtemps qu’elle n’avait pas dessinée autre chose que l’étrange personnage depuis des semaines.

Un mois plus tard, Eva venait toujours à son café. Son admirateur n’était pas revenu. Le mystère de sa présence la hantait encore. Elle faisait ce songe la nuit où cette personne rentrait dans le café, s’asseyait en face d’elle, et malgré les questions d’Eva sur son identité, l’admirateur ne répondait pas. Quand Eva montait le ton, il se levait de sa chaise et partait en courant. La jeune femme se réveillait en sueur.

Tout le mois, elle put dessiner et s’inspirer des passants de la rue comme avant, sauf qu’elle ne dessinait plus autant. Son regard se posait sur le mur ou s’adossait habituellement son « prédateur » comme l’avait surnommé Swan. Elle était devenue proche des employés du café. Restant parfois plus longtemps que d’habitude pour faire un brin de causette. Elle avait même le droit à des tasses de café à l’œil. Tous les jours, pourtant, le sujet du prédateur revenait sur le tapis. Eva voulait savoir si Marlène, ou Swan, avaient vu cette personne dans les parages. Et depuis un mois, la réponse était non.

Un soir qu’elle rentra dans son appartement, elle découvrit dans sa boîte aux lettres une enveloppe, pas d’adresse, ni de timbre. Quand elle l’ouvrit, elle trouva 1 000 $ et un mot griffonné sur un bout de papier froissé : « Pour tes débuts dans l’industrie de la mode. D’autres coupures arriveront. Signé : ton ‘prédateur’ »

Abasourdie par les billets et le mot, elle se laissa choir sur son canapé. Il ou elle était de retour, connaissait son adresse et surtout, son plus grand rêve.

C’était forcément quelqu’un qu’elle connaissait, où qu’elle avait connue. Elle fit mentalement le tour des personnes qui pouvait être se cacher derrière ce personnage. Ses collègues, ses anciennes amies de la Fac, ses anciens petits amis, des stagiaires, l’entourage de sa patronne. Elle cherchait un profil, celui typique de la personne discrète mais toujours là. La personne qui faisait peur à tout le monde par son silence et ses attitudes étranges. À la fac, il y en avait une bonne poignée, de ces gens-ci, mais aucun qui ne pouvait la connaître et elle n’en avait fréquenté aucun.

Au travail, le profil s’étoffa, elle pouvait y mettre les traits de caractères dominants dans son milieu, la jalousie et les rivalités. Mais cela ajouta beaucoup trop de personne à sa liste mentale de suspects.

Le stade de la lettre non timbré, donc juste déposée dans sa boîte aux lettres, était préoccupant, car la personne savait exactement où elle vivait, elle s’était même déplacée.

« Peut-être devrai-je appeler la police » pensa-t-elle. Car la personne, maintenant,semblait proche. Trop proche. Mais que leur dire ? Que feraient-ils ? Que pourraient-ils faire ? La croiraient-ils ?

Trop d’inconnus. Elle ne pouvait qu’avertir ses proches et ses amis du café qu’il était revenu. Sa famille réagirait avec empressement, mais elle couperait court à leurs inquiétudes tout en étant franche avec eux. Elle avertirait aussi sa patronne, bien qu’elle se doutait qu’elle s’en ficherait pas mal. Mais il fallait que le plus de monde possible sachent, au cas où…

Quand sa famille fut avertie, elle eut droit à une vague d’inquiétude. Sa mère ayant même appelé la police qui lui répondit qu’ils ne pouvaient rien faire, c’était à leur fille de le signaler. Marlène et Swan furent, eux aussi, inquiets de la tournure que cela prenait.

Mais c’est en parlant à sa patronne que la chose prit une tournure surprenante.

« – Attendez Eva ! Quoi ?

  • Je suis… harcelée par une personne.
  • Oui, ça j’ai compris, mais il ressemble à quoi cet homme ?
  • Je ne sais pas si c’est un homme.
  • Mais il ressemble à quoi ?
  • Il porte toujours un trench-coat, un chapeau et des bottes de ville.
  • C’est pas possible !
  • Madame ?
  • Mais non !
  • Vous avez un problème madame ?
  • Eva dite moi… cet homme… il vous a contacter ? Il vous a donné de l’argent pour votre carrière ?
  • Oui comme je vous l’ai dit…
  • Non ! Non ! Je refuse que… n’acceptez jamais son invitation ni son argent !
  • Mais vous le connaissez ?
  • Oh oui je le connais ! Et je refuse. Oui je refuse que vous vous mettiez en contact avec lui !
  • Je n’ai jamais parlé avec lui… mais qui est-ce madame ?
  • Vous n’avez pas besoin de le savoir, ne le contactez pas c’est tout ce que je vous… consei… je vous l’interdît !
  • Mais… dites-moi moi ce que tout cela signifie !
  • Écoutez, ignorez-le.
  • C’est ce…
  • Écoutez, j’ai… un changement d’agenda, je dois… aller… faire quelque chose. Rentrez chez vous et surtout restez-y… enfin je veux dire n’y allait pas… enfin. Allez, du balai laissez-moi. Vous êtes en repos aujourd’hui.
  • Mais…
  • Pas de question, allez ! »

