Tout perdre – Chapitre 4

Pourquoi n’ai-je donc pas cherché un autre travail ? J’ai tout simplement compris comment fonctionnait cette nouvelle société. Il n’est pas difficile de voir que nous sommes retombés dans nos vieux démons. Il faut à l’être humain, à une société, quelqu’un à détester, quelqu’un qui est tout le contraire du bon citoyen, qui n’a pas sa place. L’Utopie n’est qu’un mensonge, personne ne peut être totalement heureux dans une société ou, en-tout-cas, pas tout le monde. Pour l’être collectivement, il nous faudrait ne plus avoir de conscience, pas de libre-arbitre, être des robots. Et c’est bien par là que cette se société dirige, car un robot a pris mon travail, et personne ne me plaint.

Je ne cherche pas à être plaint, j’ai choisi de m’écarter de cette société. Je n’avais pas la force de lutter. De lutter pour revenir dans les rangs, comme un bon soldat, un citoyen model. Ce n’était pas le genre de vie que je souhaitais quand l’humanité a osé se regarder en face et décide qu’il fallait un changement radical pour continuer à vivre.

Le problème vient peut-être de moi, nous ne sommes pas forcément faits pour être dans le moule que la société veut nous imposer.

Et j’ai réalisé que beaucoup de personnes s’étaient retrouvées sans rien, comme moi.

J’ai vécu jusqu’ici dans la rue. J’ai vécu avec ceux que je haïssais, comme les gens me haïssaient maintenant. J’étais une bouche de trop à nourrir. Enfin, pas totalement sans ressources, non, une association du Gouvernement Mondial nous venait, très sporadiquement, en aide. Nous pouvions voir que ces gens voulaient nous aider, faire beaucoup plus. Mais ils étaient limités car surveillés de près. Trop nous donner d’attention, de nourriture, de refuge, d’aides en tout genre pouvait se retourner contre eux. Gâcher du temps à aider ceux qui n’ont rien au lieu de travailler pour le projet spatial commun était mal vu. Ces bons samaritains risquaient beaucoup, leurs vies confortables en fait, juste par le fait de nous donner une bouchée de pain.

Il fallait s’entendre avec les autres démunis, apprendre la débrouille. Et surtout, une chose que je n’aurai jamais imaginé faire de toute ma vie, mener une vie de truand.

Voler, agresser, intimider les honnêtes gens étaient essentiels à notre survie. Vous ne pouviez pas faire la manche sur le trottoir, illégal. Et ceux qui donnaient étaient accusés de dépenser de l’argent qui devait servir à alimenter le projet spatial. Nous n’étions pas les bienvenus, plus vraiment humains, donc pas étonnant que nous devenions des chiens galeux prêts à tuer pour quelques centimes.

J’abhorrais faire ça, je n’étais pas bon à la violence, j’ai dû me faire une raison, me fabriquer une carapace, un nouveau moi, un monstre.

Mais c’était le seul moyen de vivre. J’ai pensé au suicide, mais au fond de moi, j’avais cette petite voix qui me disait qu’un miracle pouvait advenir si je survivais jusqu’à demain. C’est l’espoir, vraiment, qui m’a fait vivre.

Jaskiers

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Tout perdre – Chapitre 3

Comme beaucoup, j’ai fait plusieurs jobs. Il y avait une place pour tout monde. On ne travaillait plus pour l’argent, mais pour notre futur et, surtout, celui de nos enfants.

Après avoir été responsable de service qualité d’une usine de robotique, emploi où je n’étais pas qualifié du tout, j’ai fait d’autres boulots, dans la même veine. Jusqu’à ce que je découvre cette position d’agent de liaison avec l’Appolo 100.

L’Appolo 100 a été, et reste pour l’instant, la plus grande prouesse de l’humanité.

L’ancien ISS a été la base de l’immense structure orbitale qu’est devenu le 100. Tout y est pour explorer, aussi loin que humainement et techniquement possible, l’Espace, les systèmes solaires, la Voie Lactée, Andromeda, les trous noirs, les potentielles planètes habitables et j’en passe.

Ces 100 astronautes qui font ce travail au-dessus de nos têtes ont besoin d’assistances, comme je l’ai mentionné précédemment.

