La Der-des-Der – Partie 4

Une minute passe, puis le français mets en joue l’allemand. Pas besoin de parole, l’allemand ne pourrait pas éviter une balle.

Klaus réfléchit, se rendre ou se jeter en avant et être tué comme un vrai soldat ? Il n’a pas besoin de faire de choix, son corps et ses nerfs épuisés, il jette sa dague dans la mare de sang et d’eau boueuse du cratère d’obus. Il s’affaisse, s’assoit doucement sur la terre humide. Il voudrait juste dormir, en finir, mourir. Tuer des hommes, voir ses camarades se faire tuer, il en a assez mais surtout, il en avait fait assez. Un camp de prisonniers de guerre, cela veut dire plus de tranchées, plus de première ligne, plus de pluie d’obus, plus de gaz, plus de balle qui sifflent aux oreilles, plus de boue, plus de rats, plus de froid et sûrement assez à manger. La mort, pense-t-il, n’est sûrement pas une mauvaise chose non plus. Car cette foutue guerre finira bien un jour, qu’importe le vainqueur, il faudra vivre toute une vie avec les images d’horreurs, avec les fantômes des camarades, avec la connaissance de ce qu’un homme peut faire à un autre homme. Rien ne l’aiderait à oublier cette guerre.

Mais un doute s’installe dans son esprit. Pourquoi le français n’a-t-il pas tiré dès qu’il l’a vue ? Peut-être était-ce un nouveau soldat, tout juste sorti des casernes. Peut-être a-t-il était surpris. Ou bien lui aussi ne veut plus tuer. Mais peut-être aussi qu’il n’a plus de balle.

Gérald baisse son arme. Surpris que son adversaire n’ait pas attaqué ou levé les mains en l’air. Avec la boue séchée blanche sur la moitié de son visage, il a l’impression que cet homme est mort et vivant à la fois.

Son bluff a fonctionné mais il a honte. Faire peur à un homme désarmé, épuisé, sûrement affamé, il ne trouve aucune gloire, aucune jouissance, aucun sentiment de pouvoir en lui, mais juste cette sensation d’être devenu un sauvage, un animal, un tueur, un manipulateur.

Je ne vaux pas mieux qu’un criminel, pense-t-il quand il décide à cet instant de jeter son fusil au-delà du cratère d’obus. Mais là encore, il se demande pourquoi il ne l’a pas jeté dans l’eau, comme l’allemand l’a fait avec sa dague.
Son côté animal avait simplement peur que Klaus se précipite pour récupérer le fusil et le transperce. Il l’a jeté sur le champ de bataille, hors de leur champ de vision, pour être sûr.

L’allemand a entendu le bruit sourd du fusil tombant sur le sol. Il s’est relevé, doucement. Il savait que le français avait jeté son fusil, mais peut-être que le poilu se préparait à réaliser un ignoble combat à mains nues.

Jaskiers

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La Der-des-Der – Partie 3

Le français courrait, visait, tuait et continuait. Il ne fallait pas rester trop près des tanks, ils devenaient la cibles des obus et espérait s’éloigner des soldats équipés de lance-flammes, car une seule balle dans leur réservoir accroché à leur dos pouvait les faire exploser et réduire en cendres quiconque était à quelques mètres d’eux.

Les allemands se repliaient dans la tranchée qu’il venait tout juste de conquérir, ne leur laissant pas le temps d’organiser une défense solide et efficace. Pas de mitrailleuses, la faucheuse d’homme tant redouté dans les deux camps.

Mais les allemands n’hésitèrent pas à user de leurs canons pour essayer d’enrayer la contre-attaque, quitte à tuer leur propre camarade.

C’est ainsi que le français avait été soufflé par une marmite et s’était retrouvé assommé dans l’entonnoir créé par l’obus.

Gérald sort sa gourde, ses mains tremblantes renversent la moitié de l’eau sur son uniforme crasseux. Il en profite pour se nettoyer le visage encrassé par les horreurs que contient cette terre depuis presque trois ans maintenant.

L’eau fraîche le revigore. Il aurait aimé un peu de vin.

Un éboulis puis un bruit d’impact dans l’eau le font se retourner. Son cœur et son estomac lui semblent être sortis de son corps. L’allemand est là.