Eva rentra chez elle, jetant des coups d’oeil à chaque coin de rue, à chaque fenêtre. En rentrant chez elle, elle découvrit une nouvelle enveloppe. Non timbrée, sans adresse. Elle hésita à l’ouvrir mais quelque chose la poussa à satisfaire sa curiosité, surtout depuis que sa tyrannique patronne semblait connaître cette inconnu.

En plus d’une autre coupure de billets, la jeune femme sortie une lettre de l’enveloppe.

« Ma chère Eva ;

Votre tour est venu de prendre la relève ! Je vous invite à me rejoindre au 75 street Corner vers 21 h. Entrez dans le vieux pub appelé « Le Trèfle », demandez au barman un « cocktail de jus de citron vert bien épicé ». Il vous demandera de le suivre. Suivez-le sans crainte. Il vous mènera jusqu’à moi. Là, vous aurait les réponses à vos questions.

Je comprends que vous ayez peur. Je ne peux que vous rassurer et vous dire que tout se passera bien. Je ne vous veux aucun mal. Au contraire, je pense vous aider pour votre carrière et votre futur.

Venez seule surtout.

Je vous offre une opportunité. Nous aurons amplement l’occasion d’en discuter.

Ayez confiance et n’écoutez pas votre patronne, Madame Wintord. Je ne vous veux aucun mal.

Sincèrement.

Votre ‘predateur’. »

Eva posa la lettre après l’avoir relue trois fois.

Étonnamment, elle n’avait plus peur, en faite, elle l’aurait été si sa patronne n’avait pas été si alarmé par cette situation. Jamais elle ne l’avait vue si angoissée, stressée, à deux doigts de perdre contrôle. Venant d’une femme qui depuis trois ans n’avait jamais exprimée autant de peur qu’aujourd’hui, quelque chose en elle l’a poussé à avoir le fin mot de cette histoire.

Elle attendit seule 20h30. L’attente avait été presque insupportable, la jeune femme n’avait prévenu personne.

La jeune femme s’habilla confortablement, pas de talons, pas de robe. Parce qu’il lui faudrait peut-être être à l’aise en cas de pépin et pouvoir détaler rapidement.

Elle fit le chemin à pied, la nuit était tombée. Les rues restaient animées. Les gens faisaient la fête ou flânaient. Eva était, dans ses ruelles, la seule personne pressée.

Elle trouva le pub du « Trèfle », un petit bar dont l’entrée était sous la chaussée de la route, chose habituelle dans cette grande, vielle, mais moderne ville.

La jeune femme entra et se sentie dépaysée par le décor, très champêtre, typiquement irlandais, du pub.

Les quelques clients la regardèrent puis se détournèrent vivement. Eva se dirigea vers le barman, petit homme enrobé, les cheveux clairs, des yeux bleus perçants et fatigués, qui l’accueillit en lui demandant ce qu’elle désirait.

Eva paniqua quelque seconde, ne se rappelant plus ce qu’elle devait lui dire. Elle balbutia quelques mots avant de se ressaisir.

« Je voudrais un cocktail de citron vert bien épicé. »

À ces mots, le barman la regarda droit dans les yeux, la surprise s’afficha sur son visage le temps d’une seconde, puis, posant son torchon, il lui demanda à voix basse de le suivre.

L’irlandais l’emmena dans ce qui semblait être une terrasse, ils la traversèrent pour descendre un escalier. Arrivé devant une porte en bois massif, le barman sortit son trousseau et ouvrit la porte qui grinça bruyamment.

« – Veuillez entrer. »

Eva hésita, mais devant le regard sévère de l’irlandais, elle se sentit gênée de le déranger et de le faire attendre. Elle passa le seuil de la porte qui se referma violemment derrière elle, la serrure faisant retentir sa sinistre musique. Pas de retour possible.

Plongé dans les ténèbres, la lumière s’alluma brusquement. Eva vit où elle se trouvait, comme un immense parking souterrain dont on ne voyait pas la fin. Les murs étaient peints d’un gris métallisé et propres. La modernité détonnait comparée au pub très rustique.

Des immenses pilonnes en deux rangées, espacés régulièrement occupaient l’espace. Et une chaise avec une personne assise en plein milieu.