L’Organisation Spatiale Internationale, l’OSI, a donc décidé de proposer des places d’assistant pour astronaute. Il y avait deux catégories, la catégorie des assistants basée sur les besoins technique, scientifique, technologique et des assistants dédié au bien-être des astronautes, c’est-à-dire, une assistance pour les liaisons familiales (les liaisons directs entre astronaute et famille pouvant s’avérer dangereux, pour le moral et la sécurité des astronautes), les besoins personnel (nourritures, produit d’hygiène ect…), médical (mettre en liaison l’astronaute avec un thérapeute ou un médecin si besoin).

Les deux catégories étaient donc aussi en charge de remplir des rapports pour les navettes approvisionnant le 100. Tout devait être catalogué, ne rien oublier d’important ni de vital, expliquer les raisons et calculer, grosso modo, le poids et le coût de ces ravitaillements.

Mais la technologie a, et continue, de faire des progrès impressionnants. De mon point de vue, je trouve que nous devrions freiner et planifier plus prudemment le chemin que prend l’innovation à outrance.

J’ai donc perdu mon travail à cause d’une intelligence artificielle qui communique maintenant avec les astronautes… cette perte en amène d’autres. Du jour au lendemain, j’ai presque tout perdu. Comment est-il possible de tout perdre en un instant ?

À notre époque, tout est lié. Vous êtes, comme tout le monde, un pion dans la révolution spatial. La technologie, ceux qui les construisent et surtout qui les contrôlent, savent tout de vous. Tout est enregistré sur les Clouds, rien n’est laissé de côté. Et votre métier vous permets de garder vos possessions, si vous le perdez, vous devenez inutile, le personnel du Gouvernement Mondial vous coupe tout, jusqu’à ce que vous trouviez un métier, un moyen de contribuer au grand projet.

Donc, j’ai tout perdu. Ma maison ne répondait plus à ma clef magnétique. Ma femme travaillant comme infirmière était la seule personne pouvant m’ouvrir la porte. D’ailleurs, elle avait gardé tout contrôle sur ce que moi j’avais perdu.

Nos relations se sont détériorées, elles sont toujours mauvaises. Je suis persuadé qu’elle a subi des pressions à son travail et dans sa vie de tous les jours. Côtoyer un chômeur ? Être marié avec un Inutile ? Non, ce n’était pas acceptable, surtout pour une infirmière dont le travail est d’une importance vitale pour notre société.

J’ai accepté la rupture, j’ai souffert de voir de la honte dans le regard de mes enfants, je devais partir, je l’ai fait.

Jaskiers

Merci pour votre service ! – Partie 3/3

Quand je ne suis pas en opération, je suis un autre homme. De retour en France, quand assez de temps à coulé sous les ponts, que mon corps, mon esprit, mes nerfs, commencent à se relâcher, les souvenirs reviennent. Les traumas ouvrent les vannes émotionnelles : les cauchemars, les éternelles questions que l’on se pose sur l’être humain après avoir vue des choses qui vous donnent envie de brutaliser n’importe quelle personne suspecte qui passe près de vous, attaquent. Ou même cette pensée obsédante de se mettre un calibre sur la tempe afin d’éviter cette remise en question brutale vous assaille. Et l’on espère que ce traumatisme, avec le temps, on l’espère, guérira,

Le temps est une chimère. Il vous permet d’oublier temporairement les horreurs que vous avez vues, mais le corps, lui, n’oublie pas. Les flash-back qui apparaissent inopinément, parfois pour rien, parfois à cause d’un bruit ou d’une odeur. Tout remonte à la surface. J’ai entendu parler de vétéran qui pensait être revenu sur le champ de bataille après avoir entendu un pétard éclater, ou une portière de voiture qui claque. Ils, ou elles, pensent être de retour sur-le-champs de bataille. Accroupie, une arme invisible à la main, ils attendent des ordres qui ne viendront jamais. Il faut appeler un psychiatre ou un psychologue, avec le SAMU, pour sortir ces personnes de cette transe.

Bien sûr, et en France surtout, personne n’est au courant du défi que le retour à la vie civile implique pour un soldat. On n’en parle pas, on ne parle pas de ce qu’on a vécu. On nous le demande parfois, souvent des ami(e)s, et vous ne répondez pas. Ce n’est pas possible de comprendre, ni d’expliquer notre peine à une personne dont le seul souci semble être de savoir si la nouvelle star de la télé-réalité a appelé son fils Ethan ou Gloubiboulga. Un monde nous sépare des autres. Nous nous comprenons entre nous, et encore pas forcément à chaque fois.