La moitié du visage de l’ennemi est recouvert de boue sèche et blanche, lui donnant un air de reptile. Le côté droit de son visage et presque propre. Les yeux bleus le fixent, la bouche est entre ouverte, son corps est paré à l’attaque.

Le français brandit son fusil devant lui, l’allemand, qui semblait prêt à attaquer reste immobile. Gérald ne sait plus s’il possède encore une balle dans son arme et ne veut pas appuyer sur la détende. Si aucune balle ne part, l’allemand se jettera sur lui pour tenter sa chance.

Ils restent là, à se regarder dans le blanc des yeux. Ils savent que le regard peut dévoiler le jeu de l’adversaire, mais ils savent aussi regarder en périphérie le corps de leur adversaire. Chaque mouvement, chaque respiration de l’autre ne passent pas inaperçus. Les nerfs sont à vif, toutes les cellules de leur corps, leur concentration, leur énergie sont utilisées pour observer l’ennemi.

La tension entre les deux adversaires est palpable. Ils n’entendent aucun obus qui siffle, aucun coup de feu, ils n’entendent que leur cœur qui bat et raisonne dans leurs tympans. L’animal est prêt à sortir de l’homme civilisé, encore une fois.

Klaus n’a pas l’avantage, il est en contrebas, le français est en garde, son fusil avec sa baïonnette dressée devant lui. Il doit laisser l’avantage d’attaquer à Gérald. Et celui qui attaque le premier est celui qui prend l’avantage.

Le français hésite, l’état du sol peut à tout moment le faire déraper. Il est mieux armé que lui mais son fusil est un poids, qui risque de l’entraîner à la chute.

L’allemand doit grimper les quelques mètres de boue pour l’atteindre, il n’a que son poignard, le français décide de rester sur ses gardes, et de jouer le bluff, comme les américains qui jouent au poker. Américains qui débarquent et s’apprête à prêter main forte aux alliés.

Mais il n’y aura aucun américain, ce duel est entre les deux jeunes hommes, qui ne savent même plus pourquoi ils combattent, et qui, au fond d’eux-mêmes, n’en ont plus envie. Mais refuser d’aller au combat, c’était être fusillé pour l’exemple. Pour vivre, il faut se battre. Et ce n’était presque plus une question de survie du plus fort. Un obus, une balle de mitrailleuse ne fait pas de distinction. Seul le corps-à-corps prouvait qui était vraiment le plus fort, physiquement du moins.

Jaskiers

La der-des-der – Partie 2

Il arrive à quatre pattes vers le corps du français. Il respire, doucement. Le dilemme cruel revient le tourmenter. Et si, disons à la prochaine attaque, ce soldat n’allait pas le tuer ou tuer un de ses frères d’armes si Klaus ne le tuait pas tout de suite ?

Le français se réveille, il tire sur les sangles de son fusil pour le placer dans ses mains, il ne voit pas l’allemand et se lève doucement pour ramper jusqu’aux bords du trou d’obus.

Klaus est pétrifié, il ne sait pas pourquoi, il a peur. Tellement peur que sa main droite tenant la dague tremble. Il laisse le français grimper, il n’a pas le droit à l’erreur.

Le français observe le no-man land. Tout est encore embrumé, mais le silence est retombé.

Gérald, le français à soif. Il ne sait pas vraiment comment il a fini dans ce trou. Peut-être le souffle d’une marmite. L’idée qu’il est peut-être blessé lui vient à l’esprit. Il regarde son torse, ses jambes, bouge ses membres. Aucune douleur ni de sang, en tout cas, pas le sien.

L’angoisse s’installe. Il ne sait pas s’il est plus proche des tranchées ennemies ou françaises. Le poilu et ses camarades s’étaient lancés dans une contre-attaque après que les allemands eussent réussis à investir leur tranchée, ou plutôt leur boyau. Ça avait été un terrible combat. D’abord, il avait aidé son camarade à la mitrailleuse fixe, mais les allemands approchants en grands nombres et de plus en plus près, il dû prendre son fusil et tiré une balle sur chaque ennemi qui approchait.