« – Donc tu es venue ! »

La voix raisonnée, c’était celle d’un homme.

« – Avance ma chère Eva avance. N’aie pas peur. C’est normal de l’être, mais ai confiance ! »

La voix était douce, aucune méchanceté ne semblait s’y loger, dans le ton et la manière de parler de l’homme.

Eva s’approcha lentement.

« – Je doutais que tu viendrais, vraiment. Mais je suis heureux. Cela me réconforte. J’ai encore fait le bon choix.

  • Quel bon choix ?
  • Approches ! On ne va pas se parler à dix mètres l’un de l’autre. Je te dois des explications. »

Eva accéléra le pas pour se retrouver enfin en face de l’homme, car enfin, elle eu la réponse à une de ses questions, c’était un homme, assez âgé d’ailleurs. Toujours habillé pareil. Il lui tendit la main.

« – Enfin, laisse-moi me présenter. Arthur Rockdweller.

  • Arthur Rock…
  • As-tu entendu parler de moi ?
  • Vous êtes le milliardaire qui possède…
  • Oui, enfin je ne suis pas qu’un milliardaire. Je suis heureux que tu connaisses mon nom !
  • Peu de personne dans cette ville ne vous connaît pas.
  • Sûrement… sûrement. À ma chère Eva ! Enfin ! Le temps est venu…
  • Que me voulez-vous à la fin ? Je commence à être… fatiguée de toute cette histoire.
  • Assieds-toi si tu le désires.
  • Non…
  • Si tu as envie pendant que je te parle n’hésite pas.
  • Ok…
  • Je vais mettre un terme à tout cela. Commençons par le commencement !
  • Ça serait… logique…
  • J’aime votre caractère !
  • Merci… je présume.
  • Votre patronne. Anna Windtord vous a-t-elle parlée de moi ?
  • Elle m’a dit de ne pas me…
  • Oui, elle t’a ordonné de ne jamais me rencontrer. Je le sais, je m’en doute. Aimes-tu ta patronne Eva ?
  • Évidemment…
  • Mensonge ! Elle est tyrannique !
  • Oui…
  • Je ne pensais pas qu’elle finirait comme ça quand elle était à ta place…
  • Comment ?
  • Nous en venons au dénouement. Vois-tu, Anna était comme toi, passionnée de mode, intelligente, travailleuse, douée. Je l’ai invité ici, au même endroit, il y a de ça environ 30 ans. J’étais déjà milliardaire, je contrôlais, et contrôle encore d’ailleurs, presque tous les journaux de la ville, j’avais et je possède encore les lieux mondains, fréquentés par tout le gratin huppé de cette ville et même du monde. Bars, restaurants, buildings d’affaires en tout genre, concessionnaire, magasins de luxe et tutti quanti. Mais pour ces derniers, il me manquait quelqu’un de confiance qui m’aiderait à m’installer durablement dans le milieu, me donnant de la crédibilité, que je pourrais… contrôler, sans jamais entraver le talent. Il y a de cela plusieurs décennies, j’ai jeté mon dévolu sur Anna. J’ai testé sa patience et sa personnalité tout comme je l’ai fait pour vous. J’aime m’engager personnellement envers les personnes que je recrute. Elle a tenu deux semaines. Deux semaines où je l’ai suivis partout jusqu’à ce qu’elle appelle la police. Évidemment, j’ai quelques contacts avec eux et je n’eus jamais de problème. J’aime m’amuser, j’ai trouvé qu’être suivie pendant deux semaines avant de craquer était un signe de… courage, d’abnégation, de compréhension. Je l’ai invité, ici même, il y a trente ans pour lui proposer l’argent et les locaux nécessaires pour devenir la prochaine grande créatrice de mode. Elle a acceptée. Tout s’est déroulé comme je le souhaitais jusqu’à ces dernières années. Je dirais il y a dix ans. Elle a pris beaucoup trop de liberté à mon goût, se comportant ignominieusement avec ses subalternes, imbue d’elle-même, s’amusant à torturer ses employés. Elle est devenue mutli-millionaire et pensait que le monde était à elle. Elle a oublié qui lui avait mis le pied à l’étrier. Qui l’avait aidé à commencer. Moi ! Je ne demandais rien à Eva, juste qu’elle continue à faire ce qu’elle sait faire de mieux, et de garder la tête froide, rester concentrée et passionnée. J’ai… plus ou moins attachés mon nom à son succès dans les soirées mondaines et très privées de mon cercle. Sauf que son comportement me fait honte maintenant. Depuis plus de dix ans, je cherchais quelqu’un de sa trempe pour la remplacer… disons… la concurrencer. Et je t’ai trouvé toi. Évidemment, elle avait flairé ton talent, pire, elle a essayé de te dompter, de te manipuler, de gâcher ton temps, de t’humilier. Mais j’ai décidé de te tester. Tu es resté beaucoup plus longtemps à me laisser te suivre. Pas de police non, mais un barista a essayé de me régler mon compte. Je ne t’en veux pas, c’étaient les règles du jeu. Et… vraiment… tu es une femme que j’admire. Comme Anna avait pu l’être et même mieux. Voici donc pourquoi tu es là. Je te propose autant d’argent que tu as besoin, des locaux et je veux que tu construises ton empire. Bien sûr, comme Anna, tu le dirigeras comme tu le voudras mais en tâchant de garder un comportement irréprochable. Ne gâche pas ton talent et ton travail à faire le mal autour de toi. Restes dignes et humbles. Donc… je te le propose maintenant. Veux-tu de mon argent, de mon influence, pour lancer ta carrière ? Je ne te demanderai strictement rien, excepté de faire aussi bien que tu le peux, de dépasser la maison de création d’Anna, et de demeurer digne. Et de ne pas oublier que… d’une manière ou d’une autre, nous serons liés, chaque chose que tu feras affectera ma réputation. Et vice-versa évidemment. Acceptes-tu ? »

