Putain de bordel de merde ! Voilà ! Voilà pourquoi il fallait rester à New-York ! Pourquoi ce trou paumé remplis de cul-terreux analphabètes ? Le retrait idyllique de l’artiste ? Le fantasme de l’écrivain ermite à la Tolstoï ? C’était un délire de nouveau riche oui !
Il fit vrombir la voiture en marche arrière et passa en marche avant en faisant crisser les pneus. Un bref coup d’œil au dîner. Peter était à l’entrée et le regardait partir. L’envie de lui faire un doigt d’honneur lui démangeait mais il ne le fit pas. Il avait de l’honneur, lui. Insulter de la merde n’en ferait pas de l’or.
Il allait rouler aussi loin que possible, ne s’arrêter que pour l’essence. Il mangerait un MacDonald, dans sa nouvelle voiture. Mieux valait ça que de retomber sur un tel connard, pensait-il.
L’envie d’allumer une cigarette lui taquinait l’esprit. Il avait arrêté depuis trois ans, trop cher, un luxe pour un écrivain sans le sou. Mais maintenant, il pouvait se le permettre. Juste une, pour décompresser un peu, faire un break. Il s’arrêta sur le parking d’un petit magasin. Par chance, pour l’écrivain, le parking et le magasin étaient vide. Dante entra et ressortit presque aussitôt du petit commerce, un paquet de Camels longues dans la main.
Il fuma dans sa voiture. Sa toute nouvelle voiture qui sentait bon le neuf.
Je ne suis même pas arrivé que je commence déjà à faire des conneries.
Un enchaînement de bruit éclata près son oreille gauche. Un type à la barbe hirsute lui faisait signe de baisser sa vitre. Ce qu’il fit sans vraiment réfléchir. Peut-être aurait-il mieux fallu ne rien faire.
La route avait été bonne voir même agréable jusqu’à la frontière de l’Oklahoma. Arrivé à Westville, dans le comté d’Adair, il s’arrêta dans un vieux Diner pour manger. Déployant sa carte routière à côté de son assiette, il détailla son trajet ; d’ici à Tulsa. Puis de Tulsa jusqu’à Cherokee. Une bonne nuit de repos et il serait arrivé.
Une ombre apparue sur sa carte. Un homme dans la cinquantaine en salopette, botte et vieille chemise à carreaux de bûcheron était penché au dessus de lui et regardait la carte routière de Dante.
« – Z’avez besoin d’aide ? Demanda l’homme.
Non merci c’est gentil je vérifie juste ma route.
Dites-moi où vous allez. J’suis routier depuis trente ans, j’connais l’État comme ma poche.
J’ai… j’ai acheté un ranch, rénové et tout et tout.
Z’allez faire un triste paysan car y’a pas grand chose pour les bêtes là-bas. Même le diable il s’y emmerderait ! »
Dante Crand commençait légèrement à s’irriter. Si ils sont tous comme ça dans ce pays, je vais commencer à regretter, pensa-t-il en lui-même. Je suis sûr que c’est un de ces pèquenauds qui soutiennent encore Trump, malgré sa défaite à la dernière élection présidentielle.
L’écrivain croyait avoir une sorte de don, il pouvait juger les gens aux premiers regards.
Peut-être que si je me présentais, avec un peu de chance, il me connaîtra… et qui sait, peut-être m’a-t-il déjà lu ?
« -Ah laissez moi me présenter ; Dante Crand, je suis auteur.
Qu’est-ce qu’un gratte-papier va foutre là-bas ?
Ah… c’est pour être tranquille.
Croyez-moi, vous l’serez y’a personne là-bas ! »
Dieu merci, car, s’ils étaient tous comme toi, je me serai tiré une balle dans la tête.
« -Et vous ?
Moi quoi ? Ah oui, j’mappelle Peter Springsteen et…
Springsteen ? Comme Bruce !
Je n’ai aucun lien de parenté avec cette tarlouze de démocrate ! »
Bingo !
« – Je… le trouve plutôt bon musicien moi.