Je n’ai plus ma place à l’armée, je ne sais même pas si j’ai le droit à une place chez les civils. Au final, quand j’ai signé pour devenir soldat, ce n’était pas une affaire de mois ou d’années, mais d’une vie entière.

Ce n’est pas du regret, j’ai choisi.

Comme ma sœur qui a choisi cette opération. Demain matin sera son moment sur le champ de bataille, et la suite sera un autre combat sur le long terme.

Ça ne s’arrête jamais la vie, et sans combats, pas de vie.

Jaskiers

Merci pour votre service ! – Partie 2/3

« – Au fait, vous êtes gradé ? Sous-off’ ou trou fion ?

  • Sergent.
  • Pas mal le petit gars ! Vous êtes jeune et déjà une huile !
  • Quand vous sortez de l’école avec le bac, vous pouvez entrer comme officier.
  • Ah oui mais vous avez dû faire pas mal de terrain !
  • J’ai été sur le terrain évidemment. Autant que mes camarades.
  • Et on nous parle jamais de l’armée aux infos, à part le 14 juillet. On oublie qu’on a des jeunots qui se battent !
  • Le manque d’information, c’est normal. La population n’a pas besoin d’être au courant des guerres en cours. Question d’image et avec ça, plus de latitudes grâce au silence. Les reporters de guerre au plus près des soldats, ça s’est arrêté au Vietnam. Le peuple ne doit surtout pas voir des soldats français se battre tous les jours à la télé.
  • C’est vrai qu’on sait pas vraiment où nos gars se battent ! Oui, c’est curieux.
  • Il y a aussi des femmes vous savez.
  • Ça doit amener son lot de désagrément.
  • Pas du tout. Elles se battent comme les hommes, s’entraînent pareil.
  • Non mais ça d’accord. J’voulais dire par là… des jeunes gens en pleine forme avec des jeunes femmes, bah forcément, il doit y avoir des histoires de coucheries !
  • Non.
  • Étonnant.
  • Il y a beaucoup de gradés femmes qui commandent des hommes.
  • Et ça ne pose pas de problème ?
  • Non.
  • Hey bien mon garçon, c’est sacrément étonnant de voir à quel point l’armée a changé ! »

Je pensais avoir évité la discussion sur les sujets délicats, sujets que je n’ai pas forcément envie de parler. Mais non.

« – Vous avez été où ? Afghanistan truc comme ça ?

  • Oui, entre autres.
  • Y’a quoi d’autre… vous n’avez pas que fait l’Afghanistan ?
  • Non.
  • Je vois pas d’autre conflit auquel la force participe.
  • Il y a l’opération Barkhane au Mali.
  • Qu’est-ce qu’ils foutent là-bas ? Une guerre civile ?
  • Terroristes. Et ça peut tourner à la guerre civile.
  • Évidemment maintenant… c’est le terroriste. À notre époque, on nous disait que l’ennemi c’étaient les Russes.
  • C’était encore l’époque du mur de Berlin, du rideau de fer.
  • C’était une autre époque.
  • Mais les problèmes avec les Russes ne sont jamais trop loin. Voyez l’élection de Trump.
  • Ah ! Un sacré moustique celui-là ! »

Je me demandais s’il allait encore rester là longtemps. Il était chirurgien, il avait sûrement d’autres chats à fouetter. Ou à opérer. Non, ça c’est les vétos.

« – Bon, je vous laisse ! Mesdames, pas d’inquiétude, tout va bien se passer demain matin. Il n’y a aucune raison pour que les choses tournent mal. Et vous soldat, merci pour votre service ! 

  • Merci docteur, tu verras ma chérie demain ça se passera comme prévu.
  • Au revoir docteur. »

C’étaient mes dernières paroles, un au revoir courtois, mais j’avais envie de lui dire que je me fichais pas mal de ses remerciements pour mon service.

Car j’allai quitter l’armée. Il ne me restait plus que quelques mois à finir. Je ne pouvais plus supporter la vie de soldat. Mais je savais que ce qui m’attendait, la vie civile, qui serait une nouvelle épreuve. Une qui réserve ses lots de souffrances. Mais les vétérans, en France, tout le monde s’en fichent…

Jaskiers

Merci pour votre service ! – Partie 1/3

Ma sœur allongée sur son lit d’hôpital, ma mère assise à ses côtés et moi, droit comme un piquet au milieu de la chambre.