Eva, abasourdie par ce long monologue, ne put trouver les mots pour répondre.

« – Tu peux réfléchir quelque minutes si tu le désires…

  • Je pense que je devrais réfléchir quelque jours…
  • Quelques jours Eva ? Vraiment ? Nous n’avons pas le temps, le temps sera la ressource la plus importante pour toi.
  • J’ai l’impression de…
  • Signer un pacte avec le diable ? Je m’en doutais. Écoute, tu n’as rien à signer. Si tu voulais un jour commencer ta propre maison de création, tu aurais à signer avec une banque, qui eux… ne te louperaient pas. Je te propose l’argent, l’influence, et aucune contrepartie sauf de mettre tout ton talent à profit de ta maison.
  • C’est… une caméra cachée ?
  • Vraiment ? Tu crois que je n’ai que cela à faire ?
  • Non mais c’est tellement… hallucinant.
  • Cette ville est hallucinante ! C’est la faute à cette ville ! »

Anna ferma les yeux et pensa à ce que sa mère lui dirait, écouter son instinct. Et son instinct lui disait qu’il fallait saisir cette opportunité. Jamais plus elle n’en aurait une autre comme celle-ci.

« – Oui…

  • Oui quoi ? Eva ça veux dire que tu es d’accord ?
  • Allons-y !
  • C’est ça ! Exactement ce que je désirais entendre ! »

À ce moment, Eva sentit sa vie changer. Elle serra la main de son bienfaiteur puis une personne arriva, sa secrétaire, puis un homme, son attaché de presse et une jeune femme aussi jeune qu’elle, son assistante. Elle sortit par une porte différente de celle par où elle était entrée. Une limousine l’attendait qui l’amena au pieds d’un gratte-ciel. Après être passée par des couloirs et un ascenseur, elle découvrit un espace immense organisé en bureaux, salle de réunions et tous les outils pour mener à bien une maison de création de mode.

Elle avait l’impression de connaître ces lieux avant de découvrir que ses locaux étaient situés en face de la maison de création d’Anna.

« – La folie de cette ville et de son argent… Potentia, Quinta… non… Domina. Agnès… notre maison, notre marque s’appellera : Domina. »

Jaskiers

Seule dans l’herbe.

Je la vois, assise en tailleur au milieu de l’herbe, bien qu’il y ait des bancs et des tables de pic-nique, et elle se dandine, seule.

Un gros casque sur les oreilles, un joint se consume lentement entre ses doigts. Ses cheveux châtains sont coiffés en deux nattes, une à gauche et une à droite, encadrant presque son visage.

Les yeux fermés, elle danse assise, secouant ses épaules, remuant la tête. Elle sourie parfois, levant sa tête en direction du soleil.

Les gens passent, la regardent mais ne bronchent pas. Elle est dans son monde à elle, dans son truc. Étonnamment, personne ne rigole ou ne semble la juger.

En elle nous envions peut-être son courage, courage d’être dans son truc à soi en public. Elle ne gêne personne.