Une pédale que j’te dis qu’c’est moi ! Et maintenant v’la qui fait des trucs comme toi, un bouquin avec le Obama, cette espèce de sale…
Ok d’accord j’ai compris, rien avoir avec Bruce. Donc vous avez des conseils, une route à prendre plutôt qu’une autre ?
Bah j’vais jamais dans ce coin-là car y’a rien là-bas. »
Rand commençait à en avoir marre de ce plouc raciste et homophobe, qui ne faisait que répéter la même chose. Il replia sa carte.
« -Z’ecrivez des livres ?
O… Oui.
Ça marche bien ?
Oui, j’ai pas à me plaindre.
J’vois ça, une belle berline, un ranch, ça recrute les librairies ?
Bah… non… En fait on travail pas pour les librairies, mais plutôt pour une maison d’édition vous voyez ?
Bah librairie, maison, c’est pareil pour moi. Z’avez des conseils pour un gars qu’veut écrire ?
Vous voulez écrire ?
Bah, j’ai pleins d’histoires à raconter d’ma vie sur la route et des trucs comme ça.
Hey bien… le mieux c’est d’écrire tous les jours et de lire beaucoup puis, une fois que vous sentez que ce que vous avez écrit est bon, envoyez votre manuscrit à une maison d’édition.
Manus’ quoi ? »
Dante se leva, replia sa carte rapidement, laissa quelques billets de pourboire et commença à prendre la direction de la sortie.
Il se réveilla en sueur, la climatisation devait être en panne. Classique dans ces petits motels minables de bords de routes. Il prit son carnet de note pour y écrire son rêve et la phrase écrite par la machine à écrire. Il allait utiliser tout ce qu’il allait ressentir dorénavant, du plus simple sentiment au plus complexe, du plus petit événement au plus grand, du plus horrible au plus agréable, pour écrire. Et les rêves et cauchemars fournissaient une matière intéressante et étrange, idéale pour un écrivain d’œuvres d’épouvante.
Après avoir bu un café noir, il reprit la route, direction Forgan, Oklahoma. L’Amérique profonde, celle dont on ne parle jamais, lui ouvrait grand les bras… Dû moins le pensait-il.
Les États passaient à une vive allure, ainsi que les heures, dans sa nouvelle berline allemande. Il appuyait le pied sur l’accélérateur jusqu’aux plancher et il avait le rock de Springsteen pour l’accompagner, Dante ne voyait pas le temps passer. Quand la fatigue se faisait sentir, il s’arrêtait pour dormir au premier motel qu’il trouvait.
Il avait fait déjà plus de la moitié du chemin en deux jours.
Il ne s’arrêtait à un motel que pour récupérer un peu, faire le plein de caféine et repartir à l’aube.
Ces chambres d’hôtels étaient vétustes et lui rappelaient son ancien appartement à Hell’s Kitchen. Rien de tel pour rester humble. Garder ses racines même quand on est au sommet, car on ne sait jamais quand, et comment, on va en redescendre.
Bien que fatigué, il n’arrivait pas vraiment à s’endormir, trop excité d’arriver et la caféine n’aidait pas. Il plongerait directement dans le travail une fois arrivé, c’était décidé.
La deuxième nuit, dans un motel au bord de la route, il rêva, dans un demi-sommeil étrange, que sa machine à écrire tapée toute seule. Quand il s’approcha de la feuille battue par les tampons de la machine, il lisait : Certaines choses, aussi anciennes soient-elles, ne doivent pas être réveillés ni dérangées.
Des idées pour son prochain roman lui venaient à l’esprit, sans effort. Il allait s’inspirer de son ranch situé au milieu de nulle part. Pourquoi pas l’histoire d’une famille qui s’installerait dans un ranch abandonné et qui, au fur et à mesure de sa rénovations, laissait paraître d’étranges phénomènes ? Et si leur fils commençait à avoir des crises d’épilepsie qui serait en faite une possession démoniaque ? Et s’il ajoutait à ça l’ancienne famille qui vivait dans le ranch autrefois, trouvant la misère et la mort à cause du dustbawl ?
Pleins d’idées se bousculaient dans sa tête. Le bonheur même irradiait son corps. Toute cette inspiration lui venait car, pensait-il, il était enfinLibre et heureux !
