Johnny sur la route – Chapitre 1

Johnny tend le pousse au bord de la SupraRoute, en attendant patiemment qu’une SupraMobile carburant à l’essence de fusée daigne s’arrêter. Mais à la vitesse où ces voitures vont, il y a peu de chance qu’un chauffard le voit. En fait, il risquerait plutôt de se faire atomiser.

Une vielle voiture Ford, Johnny ne saurait dire la série, car il n’est pas connaisseur et cette voiture est tellement rouillée qu’il serait difficile à un aficionado des vielles voitures de l’identifier, ralentit a quelques pas de lui. Seul le logo sur le capot, dressé fièrement sur l’amas de rouille, indique sa marque.

Une femme dans la trentaine la conduit. Noire, les yeux verts, c’est cette jeune femme qui va prendre Johnny en stop.

La voiture s’arrête enfin un peu avant lui, la vitre côté passager s’ouvre avec un violent et long bruit de grincement qui fait mal aux dents.

« – Tu vas où comme ça ? Lui demande la jeune femme.

  • Vous allez où vous ?
  • En Californie.
  • Ça me va !
  • Super… hey bien monte. »

Johnny appuie sur la poignée de la portière mais elle ne s’ouvre pas. Il regarde la conductrice avec un air surpris.

« – Ah merde, j’oublie tout le temps, elle s’ouvre pas, faut que tu passes par la portière de derrière, enfin de derrière moi. »

Johnny fait donc le tour de la voiture. Ouvre la portière arrière qui s’ouvre en laissant s’échapper un couinement digne d’une sirène de bateau. 

« – Viens à côté de moi, j’suis pas ton chauffeur non plus ! »

Johnny ne se fait pas prier, il n’a jamais vraiment compris pourquoi les gens ne voulaient pas qu’il s’assoie à l’arrière. Ils « ne veulent pas être mon chauffeur », c’est ce qu’ils disent tous quand il monte dans une voiture. Peut-être qu’ils ont en fait peur de laisser un inconnu s’asseoir derrière eux pendant qu’ils conduisent. Ça, ça se tient. Mais pourquoi ne pas le dire franchement ? Enfin, on ne se plaint pas à quelqu’un qui vous tend la main.

Notre ami John peine à se faufiler entre les deux sièges avant, le passage est étroit. Le levier de vitesse et le frein à main sont sur son chemin.

Son blouson frotte sur tout ce qu’il l’entoure et il s’affale légèrement sur la jeune femme avant de vite se rattraper et basculer sur le siège passager avant.

« – Désolé m’dame.

  • C’est rien, ça arrive souvent. Pas évident de passer devant. Faut vraiment que je pense à faire réparer cette portière. Et ne m’appelle pas madame !
  • Ok désolé. Pour votre voiture… ah… je sais pas si ça existe encore les garagistes.
  • J’dois avoir une pote dans mes contacts qui doit pouvoir bidouiller ça… mais faudrait déjà que je me rappelle son nom… son adresse… enfin. Donc direction la Californie.
  • C’est vous le chauffeur.
  • Si vous le dites. Et arrête de me vouvoyer ! On a le même âge, enfin je pense.
  • Désolé. Tu as quel âge ?
  • On ne demande pas ça à une femme !
  • Désolé…
  • Arrête d’être désolé. Tu as que ce mot dans la bouche !
  • Des… oh et puis merde.
  • C’est ça ! Faut se lâcher un peu ! »

La voiture démarra en trombe, Johnny ne s’y attendait pas et se cogne brutalement contre la boîte à gants.

Jaskiers

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Merci pour votre service ! – Partie 1/3

Ma sœur allongée sur son lit d’hôpital, ma mère assise à ses côtés et moi, droit comme un piquet au milieu de la chambre.

L’opération à l’estomac qu’elle doit subir se déroulera demain matin, très tôt. Les larmes coulent le long de joues des deux femmes de ma vie. Moi, je peine tellement à pleurer, à trouver les émotions, celles normales qui font de vous un être… normal.

Le chirurgien entre, un homme dans les cinquante ans, bedonnant, marchant avec les bras pliés et éloignés le long du corps, comme s’il attendait à tout moment qu’une infirmière lui enfile une blouse et des gants. Un homme dont la vie est dominée par son travail, jusque dans son corps.

Voyant l’émotion, il parle :

« – Hey bien, hey bien, pourquoi les larmes de crocodile ? Vous êtes prêtes, tout se passera bien.