Elle semble en transe, et à l’observer, vous pourriez aussi tomber dans une sorte de zone rien qu’à vous. Je ressens cette chose, je suis heureux pour elle, elle fait ce qui la rend heureuse sans se soucier du regard des autres. J’ai quelques angoisses, celle qu’un homme vienne la déranger dans son trip. Elle ne demande rien à personne, n’embête personne, les yeux toujours fermés, j’ai peur qu’un type qui se prends pour un Don Juan, un de ces hommes qui se croient tout permis, comme boire une canette de bière pour la jeter dans le cours d’eau pas loin, ne vienne la déranger. Mais si un homme l’approchait ? Mais si ? Elle se fiche des « mais si ». Son audace à être dans son monde éloigne les gens qui ne sont pas invités à partager ses moments. Heureusement, tous le monde passent son chemin sans l’embêter. Heureusement, ils semblent tous pressés.

Je ne la regarde que par intermittence, je ne veux surtout pas avoir l’air d’un de ces types bizarres qui fixent les femmes. Mes mon regard est irrésistiblement attiré vers elle et sa danse.

Depuis que je l’ai vu, je me demande quel genre de musique elle écoute. J’imagine qu’elle plane sur du M83. Enfin, c’est le genre d’effet que ces musiques me font.

Je m’imagine être un photographe de rue, la prenant en photo puis aller lui demander si elle est d’accord avec ça et pourquoi pas tirer un latte de son joint si elle me le propose. Où même entamer une conversation. C’est là que je bloquerai, lui demander si elle fait ça souvent, lui poser des questions sur cette activité qui semble la rendre heureuse me mettrai mal à l’aise. Je ne voudrai pas qu’elle pense que je la juge. Au final, c’est plutôt de l’admiration. Et elle n’a pas à se justifier.

Je m’allume une cigarette, je la vois bouger son buste lentement de gauche à droite, les bras écartés, les mains dessinant de souple et gracieux mouvements, elle est tranquille, carrément dans un univers différent du nôtre.

Moi, je suis assis sur une table de pic-nique gravée d’insultes et de noms, une cigarette à la main, tendu mais fasciné. Je suis tout le contraire de cette femme, et pourtant j’aimerai avoir cette confiance, de danser et d’être dans mon monde, au milieu des gens et de leur jugements.

On peut être différent de quelqu’un, diamétralement opposé et s’admirer, se respecter, s’envier même.

Je me lève et je repars, j’espère qu’elle continuera à s’évader de cette manière, sans personne pour la gêner. J’espère un jour atteindre ce degré d’amour propre.

J’espère, et elle, agit.

Respects.

Jaskiers

À la découverte de Yukio Mishima

Après Francis Scott Fitzgerald, voici une nouvelle aventure littéraire.

Bien évidemment je n’ai pas encore lu tout Fitzgerald, je n’ai même pas commencé à vrai dire, car je lis de vieux livres retrouvés par ma mère et qui ont faillit finirent dans la benne ! Ivanhoé, Le Capitaine Fracasse, Pinocchio, Alice au Pays des Merveilles et tutti quanti ! Vous devriez relire ces vieux livres de votre enfance, vous serait surpris à quel point ils restent tellement puissants, encore modernes et vous trouverez de nouveaux sens, de nouvelles sensations à leur lecture. Enfin c’est pas nouveau, mais pour moi si.

Bon, j’ai découvert Yukio Mishima !

Enfin ! Cela faisait très, très longtemps que je n’avais pas lu d’œuvre sortant du carcan occidental ! Je me rappelle avoir lu un livre en 5ème, je ne me rappel plus le titre, malheureusement. L’histoire se déroulait après le bombardement d’Hiroshima, c’était une belle histoire d’amour, très poétique. Je me rappel avoir beaucoup aimé ce livre et avoir été interrogé dessus. J’avais eu une excellente note, pas difficile quant le sujet est passionnant. Bref, depuis, je crois que je pourrai compter les livres que j’ai lu d’auteurs venant du Pays du Soleil Levant sur les doigts d’une seule mains.

J’ai d’abord découvert Mishima par un Youtuber, dont je ne citerai pas le nom. Honnêtement, je ne me souviens plus vraiment de ce que ce youtuber en disait, à part peut-être le culte du corps et de la philosophie « samouraï ».

2 années plus tard, je découvrais un article écrit par Paquerite (qui me manque beaucoup…) et où j’appris beaucoup plus sur l’homme. Son suicide, par « seppuku », son travail, sa philosophie très… atypique, sa personnalité, grâce à l’article et à mes échanges avec Paquerite, Yukio Mishima devint un artiste que je me devais de découvrir.

J’ai donc fais mes recherches, choisis d’acheter tout ses récits. J’ai dû sacrifier l’achat de ses pièces de théâtres car le budget pour ses romans et nouvelles était déjà conséquent. J’espère un jour pouvoir les lires.

J’attends de découvrir les coutumes, l’amour, la sexualité, une autre mentalité que celle occidentale, je me trompe sûrement car je parle sans avoir lu, jamais, un seul de ses ouvrages. Je ne me base que sur les quatrièmes de couverture, ce qui n’est pas grand chose vous en conviendrez.