L’opération à l’estomac qu’elle doit subir se déroulera demain matin, très tôt. Les larmes coulent le long de joues des deux femmes de ma vie. Moi, je peine tellement à pleurer, à trouver les émotions, celles normales qui font de vous un être… normal.

Le chirurgien entre, un homme dans les cinquante ans, bedonnant, marchant avec les bras pliés et éloignés le long du corps, comme s’il attendait à tout moment qu’une infirmière lui enfile une blouse et des gants. Un homme dont la vie est dominée par son travail, jusque dans son corps.

Voyant l’émotion, il parle :

« – Hey bien, hey bien, pourquoi les larmes de crocodile ? Vous êtes prêtes, tout se passera bien.

  • Docteur, c’est la toute première fois qu’elle se fait opérer. Elle a peur de se réveiller en pleine opération, dit ma mère.
  • Cette peur, beaucoup de gens l’ont, mais rassure toi petite, l’anesthésiste va mettre ce qu’il faut et avec nos moniteurs, on peut voir si tu te réveilles. Mais c’est impossible, croit moi. Quand tu vas t’endormir, il faut que tu penses à quelque chose de positif. Il y a souvent des gens qui rêvent pendant l’anesthésie ! Et, vous avez de la chance car, maintenant, avec les produit que l’on utilise, les gens font de beaux rêves. Avant, certains faisaient de terribles cauchemars !
  • C’est vrai ? Demande ma sœur.
  • Oui petite ! Pense à ton chanteur ou ta chanteuse préféré, quelque chose qui te donne le sourire ! »

Les deux demoiselles essuient leurs larmes, des sourires se dessinent sur le visage.

Le docteur reprend, et à mon grand étonnement, s’adresse à moi. Par réflexe, je me redresse.

« – Et vous jeune homme ! Vous êtes le frangin.

  • Oui.
  • Pas trop l’air chamboulé vous !
  • Je le suis mais… je ne le montre pas.
  • Ah ! Ces hommes… mes pauvres dames ! »

Ma mère et ma sœur me regardent, avec, dessiné sur le visage, de légers sourires narquois. Je souris en retour.

Le docteur reprend, toujours à moi.

« – Droit comme un i, les mains derrières le dos ! Vous êtes soldat vous !

  • De retour à la vie civile.
  • Ah ! Voyez mesdames, je suis aussi mentaliste ! Si l’anesthésie ne fonctionne pas sur toi petite, je t’hypnotiserai ! »

Des éclats de rires. Le docteur est rodé, il sait comment détendre l’atmosphère. Il me tend la main. J’hésite quelques secondes, veut-il quelque chose, un objet ou veut-il me serrer la main ? J’hésite, la dernière option, à cause de la Covid, me semble peu probable. Je me retourne, regarde ce qu’il pourrait vouloir. Je ne trouve pas. Cela dure quelques secondes.

« – Serrez-moi la pince, soldat ! »

Je sors mon sourire de circonstance, gêné, je lui tends la main et la sers. Une bonne poigne, mais la mienne est forte. Il lâche le premier.

« – Vous étiez dans quelle branche ?

  • Dans l’infanterie.
  • Ah, moi j’étais chasseur alpin pendant mon service militaire ! J’étais un pur auvergnat, et ils ont dû penser que je connaissais la montagne à cause de notre volcan. Mais j’avais jamais skié de ma vie, la montagne, connaissais pas du tout !
  • Ils sont pleins d’humours, encore aujourd’hui.
  • Notre slogan, il est sur ma quille que j’ai gardé, c’était « Ne pas subir… et pourtant ! »
  • Toujours autant d’ambiguïté.
  • Ah ! Mais mes années de services ont peut-être étaient les plus belles ! J’y ai passé le permis poids lourd. Pour l’avoir, j’ai juste eu à faire le tour de la caserne avec un camion ! Et puis, j’sortais de ma petite cambrousse, j’ai vu du pays et fait des copains !
  • Ça a bien changé depuis votre époque.
  • C’est devenu si rigide que ça chez les bidasses ?
  • Je ne sais pas si je peux parler de rigidité, les choses sont juste plus réglementées. La technologie, les mœurs sociales, la société, pour l’armée, ça ne pouvait que changer.
  • On dit qu’on devrait remettre en place le service militaire ! Pour certains, ça leur ferait du bien !
  • Le passage à une armée de métier a changé beaucoup de choses. Je ne pense pas que le gouvernement ait le budget pour la remettre en place. Et puis, il n’y a plus vraiment de guerre… pas des guerres comme l’inconscient collectif le conçoit. L’éducation aussi a changé beaucoup de choses.
  • Oh, hey, ça m’a pas empêché de devenir chirurgien !
  • Je parlais pas dans ce sens. Les jeunes sont plus éduqués, donc moins prompts à voir l’armée comme quelque chose de positif.
  • L’armée c’est pas le problème, c’est une belle école de la vie. Mais la guerre, moi j’en ai pas fait, ça s’est sûr que ça doit pas être jolie.
  • Je confirme. »

