
« – Re-bonjour monsieur ! Tout va bien ?
– Bonjour. En fait, je me suis déversé un peu d’essence sur les chaussures et le pantalon, et je me demandai si vous vendiez une paire des vêtements.
– Oui, bien sûr…Dites, je peux vous poser une question ?
– Oui…
– Vous êtes l’écrivain là ? Elle pointa du doigt un magazine littéraire, ou son visage était placardé dans un petit encart avec comme titre : « Découvrez le nouveau maître de l’épouvante ! »
– Oui, c’est bien moi.
– Ah ! C’est sympa de savoir qu’un écrivain est dans les parages !
– Pas pour longtemps, je repars immédiatement.
– Pour aller où ?
– Je… je vais rendre visite à un vieux professeur, pour le remercier de m’avoir encouragé à continuer à écrire.
– Oh c’est beau ça, même dans le succès, vous n’oubliez pas d’où vous venez. Vous êtes natif de l’Oklahoma ?
– Non, du tout. Je suis juste resté en contact avec lui. Après tout ce succès, il faut essayer de rester terre-à-terre, et rien de tel qu’un petit retour aux sources.
– Comme Anval.
– Pardon ?
– Anval Thorgenson ? Votre meurtrier sociopathe !
– Ah ! Oui pardon. C’est toujours bizarre quand les gens me parlent de mes personnages comme des vrais gens.
– J’aurai tellement de questions à vous poser ! Mais vous n’êtes pas là pour ça. À vue d’œil, je pense que vous faite du 42 en pointure de chaussure ?
– Vous avez bon œil !
– L’expérience.
– La meilleure des qualités !
– Comme Omar.
– Par… Ah, Omar le flic au bout du rouleau, oui.
– J’adore ce personnage. À quelques jours de la retraite et il doit se coltiner un tueur en série !
– Oui, j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce personnage complexe.
– De qui vous êtes vous inspiré ?
– De mon grand-père, principalement.
– Toujours une source solide nos grands-parents.
– C’est vrai !
– Il s’est reconnu ?
– Il n’est plus de ce monde.
– Mes condoléances, je suis désolé.
– C’est pas grave, vous ne pouviez pas savoir.
– Et pour Anval, de qui vous êtes vous inspiré ?
– Simple, imaginez un supporter de Trump, ajouter à cela l’amour des armes à feu, du sexisme, pas mal de xénophobie, mélanger le tout avec l’idéologie suprémaciste blanche et la mythologie nordique, et voilà !
– Fascinant ! Vous avez eu beaucoup de mauvaises critiques de la part de groupuscules d’extrême droite. Vous avez pas peur ?
– Non j’ai reçu des menaces de morts, mais on m’avait dit qu’il fallait s’y attendre. Et emmerder des racistes, c’est un plaisir. Être mal vu par l’extrême-droite, c’est un compliment.
– Les menaces ! La rançon du succès !
– Il faut croire.
– Un nouveau livre en route ?
– En route… oui, on pourrait dire ça.
– Ah ! Un petit avant-goût ?
– Il commence juste, je laisse mes personnages et leurs actions me guider ,donc je n’en sais quasiment pas plus que vous.
– La méthode Stephen King !
– Exactement !
– On sent l’influence de son univers sur le vôtre.
– Ça, je l’assume.
– Et ça marche !
– Merci beaucoup ! »
Elle sortit un exemplaire poche de « Personne n’est en danger ».
« -Est-ce que vous pourriez me signer mon exemplaire.
– Oui bien sûr ! Je vous mets un petit mot ?
– Avec plaisir ! »
Il signa son livre, y apposa un petit mot gentil, puis lui tendit le livre. Pour une fois depuis son entrée dans l’Olkahoma, il pouvait avoir une discussion normale avec un autre humain, en plus, sur un sujet qui le passionnait. Il avait presque envie de rester, mais la crainte que la situation ne se retourne contre lui, d’une manière ou d’une autre, le rappela à l’ordre.
« -Désolé, est-ce que vous avez un jean ?
– Oh oui, désolé, je vous l’apporte.
– N’oubliais pas la paire de chaussures s’il vous plaît. »
Elle revint avec un jean bleu foncé, plutôt élégant étant donné qu’il venait d’un magasin de station essence, et des chaussures couleurs rouge sang. Dante réprima une moue de dégoût à la vue des ces dernières.
« – Il vous plaît le jean ? Je crois que c’est la bonne taille. Pour les chaussures, je sais, elles ont l’air un peu funkie, mais c’est les seules potables que j’ai. Pour le jean, j’ai pris une taille L, retroussez-le, si jamais il est trop grand.
– D’accord, parfait, merci beaucoup.
– Vous voulez vous changer ici ?
– Si possible.
– Les toilettes sont à droite à la sortie, dans la petite bâtisse grise avec une porte verte.
– Je vous remercie ! Combien je vous dois ?
– Oh rien ! Offert par la maison !
– Non, je ne peux pas accepter.
– Mais j’insiste ! C’est bien la première fois que je vois un écrivain ici, autant prendre soin de lui !
– C’est très gentil mais ça me gêne. »
Rand sortit 100 dollars qu’il posa sur le comptoir.
« – Vraiment Monsieur Rand, pas besoin de ça, c’est un cadeau !
– Considérez cela comme un pourboire ! »
L’auteur sortit en vitesse et courut en direction des toilettes. Angoissant à l’avance de ce qui se pourrait se passer dans cet endroit, toujours étrange et glauque, que peuvent être les toilettes d’une station-service en bord de route.
Jaskiers