La poésie dans l’écriture. Mishima a l’air avant toute chose d’être un écrivain très talentueux, poétique et très sexué. J’oserai dire érotique ? C’est ce que je cherche aussi dans mon « apprentissage » de l’écriture, apprendre des maîtres, lire différentes plumes, différents univers. lire ceux qui ont marqués la littérature mondiale et pas seulement occidentale.

Sa personnalité, qui reste encore une énigme pour moi, semble poser problème à certain. On le disait nationaliste, fanatique. Ce n’est pas ce que je pense mais ce que j’ai lu des autres. Je me ferai mon propre avis après avoir lu ses ouvrages et une biographie, un essaie de Marguerite Yourcenar, plus une bande-dessiné, cette dernière axée sur son suicide. Mais je vais me risquer à poser ma propre opinion avant tout : nous devrions juger son travail, écrivain. Donc ses livres. Sa personne et ses idées sont secondaires. Je vois la vie personnelle et les opinions d’un artiste comme une farce, un jeu, ce qui compte c’est son travail, en dehors, tout n’est qu’illusion. Bien sûr le travail d’un artiste est influencé par les événements de sa vie et son époque mais je crois que c’est un raccourci beaucoup trop simple pour expliquer l’œuvre d’un artiste. Ce qui compte, avant tout, c’est l’œuvre. On juge l’œuvre, on ne juge pas un artiste sur sa vie, mais sur son travail. Je me répète. Et j’ai peut-être tord et suis prêt à changer d’avis sur de bon arguments. Mais avant toute chose, un artiste doit être jugé sur son art. Sa vie, c’est une tout autre histoire.

Bien sûr, qui dit Mishima dit suicide « rituel ». Nous avons tous notre opinion sur le suicide. Je suis pour ma part curieux de voir ce qui l’a poussé à se donner la mort. Mishima était, je crois, un auteur à succès, pressentit plusieurs fois pour le prix Nobel de Littérature. Pourquoi s’est-il tué ?

Folie ? Dépression ? Message ?

Peut-être aucunes de ces raisons, je pars donc à la découverte de l’énigmatique monsieur Mishima.

Je serai curieux d’avoir votre avis sur cet écrivain ! Sans spoiler évidemment.

Bien évidemment, je n’oublie pas sa relation avec le Prix Nobel de Littérature : Kawabata dont je pense me procurer une anthologie.

Et une pensée émue à Paquerite.

Jaskiers

Francis Scott Fitzgerald la totale !

Je dédie cet article à Filipa, fidèle lectrice, fidèle amie, toujours surprenante et adorable.

C’est surprenant mais je n’ai pas lu Fitzgerald tant que ça, disons-le, je n’ai lu que « Gatsby le Magnifique » grâce au film sortit en 2013 avec (mon) Leonardo DiCaprio.

Actuellement, mes goûts en lecture partent dans tous les sens !

De la littérature made in New-York aux romans d’amour classiques, aux classiques tout court, français principalement puis aux True Crime, sports, polars, thrillers, dystopiques, policiers, épouvantes, témoignages, fantastiques, psychologiques, documentaires, sur la musique, la drogue, la psychiatrie et tutti quanti.

Donc pourquoi cet article sur Scott Fitzgerald ?

Bien qu’étant un admirateur d’Hemingway, ayant lu jusqu’à ses lettres, faisant mentions (élogieuses et parfois cocasses) de l’auteur Dandy de la Génération Perdue, Fitzgerald ne m’avait jamais autant attiré que ces derniers temps.

Pourquoi ?

C’était il y a un an, je pense, (je pourrai vérifier sur le blog mais honnêtement, j’ai la flemme) j’ai lu « Anna Karénine » de Tolstoï. J’avais vu le livre dans la partie magazine d’un grand magasin. J’avais cherché « La guerre et la paix » mais cet ouvrage n’était nul part dans le rayon, donc je me suis rabattu sur « Anna Karénine ». Ce que je savais de Tolstoï, je l’ai appris principalement grâce aux correspondances d’Hemingway. Tolstoï était considéré par Ernest comme un de ces génies, tellement génial qu’appréhender son génie était une peine perdue.

Bref.

Je lis l’ouvrage du monsieur, un roman d’amour principalement, c’était rare pour moi. J’ai été subjugué par l’histoire ! D’habitude, je trouve les fins de romans plutôt faibles, bâclées, quelque chose manque. Mais pour « Anna Karenine », la fin est presque un roman à elle seule. J’ai encore plus été impressionné quand j’ai appris que Tolstoï avait peiné à écrire ce roman, repoussant sa rédaction de plusieurs années. Et surtout, il s’était inspiré d’un fait-divers véridique. Je ne le mentionnerai pas ici car en aucun cas je ne voudrais vous spoiler la lecture de ce magnifique livre.