Je n’aurais pas dû répondre à cette question. Comme souvent, les civiles aiment à en savoir plus quand ils apprennent que je suis, plus pour longtemps, soldat.

Jaskiers

La loterie nucléaire – Chapitre Final

Pendant ce temps-là, l’ingénieur Thomas dormait du sommeil du poivrot. Il n’entendait pas l’alarme, il était déjà trop loin. Son train circulait à vive allure en direction de l’Est.

Dans le train de Sabrina, qui lui aussi avalait les kilomètres à une vitesse infernale, l’ambiance n’était pas la même. Enfin plutôt, plus la même.

L’alarme nucléaire de la gare, Sabrina ne put l’entendre, non pas qu’elle fut déjà très loin de la gare, mais parce que l’alarme du train s’était déclenché en même temps.

« – Alerte Nucléaire. Ceci n’est pas un exercice. Veuillez suivre les instructions de l’agent de sécurité. Ceci est une alerte nucléaire. Veuillez rester calme et écouter les consignes de sécurité de l’agent de sûreté… »

La jeune mariée ne voyait pas, non plus, son mari courir comme un dératé dans sa direction, dernier geste d’amour, de détresse et de désespoir. Comme souvent, geste inutile, futile, dans ce genre de situation. Mais l’être humain savait aimer, et ce fut bien la seule chose qui était positive chez eux.

« – Mesdames, Messieurs, passagers. Je suis votre agent de sécurité. Garder votre calme. »

La jeune femme était calme, les exercices d’évacuations de ce genre, elle en avait faite des dizaines et des dizaines, à l’école, toute petite, au travail et dans des stages, obligatoires, de préparation à une attaque nucléaire. Tout ce qu’elle devait faire, c’était d’écouter et d’obéir à l’agent.

Tous les passagers réagissaient de même, tous conditionnés comme l’était Sabine. Elle était dans une société, faisait partie d’un peuple qui avait appris à vivre avec la menace d’apocalypse nucléaire toute leur vie, ou presque.

« – La situation s’annonce mauvaise. J’ai reçu par mes supérieurs l’indication qu’une mini-bombe nucléaire téléguidée nous a prise pour cible. Nous n’avons aucune chance de nous en sortir. Il vous… nous reste quelques secondes de vies. Il vous est conseillé d’envoyer à vos proches un dernier message. Nous serons des martyres. »

Aucune panique dans le train, qui curieusement, continuait son chemin tout en sachant qu’il n’attendrait jamais sa destination. Le dernier réflexe de l’Homme pour garder un semblant de sens dans le dernier moment de sa vie.

Chaque passager avait le nez rivé sur leurs écrans de smartphone, c’était les derniers mots que leurs familles et amis auraient d’eux, il fallait trouver les mots avant la fin.

Benjamin regarda l’explosion au loin, il ne vit que le chapeau du champignon atomique, les buildings cachaient la tige.

Le dernier espoir qu’il avait que sa bien-aimée n’était pas morte s’était évanouie car il sentit la vibration de son téléphone dans sa poche. Il sortit son téléphone de sa poche pour lire le message envoyé par « Mon Amour » :

Mon Benjamin, je t’aime. Tu serais devenu Papa. Je regrette tant. Ne m’oublie jamais, nous veillerons sur toi.

Thomas se réveilla, son téléphone avait vibré, c’est sa vieille mère qui lui demande si tout allait bien. Il peina à écrire sa réponse, l’affreuse gueule de bois, le mal de crâne et les tremblements l’empêchaient de taper correctement sur le clavier.

« – Oh et puis merde, qu’elle me laisse tranquille. »

L’ingénieur abandonna l’envoie de son message, se recroquevilla et se rendormit.