Bien qu’il soit en possession d’une immense propriété, et surtout d’un ordinateur portable dernier cri, il était excité d’essayer enfin cette machine à écrire, une vielle Remington Noiseless noire qu’il avait acheté dans une boutique d’antiquaire à New-York.
Il se rappelait son grand-père, journaliste, qui n’avait pas lâché sa machine à écrire Underwood de toute sa vie, même quand l’analogue et plus tard l’informatique s’étaient imposés.
Il s’imaginait déjà fumer sa cigarette tout en faisant claquer les touches de sa machine : tac tac tac tac tac DING ssschwwwwift tac tac tac tac tac.
Comment ne pouvait-il pas être heureux ? Son succès avait été insolent jusqu’ici. Mieux ne valait pas trop réfléchir à toute cette attention qui lui était tombée dessus avec le succès de son livre. Il devait garder la tête sur les épaules. Venant d’une famille de cols bleus, il devait considérer l’écriture comme de l’artisanat.
« – Je suis là cobaye ! Pas besoin de me chercher ! Papa vient à toi ! »
Il tira une nouvelle fois, j’avais anticipé le coup avec mes réflexes aiguisés à l’extrême. Les mouvements de son index appuyant sur la détente se firent au ralenti. Mais moi, je ne l’étais pas, au ralenti. J’esquivais la balle qui continua doucement son trajet rectiligne en direction du vieil homme. Tout redevint à vitesse normale d’un coup seul coup, me laissant le temps de faire un bond en avant. Je pris la main du doc’ qui tenait le revolver, la tourna à 360 degrés. Ses os craquèrent dans ma main. Je lui tendis le bras gauche avec ma main gauche et assenas un coup du plat de la main droite sur son coude qui émit un son de bouteille en plastique piétinée. Son bras était brisé.
Je le pris par les cheveux et le projetais dans la chambre. Le pauvre vieux qui avait assisté à tout cela avait été touché à l’abdomen par la balle du docteur que j’avais esquivé. En état de choc, il regardait sa blessure et sa main ensanglantée avec laquelle il essayait d’arrêter l’hémorragie.
Je donna une violente claque à ce vieillard, sa tête percuta le sol sur le sol carrelé. Je ne crois pas l’avoir tué, juste l’avoir assommé, il ne m’avait rien fait, mais qui sait ce qu’il aurait pu faire ? Le docteur l’avait tué après tout, je n’avais fais qu’abrégé son agonie.
J’allais maintenant régler mes comptes avec le docteur, dont le bras gauche au coude fracassé et la main droite broyée n’avaient pas l’air de le faire souffrir.
« – Wow ! Gamin ! J’avais pas prévu ça !
Ah non ? Est qu’aviez-vous prévu ?
C’était secret…
Hey bien ça ne le sera plus !
Écoute-moi ! Arrête ça. Tu as tué John, tu es un tueur ! Tu n’as pas assez de sagesse pour avoir une telle force…
Allons ! Vous me parlez de sagesse ? Était-ce sage de m’injecter cette… chose ?
Je ne savais pas que ça allait prendre une telle ampleur !
Qu’aviez-vous en tête exactement ? C’était quoi ces expériences ?
C’est militaire ! On… voulait créer… une… substance qui permettrait à un soldat tombé à la mer, marinier ou pilote, de ne pas se noyer…
Ça a marché !
Oui mais peut-être… trop !
Je n’ai pas vraiment à m’en plaindre…
Qu’est-ce que vous êtes… devenus exactement mon garçon ?
Je ne suis pas votre garçon, ni votre cobaye. Mais depuis l’expérience, mes sens sont comme décuplés, mes réflexes sont aiguisées, ma force physique est incroyable, ma condition physique en elle-même est impressionnante. Ma mémoire, mon intelligence sont passées à un niveau de capacités incroyablement performantes. Je suis passé d’étudiant fauché à sur-homme grâce à votre expérience docteur !