  • Docteur, c’est la toute première fois qu’elle se fait opérer. Elle a peur de se réveiller en pleine opération, dit ma mère.
  • Cette peur, beaucoup de gens l’ont, mais rassure toi petite, l’anesthésiste va mettre ce qu’il faut et avec nos moniteurs, on peut voir si tu te réveilles. Mais c’est impossible, croit moi. Quand tu vas t’endormir, il faut que tu penses à quelque chose de positif. Il y a souvent des gens qui rêvent pendant l’anesthésie ! Et, vous avez de la chance car, maintenant, avec les produit que l’on utilise, les gens font de beaux rêves. Avant, certains faisaient de terribles cauchemars !
  • C’est vrai ? Demande ma sœur.
  • Oui petite ! Pense à ton chanteur ou ta chanteuse préféré, quelque chose qui te donne le sourire ! »

Les deux demoiselles essuient leurs larmes, des sourires se dessinent sur le visage.

Le docteur reprend, et à mon grand étonnement, s’adresse à moi. Par réflexe, je me redresse.

« – Et vous jeune homme ! Vous êtes le frangin.

  • Oui.
  • Pas trop l’air chamboulé vous !
  • Je le suis mais… je ne le montre pas.
  • Ah ! Ces hommes… mes pauvres dames ! »

Ma mère et ma sœur me regardent, avec, dessiné sur le visage, de légers sourires narquois. Je souris en retour.

Le docteur reprend, toujours à moi.

« – Droit comme un i, les mains derrières le dos ! Vous êtes soldat vous !

  • De retour à la vie civile.
  • Ah ! Voyez mesdames, je suis aussi mentaliste ! Si l’anesthésie ne fonctionne pas sur toi petite, je t’hypnotiserai ! »

Des éclats de rires. Le docteur est rodé, il sait comment détendre l’atmosphère. Il me tend la main. J’hésite quelques secondes, veut-il quelque chose, un objet ou veut-il me serrer la main ? J’hésite, la dernière option, à cause de la Covid, me semble peu probable. Je me retourne, regarde ce qu’il pourrait vouloir. Je ne trouve pas. Cela dure quelques secondes.

« – Serrez-moi la pince, soldat ! »

Je sors mon sourire de circonstance, gêné, je lui tends la main et la sers. Une bonne poigne, mais la mienne est forte. Il lâche le premier.

« – Vous étiez dans quelle branche ?

  • Dans l’infanterie.
  • Ah, moi j’étais chasseur alpin pendant mon service militaire ! J’étais un pur auvergnat, et ils ont dû penser que je connaissais la montagne à cause de notre volcan. Mais j’avais jamais skié de ma vie, la montagne, connaissais pas du tout !
  • Ils sont pleins d’humours, encore aujourd’hui.
  • Notre slogan, il est sur ma quille que j’ai gardé, c’était « Ne pas subir… et pourtant ! »
  • Toujours autant d’ambiguïté.
  • Ah ! Mais mes années de services ont peut-être étaient les plus belles ! J’y ai passé le permis poids lourd. Pour l’avoir, j’ai juste eu à faire le tour de la caserne avec un camion ! Et puis, j’sortais de ma petite cambrousse, j’ai vu du pays et fait des copains !
  • Ça a bien changé depuis votre époque.
  • C’est devenu si rigide que ça chez les bidasses ?
  • Je ne sais pas si je peux parler de rigidité, les choses sont juste plus réglementées. La technologie, les mœurs sociales, la société, pour l’armée, ça ne pouvait que changer.
  • On dit qu’on devrait remettre en place le service militaire ! Pour certains, ça leur ferait du bien !
  • Le passage à une armée de métier a changé beaucoup de choses. Je ne pense pas que le gouvernement ait le budget pour la remettre en place. Et puis, il n’y a plus vraiment de guerre… pas des guerres comme l’inconscient collectif le conçoit. L’éducation aussi a changé beaucoup de choses.
  • Oh, hey, ça m’a pas empêché de devenir chirurgien !
  • Je parlais pas dans ce sens. Les jeunes sont plus éduqués, donc moins prompts à voir l’armée comme quelque chose de positif.
  • L’armée c’est pas le problème, c’est une belle école de la vie. Mais la guerre, moi j’en ai pas fait, ça s’est sûr que ça doit pas être jolie.
  • Je confirme. »

Je n’aurais pas dû répondre à cette question. Comme souvent, les civiles aiment à en savoir plus quand ils apprennent que je suis, plus pour longtemps, soldat.

Jaskiers