Aujourd’hui, j’ai envie de lire des romans d’amours, avoir le même ressenti que quand j’ai lu le livre du fabuleux russe. Mais goûts en lecture ont évolué radicalement depuis quelques temps. Des auteur(e)s et des genres, qui, il y a de ça deux ou trois ans, ne m’intéressaient pas ou peu, m’attirent aujourd’hui.

En ce qui concerne les romans d’amours, j’ai ressortis mes classiques, français en majorité. J’ai réalisé que j’ai manqué à la lecture de pas mal d’œuvres importantes, j’y ai remédié du mieux que je pouvais, j’ai « investis » dans des livres, comme j’aime le dire à mes proches quand ils me reprochent d’avoir beaucoup trop de bouquins. Je pourrai leurs sortir cette phrase de John Steinbeck : ‘ Je pense que nous n’avons jamais trop de livres.´ Mais mieux vaut acquiescer, leur dire qu’ils ont raisons et continuer à vous acheter ce qui vous passionne. La vie est courte, on ne sais pas ce que nous réserve demain, encore plus à notre époque. Et puis, mieux vaut des livres que de l’alcool ou de la drogue non ?

Bref (x2)

En cherchant des livres sur New-York, j’ai trouvé, par exemple, Les New-Yorkaises d’Edith Wharton, mais s’est rappelé à moi Francis Scott Fitzgerald !

Je me demande encore aujourd’hui comme j’ai pu lire presque tout Hemingway, en français et en anglais mais ne pas lire son ami Fitzgerald. Parce que les deux légendes de la Génération Perdue était bon amis ! Bien sûr, entre Hemingway et la femme de Fitzgerald, Zelda, le courant ne passait pas du tout. Elle de dire qu’Hemingway n’était qu’un rustre, alcoolique, un homme violent, imbus de lui-même. Lui de dire qu’elle n’était aussi qu’une alcoolique et qui, par jalousie envers l’immense talent de son mari, faisait tout pour l’entraîner dans le fond du gouffre avec elle. Selon Ernest, elle forçait Fitzgerald à aller faire la fête, à boire pour qu’il n’écrive pas. Hemingway a-t-il dis ce qu’il pensait de Zelda en face de Fitzgerald ? Je pense que oui. Comment a réagis Fitzgerald, je n’en sais rien. En tous cas, Scott ne semble pas lui en avoir voulu. Mais je vous donne rendez-vous en fin d’article pour la « présentation » de deux ouvrages de Donaldson, traitant de la relation entre ces deux talentueux écrivains.

Zelda Sayre Fitzgerald et Francis Scott Fitzgerald

Qui croire, Zelda ou Ernest ?

Honnêtement, aucune idée, mais à rédiger cet article je réalise que quelqu’un pourrait en écrire un beau roman. Je laisse cette idée à quelqu’un d’autre, je serai trop partial. Hemingway est mon favori !

Je crois me souvenir d’avoir découvert Hemingway dans un des personnages de l’unique roman de Zelda « Accordez-moi cette valse », d’ailleurs j’avais écris, là-aussi, un article sur cette lecture mais je n’ai pas envie de le relire. Panacée que de relire mes anciens articles.

Mais vous verrez quel ouvrage j’ai trouvé en fin d’article. Une amitié brisée ? Je n’espère pas.

Bref (x3)

Toujours est-il que je n’ai lu que Gatsby, et comme vous allez le voir, je vais me rattraper. Je pense m’être procuré toutes ses œuvres et de bonnes biographies. Des histoires d’amours, à New-York ou dans la French Riviera ect… en filigrane, l’histoire d’amour du couple littéraire le plus glamour de la Génération Perdue, et les lettres qu’ils s’échangeaient, m’attendent. (Je suis conscient que j’ai acheté des doublons, mais trouver toutes les œuvres de Fitzgerald n’est pas chose aisée et j’évite les regroupements des œuvres dans un seul livre de peur que l’ouvrage ne contienne pas toutes les œuvres…)

Romans, nouvelles, biographies, correspondances. J’ai choisis d’acheter ses ouvrages en anglais ou en bilingue quand c’était possible, une philosophie de lecture que j’ai emprunté à l’incroyable Filipa. Lire un livre dans sa langue d’origine !

Je me suis d’ailleurs permis une petite folie, l’édition finale de The Great Gatsby de chez Simon & Schuster.