Je vois ça… j’ai mal géré la dose… mon projet… c’était de le tester sur vous et d’améliorer la drogue. Vous avez beaucoup souffert pendant l’expérience et cela, même si la vie du soldat est sauvée, n’est pas une bonne chose. Il faut qu’il soit sauvé et puisse reprendre le service le plus rapidement possible, sans séquelle.
Vous avez l’air tellement déçus docteur ! Mais vous aviez raison, vous avez créé une révolution. J’ai été le spectateur et l’acteur d’une révolution qui va bouleverser le monde entier ! Vous auriez pu devenir encore plus riche… quoique si nous devenions tous des super-humains, le monde s’écroulerait en quelques jours !
Mais je peux peut-être arrêter ça. Vous ne voulez pas rester dans cet état de… super-humain comme vous dites, toute votre vie ?
Je n’ai pas vraiment à m’en plaindre. J’ai cassé pas mal de chose sans le vouloir, je dois apprendre à contrôler ma force. Non, je ne veux pas changer.
Mais… vous réalisez que cela pourra durer jusqu’à votre mort ? Vous… ce n’est pas une vie ! C’est le mythe de Midas en quelque sorte !
Des mythes gréco-romains ! Belle analogie ! Je suis plutôt Hercule, je pense.
Je peux vous rendre normal à nouveau !
Si vous le pouviez, vous l’auriez fait tout de suite après l’expérience. La vérité, c’est que vous n’avez aucune idée de comment faire marche arrière.
Laissez-moi un peu de temps !
Mais je ne veux pas redevenir comme avant !
Vous êtes devenus un tueur !
Je me suis défendu !
Vous auriez pu facilement mettre ce pauvre John hors d’état de nuire sans le tuer !
Effectivement… mais je ne contrôle pas vraiment ma force comme je vous l’ai déjà répété.
Arrêtons cette folie, tous les deux !
Et que feriez-vous après ? Vous continuerez vos expériences et ferez souffrir d’autres cobayes et vous ferez de ce monde un champ de bataille !
Faites ce que vous avez à faire, dites-moi comment vous voulez que tout cela finisse ! Me tuer ne vous apportera rien. Vous savez que l’organisation vous traquera sans relâche
Je le sais, et je les attends. Je suis tellement pressé de m’occuper d’eux, c’est… euphorisant d’utiliser mes incroyables capacités ! Quand à vous, je vais régler notre différent une bonne fois pour toute ! »
Je ramassai son pistolet, j’appuyais le canon sur la tempe du docteur :
« – Un savant fou se suicide après avoir tué son homme de main et un vieux… je ne sais pas vraiment qui il était mais c’est vous qui l’avez condamné. Meurtres suicide, c’est ce qui ressortira de ce carnage, tout simplement !
Pit… »
Le coup de feu était partie, sa cervelle dégoulinait sur le mur blanc immaculé.
Je ne pris même pas le temps de regarder les derniers soubresauts de son corps. Je sortis de la salle, découvris après quelques minutes de recherches la salle de surveillance, effaça les enregistrements et brûla les disques durs.
Je sortis du bâtiment, j’allais continuer ma vie comme avant ou presque, car maintenant, j’avais des capacités surhumaines… et confiance en moi. Terriblement confiance en moi.
Je décidais d’y aller en courant, comme je l’avais fait pour revenir. J’arrivai en avance, ne sonna pas à l’interphone, ne me dérangea pas à fixer du regard la caméra pour m’identifier. J’eus juste à pousser la poignée de la porte et cette dernière s’ouvrît devant moi, les pênes se brisèrent et le bruit de leur chute sur le sol carrelé raisonna dans l’immense hall d’entrée.
« – Hey docteur ! Votre cobaye est arrivé ! Et il est impatient, impatient de parler des résultats de votre expérience. »
Mes mots aussi raisonnèrent, je savais qu’il me voyait et m’entendait car tout semblait sécurisés dans ce bâtiment. Je repérais une caméra de surveillance, fit un geste amical de la main et pointa ma montre en signe d’impatience.
« – Bonjour cobaye ! »
La voix du docteur se fit entendre par des hauts parleurs. Je m’attendais à de la peur mais pas à de la lâcheté pour un homme de science.