Petite postface : ce récit a été inspiré par un de mes cauchemars. J’ai décidé d’utiliser cette « expérience » pour écrire et évacuer le souvenir de ce mauvais rêve.

Jaskiers

La loterie nucléaire – Chapitre 8

Sabine se demandait si c’était le bon moment pour annoncer la grande nouvelle à son homme. Mais non, tout bien réfléchi, ce n’était pas le bon moment. Annoncer cette surprise puis partir, ce serait tout gâcher. Et Benjamin était trop stressé pour encaisser positivement cette nouvelle. Quoique… cela aurait put lui faire un électrochoc, guérir son mal-être, sa haine de la société et de la guerre… mais non, à son retour, quand tout serait calme, ce serait le moment idéal pour l’annoncer.

Encore un long baiser, peu de mots échangés, il semblait que tous les deux étaient à court de mots.

Un bref ‘Je t’aime’ émit par chacun, des mains enlacés qui se séparent, la porte automatique du wagon de Sabine se referma.

Le train émit quelques sons mécaniques, martiaux, puis commença à démarrer.

Les deux amoureux se regardèrent par la vitre, ils ne se quittaient pas des yeux. Benjamin lui envoya un dernier geste d’amour, sa femme lui répondit de même. Le train prit de la vitesse, l’angle dans lequel il s’engagea empêcha les deux tourtereaux de se voir.

« – Ca y est. Elle est partie. »

Sabrina perdit de vue son homme, elle espérait qu’il l’avait vue lui envoyer un baiser, mais l’angle était déjà trop étroit pour voir le dernier geste d’amour de sa femme.

Une larme coulait sur la joue gauche de Sabrina, une lame coulait sur la joue droite de Benjamin, chacun étant persuadé que l’autre pleurait à chaudes larmes.

« – Ce n’est qu’une question d’un week-end… un week-end. » Pensait Benjamin qui quittait lentement, comme abattue et abasourdie, le quai et la gare.

Il se dirigeait en direction de sa voiture, quand l’alarme d’alerte nucléaire lâcha son cri strident et aigu.

Jaskiers

La mort d’une reine (billet de réflexions)

Nous sommes dans la nuit du 09/09/2022, je regarde un documentaire sur Diana et la famille royale avec ma mère car hier, la reine Elisabeth II est décédée.

J’avais lu un article en début d’après-midi midi, je crois, annonçant que la reine était hospitalisée. Pas le premier genre d’article que j’ai pu lire sur la santé de la reine mais, comme beaucoup, j’ai senti que quelque chose de grave allait arriver.

Après que ma mère et ma sœur soient revenues de faire quelques courses, ma mère ayant repris le volant pour la première fois depuis son opération à son pied, j’ai annoncé à ma mère l’hospitalisation de la reine et que, cette fois, ça avait l’air sérieux, car beaucoup de ses proches allaient rejoindre l’altesse à son chevet.

Peut-être dix minutes après, ma mère lit un titre d’article en anglais disant « The Queen is dead ». Elle ne sait pas ce que ça veut dire, ma sœur me demande de regarder, j’étais en train de lire, mais j’ai ouvert l’application de l’AP et l’information était située dans un bandeau rouge en haut de l’écran ; la reine est morte.

Sensation étrange. La reine d’Angleterre m’a toujours fait penser à ma grand-mère, dont je n’ai toujours pas beaucoup de nouvelles d’ailleurs. Elle est gravement malade. Mais au téléphone, elle fait tout pour ne pas m’alarmer.

Nous avons allumé la télé. Les infos ne parlaient que de ça, normal, c’était historique.

J’ai regardé le mariage de William à l’époque, par curiosité et car c’était l’Histoire. J’ai aussi été impressionné par la série Netflix « The Crown », ce qui m’a aidé à comprendre la vie derrière les joyaux de la couronne.

Il y a quelques heures, j’ai l’impression d’avoir vécu une chose presque similaire aux premiers pas de l’Homme sur la Lune. D’ailleurs plus proche de cet événement, la mort du pape Jean-Paul II. Je m’en rappelle, j’étais là encore devant la télévision, mais j’étais un enfant. Et je comprenais que c’était important.

Et avec ma mère, fascinée par Lady Diana, nous sommes restés toute la soirée devant la télévision, encore maintenant où j’écris ces lignes. J’apprends beaucoup sur Diana, une vie plus complexe et difficile que je ne le pensais. J’ai encore plus de respect pour cette femme mais aussi pour ses deux fils, qui ont dû supporter de faire le deuil de leur mère sous les yeux du monde.