Pour Francis S. Fitzgerald, j’ai cette esthétique Fitzgeraldienne venant purement du film avec DiCaprio, je vous l’accorde, peut-être est-ce là une mauvaise chose. Mais j’ai aimé le film (et j’aime DiCaprio d’amour) contrairement aux critiques guère élogieuses. J’espère le retrouver, cette esthétique et lire des fulgurances, j’espère découvrir un écrivain que Hemingway adorait (et vice-versa). Et être écrivain, apprécié, publiquement et en privé par Ernest Hemingway n’était et n’est pas rien. Ernest pouvait s’avérer jaloux, autant en amour que dans son travail.

Un jeune Ernest Hemingway et un jeune Scott Fitzgerald. Je m’avance peut-être un peu trop mais on voit dans leurs manières de s’habiller la différence stylistique en matière d’écriture. Ernest est direct quand Francis Scott, lui, est dans la finesse.

J’attends beaucoup de cet écrivain, je suis très heureux de découvrir un auteur important et talentueux. C’est comme si je m’ouvrais à un nouveau monde. J’espère aussi apprendre du monsieur, sa vie, son enfance, ses premiers écrits, d’où il tient son talent et ses (son unique ?) amours. Et pourquoi pas en apprendre encore plus sur l’écriture.

En cherchant pendant de longue nuit sans sommeil tous les ouvrages possibles que je pouvais me procurer, j’ai constater que j’étais loin d’être le seul à avoir découvert Fitzgerald via Hemingway. C’est surprenant comment ces deux auteurs sont liés l’un à l’autre. Je me rappel un commentaire d’une personne disant que « son esprit lui disait Hemingway mais son cœur Fitzgerald ». Les deux auteurs semblent toucher en nous une dualité, dualité qui semble presque complémentaire. Deux styles d’écriture différents, deux styles de vie différents, mais qui sont indissociables, ils sont autant important l’un que l’autre, écrivant différemment, certes, mais symbolisant la Génération Perdue à eux seuls. Ou presque.

Pour l’instant, je dirai que l’écriture d’Hemingway est physique, il joue sur le corps, le solide tandis que Fitzgerald (et gardez en tête que je n’ai lu qu’un seul de ses livres) semble être l’écrivain de l’âme, de l’esprit de l’impalpable. Mes lecture me confirmeront mes dires. Peut-être avez vous une idée sur ce sujet ?

J’ai trouvé un ouvrage de Scott Donaldson : Hemingway contre Fitzgerald, je me demande de quelle qualité sera ce livre, je ne connais pas Donaldson, j’espère quelque chose de sérieux et d’objectif même si il semble que Donaldson ai beaucoup écrit sur Hemingway. Mettre dos à dos les plus grand écrivain de leurs générations, cela est ambitieux. J’ai aussi trouvé Hemingway and Fitzgerald par le même auteur. Donaldson à donc mît côte à côte et face à face les deux auteurs.

Petite parenthèse, encore une, j’ai encore trouvé deux livres d’Hemingway que je n’avais pas lu et pourtant, j’écume les sites pour trouver tous ses ouvrages et quand je pense avoir tout lu, PAF, un nouveau livre me saute à la gorge. C’est comme trouvé un billet dans ses poches. C’est ce dire : en faite je ne suis pas arrivé au bout du travail d’Hemingway. Et dire que maintenant je m’attaque à Fitzgerald… si lui aussi arrive à toucher mon âme comme Ernest, je suis parti pour une grande et belle nouvelle aventure. Et ça me rends heureux rien que d’y penser. Les deux sont différents dans leurs style d’écriture mais je sais d’avance, et peut-être est-ce une erreur, que je vais apprécier. Comme Gatsby, il me reste l’espoir.

En ces temps modernes, difficiles, conflictuelles, ces moments de bonheurs devraient êtres chéries car ils sont rares et précieux. Parfois, du papier et de l’encre est ce qui nous (me) rends le plus heureux. Tous simplement. Nous avons tellement besoin d’histoires actuellement. Besoin de ressentir autre chose que la morosité ambiante, conflictuelle et délétère.

N’hésitez pas à me donner des suggestions de lectures sur ou en rapport avec F. S. Fitzgerald si vous en avez ! J’en serai ravis ! Et pas la peine de critiquer le film avec Leonardo car je sais qu’il a été assez vilipendé mais moi je l’ai aimé. DiCaprio fait un très bon Gatsby je trouve.

Évidemment, la pile contient des doublons.

P.S. : comme je ne suis pas très doué, je pense m’être emmêlé les pinceaux dans les photos. Mais je suis persuadé d’avoir tous les ouvrages possibles. Et je suis un grand feignant, ressortir, re-ranger, re-trier tout ces livres, trop de travail ! Lire est beaucoup moins fatiguant !

Merci de m’avoir lu !

Jaskiers