« – Montrer vous doc’ ! Croyez-moi, vous aurez envie de voir ce que je suis devenu grâce à vous !
Est-ce… une bonne chose ?
Ce que je suis devenus ?
Oui !
Et bien venez vous faire votre propre avis !
Vous me paraissez bien agité cobaye ! La destruction de la porte d’entrée blindée sera retenu sur votre rémunération !
Oh ! Il n’y a rien dans le contrat que j’ai signé stipulant ce genre de chose docteur ! Mais ce n’est qu’une porte, vous devriez voir ce dont je suis capable grâce à vous !
Oh mais quel empressement ! Quel changement effectivement !
N’est-ce pas ? Venez voir de plus près !
Oh mon garçon ! Pas besoin d’être si pressé ! Dans une expérience il faut observer, avoir de la patience !
D’accord, mais… »
John, son homme de main, sortit d’une des portes latérales de gauche et se précipita sur moi. J’avais attendu ce moment depuis plusieurs jours.
Il sortit une matraque télescopique et m’attaqua avec. Je dressai mon avant-bras gauche pour me protéger, la matraque percuta mon bras et elle éclata en plusieurs morceaux. Je ne laissai pas le temps à John de comprendre et lui envoyai un direct du droit en plein nez. Je sentis le cartilage de son nez craquer, je lui envoya un coup de poing avec mon poing gauche dans le ventre. John s’affaissa par terre, à genoux. Je mis un terme à ses souffrances en frappant sa tête d’un coup de pied. Sa nuque fit un bruit de branches séchées sur lesquelles on aurait sauté.
John, allongé sur le dos, la tête dans une position étrange émît un râle rauque, du sang sortait de sa bouche et de ses oreilles. Il agonisait.
« – Docteur ! J’ai besoin d’un autre cobaye ! Le vôtre n’était pas très solide ! »
Le docteur ne répondit pas. Une alarme se mit à gémir.
D’instinct, je me précipitais vers une des portes latérales de gauche, celles où je n’étais jamais allé, celles par où était sorti John. Je pensais que c’était de ce côté que les scientifiques créchaient. Les portes de droites étant sûrement réservées à leurs expériences.
Je me retrouvais dans un couloir similaire à celui où j’avais été torturé. Je pensais qu’ici serait un bon endroit pour une bagarre si plusieurs sbires du docteur se rameutaient, étant dans un couloir plutôt étroit, ils ne pouvaient m’attaquer à plusieurs à la fois.
J’ouvris quelques portes, au petit bonheur la chance. Toutes les portes semblaient mener à des chambres. Des chambres avec lit, table de travail scientifique avec éprouvettes, écrans de surveillance et tutti quanti. J’étais bel et bien dans le quartier où les docteurs et scientifiques observaient et travaillaient sur leurs projets.
Je tombais sur un pauvre hère en caleçon, le crâne chauve avec de fine lunettes.
« – Bonjour monsieur, je suis de la sécurité. Pouvez-vous m’indiquer où se trouve le docteur ?
Lequel ?
Le docteur qui fait des expériences avec la baignoire.
Ah… »
Je sentis que ce monsieur avait compris que je n’étais pas de la sécurité. Il se jeta sur moi. Je l’attrapai par les épaules et le souleva de terre.
« – Monsieur, je suis là pour votre sécurité, le docteur a besoin d’aide, et d’ailleurs vous aussi. Je dois vous amener à la salle de sécurité. »
J’essayais de reprendre mon mensonge histoire de ne pas perdre trop de temps. Et plus les mensonges sont gros, plus les gens ont tendance à les croire. Mais il me regardait, terrorisé.
« – Monsieur ! Nous n’avons pas le temps d’attendre, dites-moi où est le doc’!
Su… sûrement dans sa chambre !
Quelle chambre ?
Au bout de ce couloir.
Porte de droite ou de gauche.
Gau… gauche ! »
Je reçus comme un coup de poing dans les reins accompagné d’un bruit sourd. Je lâchais le pauvre homme et me retourna pour voir le docteur, un pistolet dans les mains.