On croit encore, inconsciemment et cela est normal, que la vie royale est un conte de fées. Non, c’est une prison d’orée, une asphyxie de la personne, de l’ego, de la personnalité qui mène à, parfois, de terribles événements.

La vie est étrange et difficile, et la reine Elisabeth, bien qu’elle n’est jamais manquée de rien matériellement, s’est retrouvé la reine d’un pays très jeune et a dû dédier sa vie à son pays.

Je n’oublie pas le passé colonialiste, le racisme de la royauté et les crimes odieux d’un des princes dont je tairais le nom ici. (Son prénom commence par un A.)

Pour en revenir sur la réflexion de la royauté, de la richesse à outrance : On a beau avoir tout, en fait, c’est ce qu’on en fait qui est important, nos actes, nos mots et notre présence.

Rien n’est simple dans cette vie, pour n’importe qui. Avec certaines réserves évidemment.

Mais comme toujours, qui vit voit et vivra verra. Et l’on fait plus comme on peut que comme on veut. C’est comme ça. C’est la vie.

Avant de partir : https://youtube.com/watch?v=nlcIKh6sBtc

Jaskiers

Une année à plus de 500 mots par jour. (Un bilan ?)

C’est fait, écrire plus de (ou au minimum) 500 mots par jour est un défi réussi.

Ce n’était pas facile, des jours avec, des jours sans. Des jours avec un besoin d’écrire, de l’inspiration… et d’autres où l’envie n’était pas là, l’inspiration aux abonnés absents, le moral dans les chaussettes, fatigué, pas envie. Mais je l’ai fait.

Je ne dirais pas que je suis fier, il n’y a rien d’incroyable là-dedans, mais je suis content. J’ai progressé.

J’ai beaucoup appris, mais surtout, j’ai découvert que j’avais encore énormément à apprendre. Des remises en question, des erreurs, un « travail » qui demande beaucoup d’intentions, peaufiner, relire, dépasser la peur de publier certains textes, écrire en anglais, faire des erreurs, les accepter, y remédier et essayer de ne pas les répéter. J’ai aussi réalisé à quel point l’écriture était un art (pour moi, écrire est un art, on peut en débattre mais je me considère comme un artiste avant tout) qui était exigeant.

Il y a eu des moments où je me suis demandé « et puis, à quoi bon, au final, pourquoi m’emmerder à écrire cinq cents mots par jour pendant toute une année ? » mais c’est dans ces moments de doutes intenses qu’il ne faut pas lâcher. Si j’avais abandonné, je n’aurais pas appris toutes ces choses.

Je remercie tous mes lecteurs, fidèles ou de passages. Merci pour vos conseils, vos critiques constructives, vos encouragements et ces mots qui me faisaient chaud au cœur dans les moments de doutes (c’est-à-dire à chaque nouveau texte publié).

Ma vie personnelle a été un peu bousculée, surtout en fin d’année. Ma santé physique se dégrade, ma santé psychique, au contraire, semble prendre un chemin plus rassurant. Même si elle reste fragile.

Voir mon corps changer, vieillir, subir, se dégrader, n’est pas une chose simple à accepter. Vieillir… dans un an et demi, j’aurai trente ans… Je n’arrive pas à réaliser, je n’assume pas. Bizarrement, j’avais l’impression que je ne serai jamais trentenaire, que je vivrais jeune toute ma vie. Bon, trente ans ce n’est pas très vieux, mais ce n’est pas rien non plus. Il va falloir accepter.

J’espère que mon corps ne me lâchera pas. J’ai peur pour lui, et je ne peux pas faire grand-chose pour l’aider. Je sens, au fond de moi, que quelque chose de mauvais se trame pour mon être physique.

Côté psychique, j’attends un potentiel diagnostique qui pourrait expliquer beaucoup de chose concernant mon passé, mon comportement, et peut-être trouver une aide dont j’ai désespérément besoin. Mais rien n’est sûr, je sais qu’une sorte de parcours du combattant m’attend de ce côté-là, et qu’il risque de n’apporter aucune réponse à mes maux. Mais il faut tenter.

Tout ça sombre n’est-ce pas ? Oui, mais j’ai l’écriture et les livres avec moi. Je ne veux pas tomber dans une sorte de délire mégalomane, mais je me dois d’être franc ; je ne crois pas que je serai encore en vie sans la littérature et l’écriture. Ça sonne un peu cliché, borderline pathos, mais c’est comme ça.

J’ai beaucoup de matériel, et je ne sais pas encore si je posterai tout. J’aviserai le moment venu, comme je le fais souvent.

Je clos ce dernier article pour remercier tout ceux qui m’ont lu, même ceux qui n’oublie pas de critiquer mon orthographe ! C’est une chose incroyable, une chance, quelque chose de magique que d’être lu. Je m’excuse pour les fautes d’orthographe, j’essaie de faire de mon mieux. J’ai été très blessé par un commentaire qui me disait que je ne respectais pas mes lecteurs à cause de mes coquilles. Je refuse cette prérogative. Je veux donner à mon lecteur une expérience, et je veux prendre du plaisir (et j’en prends) à écrire et à partager mes écrits. J’espère que vous ne vous êtes jamais senti « blessé » ou pensez que je vous manquez de respect à cause de mes fautes de Français. Je fais de mon mieux, ce n’est pas parfait, loin de là, je le sais, mais je ne peux faire autrement.

Fermons cette parenthèse. J’ai rencontré de merveilleuses personnes, j’ai une chance incroyable de vous avoir. Internet est une chance, un endroit qui ressemble souvent au Far West, mais jamais publier des écrits n’avait été aussi simple et rapide. Et heureusement, ici, j’ai la chance d’être suivis par des personnes que j’apprécie, admire et respecte.

À ceux qui me lisent sans laisser de commentaires, ni de « j’aime », c’est un honneur d’être lu, simplement, et je vous remercie aussi !

Je vous souhaite un bon réveillon de jour de l’an, une pensée à ceux qui seront seuls (comme moi !) et aux plus démunis. Cette année a encore été difficile pour beaucoup. La prochaine le sera tout autant, mais nous nous devons de rester debout. Toujours et encore.

Je ne sais pas encore si je vais m’imposer un défi ou un projet pour l’année qui arrive. Toujours est-il que je garde en tête que j’ai tellement à apprendre, et cela me donne de l’espoir.

Encore merci.

Votre Jaskiers.

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 7

« -T’as une cigarette monsieur ?

  • Euh…
  • Mens pas, j’t’ai vu sortir de chez Marco.
  • Ouai, vous.. vous en voulez une ?
  • Bah si j’te demande à ton avis ! »

Rand sortit son paquet de cigarette et lui en tendit une.

« -Tu pourrais m’en donner deux ou trois autres hein, yankee, on s’fait pas chier on dirait ! Radin.

  • Oh bah… Rand bafouillait en tendant deux autres cigarettes. On fait aller.
  • Ouai. Le barbu hirsute tapota avec le plat de la main sur le toit de la voiture. Une sacrée allemande !
  • Ouai…
  • Et comment ça va New-York ? Tiens, passe ton feu s’t’e plait.

New-York ? Mais comment il sait que… peut-être que cela se voit sur ma ganache… Ah non ! Mes plaques d’immatriculation…

  • Bah ça va… New-York quoi…
  • Dans quel quartier à New-York ?
  • Hell’s Kitchen.
  • Sans déconner !
  • Non… enfin oui… enfin.
  • J’ai vécu là-bas mec !
  • Ah !
  • Ouai mon gars. Il balança le briquet au visage de Tom.
  • Vous avez vécu longtemps là-bas ?
  • Cinq ans.
  • Ah… c’était y’a longtemps ?
  • Une bonne quinzaine d’année ouai. J’y vivais avec mon ex-femme.
  • Ah… vous avez quitté la Grosse Pomme après le divorce ?
  • Divorce ? AH ! Non elle est morte donc j’me suis barré.
  • Désolé, mes condoléances.
  • Désolé de quoi ? J’ai pris la thune et puis j’me suis barré ! »

Oui, et maintenant t’es là, à quémander des clopes à des inconnus dans la rue…

« -Bon, je crois que je vais repartir sur la route, moi. Enchanté d’avoir fait votre connaissance.

  • Où ?
  • Comment ?
  • Repartir pour où ?
  • Euh… Lawton.
  • Ah…
  • Je vous souhaite le meilleur.
  • Attendez une minute. Vous vous foutriez pas un peu de not’ gueule ?
  • Pardon ?
  • Z’avez dit à Peter que vous partiez pour Forgan dans vot’ ranch réaménagé ! »

Jaskiers