Je pris un couteau de cuisine et m’ouvris la paume de ma main gauche. Aucune douleur, seulement une pression, mon corps n’acceptait plus la douleur mais envoyait quand même à mon cerveau un signal avec ce ressenti de pression.
Je regardais ma paume ouverte, le sang couler et une croûte se former, là, sous mes yeux ! Le processus de cicatrisation se déroulait à une vitesse incroyable, toujours sans douleur, c’était fascinant de voir mon corps se soigner. En moins de deux petites minutes, l’entaille avait disparu de ma main, même pas de cicatrice, plus rien.
J’étais vraiment devenu une sorte de super-héros, je me demandais si je pouvais voler, oui c’est une pensée qui vous vient à l’esprit quand vous comprenez que vous êtes désormais doté de super-pouvoirs et que vous êtes gavé de films Marvel et DC.
Je ne tentais pas le diable à sauter par la fenêtre de mon immeuble. J’aurais pu le faire, m’éclater par terre et me relever comme si de rien n’était. Mais je ne voulais pas montrer publiquement ce dont j’étais désormais capable.
Je ne voulais pas finir cobaye dans un laboratoire secret du gouvernement.
Cobaye… à cette réflexion une idée germa dans ma tête. Et si j’allai rendre visite au docteur et à son petit ami John ? Et si, je n’étais pas le seul à être devenus super-humain ?
J’écartais cette dernière réflexion de ma tête, je devais être le seul car sinon, j’aurais entendu parler aux infos d’un fou furieux invinsible qui saccageait tout sur son passage. Je me pensais plus sage, un autre que moi se serait fait remarquer. Moi, j’allais la jouer fine.
J’allais demander quelques explications au docteur et lui passer l’envie d’expérimenter. J’allai l’avertir que, maintenant que j’étais devenu ce surhomme, je ne me laisserai plus prendre pour d’autres expériences. Et que son projet, quel qu’il a pu être, qu’importe son but précis, s’arrêtait là, avec moi.
Je décidais d’attendre jusqu’à la semaine prochaine, jusqu’à mon jour de « travail », avant d’entreprendre quoique ce soit. Je mentirais si je disais que je n’avais pas envie d’aller tout de suite aller trouver mon cher tortionnaire et son cher acolyte pour lui faire constater les résultats de ses expérimentations. Mais j’attendis une semaine, au cas où mon état redeviendrait comme avant.
Mais la semaine se passa sans changement dans mon état, je mangeais car j’en avais l’habitude, mais la faim ne me tiraillée jamais, ni la soif. Je dormais, je me forçais à dormir en prenant des somnifères qu’une amie m’avait dépannés. Je n’avais aucune envie de dormir et pas besoin non plus. Le problème était que je n’avais jamais de pauses. J’étais tout le temps conscient, toujours à réfléchir, à penser. C’était effrayant d’être toujours éveillé. Les somnifères ne me firent pratiquement rien du tout. Mon sommeil, si j’ose l’appeler comme tel, n’était qu’en faite de longs moments de méditations.
Les cours étaient devenus simples, je retenais au mot près, chaque chose émises par mes professeurs. Je venais les mains vides en cours, mes amis hallucinaient de ce changement. J’étais un élève moyen toute ma vie, mais là, mes partiels étaient un jeu d’enfant.
Mais le plus étonnant pour moi, c’était ma forme physique. Comme je l’ai mentionné plus haut, je n’étais jamais fatigué, et j’avais une force impressionnante. Je n’ai jamais vraiment fait de sport en dehors de l’école, je n’avais aucun intérêt pour l’activité physique. Mais tous les jours, je constatais une progression dans ma force brute. Je cassais les poignées des portes de mon appartement à simplement appuyer dessus pour les ouvrir. Les poignées me restaient dans les mains. Les verres éclataient sous la pression de mes doigts, j’enfonçais les touches de mon ordinateur et elles finissaient encastrées dans le clavier, qui devint d’ailleurs inutilisables. Les petites choses du quotidien me demandaient de faire attention à ma force.
Ma journée de travail arriva et j’étais pressé de montrer au professeur ce que j’étais devenu. Une sorte de super-homme.
Après avoir passé une nuit à méditer, je me levais pour enfin régler mes comptes avec mon bourreau.
Je me réveillai dans une pièce blanche immaculée, allongé sur un petit lit.
Mes poumons me brûlaient moins, je pouvais me mouvoir plus facilement. Je découvris aussi que j’étais sous perfusion, un liquide bleu phosphorescent se déversait dans mon bras droit.
J’eus l’instinct premier de l’arracher mais considérant que mon état s’était amélioré, je pensais que c’était ce liquide qui me redonnait des forces.
La pièce n’avait aucune fenêtre, aucune horloge. Je n’avais aucun moyen de savoir l’heure. Par instinct, je mis mes mains dans mes poches à la recherche de mon portable mais ne trouva rien. Aussi étonnant que cela puisse être, jamais, au cours de cette expérience on ne me demanda de me changer. J’étais resté habillé comme j’étais entré.
La tête encore lourde, pas comme une migraine mais comme si mon cerveau pesait une tonne, je me rallongeais et dormis encore.
Je fus réveillé par le docteur.
« – Hey bien cobaye au bois dormant ! Bien dormis ?
Ouai…
Ça va mieux ?
Oui…
C’était quelque chose hein ?
C’était l’horreur oui…
Oh petit ingrat ! Tu es aux premières loges d’une révolution de la médecine !
Vous pouvez changer de disque un peu ! Je suis plutôt une victime de cette révolution.
Mais vous n’êtes pas une victime ! Arrêtez votre cinéma ! Et vous savez, vous avez signé de votre plein gré.
Oui, et je le regrette.
Ingrat !
D’ailleurs j’arrête, c’est fini. Payez-moi et laissez-moi filer.
Bien sûr que vous allez être payé ! Mais vous vous êtes engagé pour huit séances !
Je ne pensais pas affronter la mort.
La mort ? Mais quel acteur ! Quel acteur ! Vous n’avez pas affronté la mort ! Au contraire, vous étiez immortel !
C’est ça le truc donc, vous voulez rendre l’humain invulnérable ?
En gros oui ! Savez-vous combien de temps vous êtes resté la tête sous l’eau ?
J’en sais rien, je n’avais aucune notion du temps.
Estimez ! Allez !
Ce n’est pas un jeu ! J’arrête tout !
21 minutes sous l’eau ! Presque une demi-heure sous l’eau et sans mourir ! Vous pouviez même bouger autant que vous le vouliez, enfin prenant en compte que vous étiez attaché à une planche mais jamais vous n’avez perdu conscience sous l’eau !
Mais après si !
Mais c’est à cela que vous servez cobaye !
Arrêtez de m’appeler cobaye. J’arrête aujourd’hui !
Voyons, un contrat est un contrat.
Hey bien je le romps ce contrat !
Malheureusement… cela me chagrine vraiment et je comprends votre colère, ou plutôt votre peur. Mais vous êtes obligé de remplir les clauses de votre contrat.
Je prendrai un avocat, je ferai tout mon possible pour arrêter ce calvaire.
Rien ne vous empêche d’agir comme cela mais, voyez-vous… nous sommes… riches. Riches et avec des… contacts. Contacts assez haut placés pour vous mettre des bâtons dans les roues. Voyez… vous êtes à la fac et… en quelque coup de fil, je pourrai m’arranger pour que votre année ne soit pas validée, modifié quelque résultat de partiels à votre désavantage, faire propager quelques rumeurs… pas très glorieuses à votre propos.
Ah bon, vous vous donnerez tant de mal que ça pour moi ?
Évidemment ! Vous êtes précieux pour nous cobaye !
Arrêtez de m’appeler cobaye maintenant !
Il serait tellement dommage, tellement, que quelque chose de fâcheux arrive à votre mère ou à votre sœur. D’ailleurs, comment ça se passe son entrée au lycée à cette dernière ? »
Je pâlis à ces dernières paroles. Le docteur menaçait ma famille, une menace est une chose mais une menace avec des informations précises sur un point de pression sensible, dans mon cas ma famille, c’est tout autre chose.
Même si je décidais de lutter et d’en subir les conséquences, je ne voulais en aucun cas mettre ma famille en danger.