Mais les premiers allemands avaient réussis à investir leur flanc gauche et il fallait soit sortir et attaquer où attendre, tapis dans la boue que l’ennemi se risque de pénétrer dans la section de boyaux de Gérald.

L’ordre fut donné de reculer, ce qu’il fit. Les balles sifflaient à ses oreilles. Les camarades couraient et certains tombaient à côté de lui.

S’il survivait à cette guerre, il allait devoir aller parler de ses camarades tombés au champ d’honneur à leurs parents. Comme ils se l’étaient promis. Les poilus de sa section avaient ajouté cette promesse à leur malheur. À l’idée d’affronter que le camarade d’à-côté, passant de vie à trépas en une fraction de seconde s’il avait de la chance, il fallait ajouter à l’épreuve d’aller parler aux familles de la mort ‘héroïque’ de leur poilu. Enfin héroïque… c’est une manière de passer du baume sur la plaie béante des parents.

Il était arrivé à la tranchée de réserve. Toujours vivant. Survivre, tous les jours dans les tranchées était un miracle.

Il n’eut pas le temps de reprendre ses esprits car ses supérieurs sifflèrent le signal de la contre-attaque.

Il fut poussé par son capitaine au-dessus du parapet et il s’élança avec une rage terrible. Chaque attaque subite déclenchait une contre-attaque immédiate, et ce dans les deux camps. C’est pour cela que la guerre à l’Ouest ne changeait jamais rien à la ligne de front. Peu importait si on perdait une tranchée, on la regagnerait quelques minutes après, ou on en gagnerait une autre sur un autre secteur.

Mais les contre-attaques françaises ou anglaises étaient épaulées par des chars et des lance-flamme. L’empire allemand n’avait plus les ressources pour construire de tels équipements, elle n’avait d’ailleurs presque plus de nourriture pour ses soldats. C’est pourquoi Gérald attaquait avec panache, il savait que derrière lui, au moins deux chars le suivait ainsi qu’une section d’attaque spéciale armée de lance-flammes.

Les allemands furent surpris de la contre-attaque presque immédiate et restèrent pétrifiés quand ils virent les deux énormes masses que formaient les tanks avançant rapidement dans la brume.

Jaskiers

La der-des-der – Partie 1

Klaus rampe dans le cratère d’obus, un énorme entonnoir inondé de sang et de boue.

Le français en face de lui, allongé en chien de fusil, semble mort. Klaus ne voit aucune blessure apparente sur l’homme, mais la terre, la fumée, la brume laissée par les obus ne permettent de n’être sûr de rien.

Ayant perdu son fusil après avoir été soufflé par l’explosion de la marmite, Klaus sort sa dague.

Le mélange odieux de ce que contient le cratère lui arrive jusqu’au menton, il en avale par réflexe quelques gorgées. La guerre donne soif, surtout celle-là.

Avec le bruit qu’il fait dans cette mélasse, son souffle court et bruyant, il risque à tout instant d’être surpris et tué sur-le-champ. On ne fait de prisonnier que dans les tranchées. Dans le no-man’s land, aucune pitié, pas le temps, trop dangereux, trop compliqué.

Le regard rivé sur le français, tel un loup s’approchant d’une brebis endormis, il espère intérieurement que le soldat soit mort. Tuer, au corps-à-corps, c’est se battre comme un sauvage. Chaque opportunité de blessé l’autre est bonne à prendre. Une dague, une pelle de tranchée, une pierre, la boue, l’eau, mordre, griffer… Ce n’est pas si simple de tuer un homme de ses propres mains. Quand on en a un au bout du fusil, c’est plus simple, plus rapide et presque impersonnel. Mais quand il faut en venir aux mains, sentir le souffle de son adversaire, ses cris rauques, les regards chargés de peurs et de haines, ce n’est pas facile. Le pire, c’est après. Même au beau milieu d’un affrontement, quand on a tué l’autre en le touchant de ses propres mains, c’est comme si le cerveau s’arrêtait, honteux, confus, énervé. Le retour à l’état primaire quand on a grandi et été éduqué dans un pays civilisé laisse des séquelles.

Klaus se demande s’il tuera le français, s’il réalise qu’il n’est qu’évanouis. Pourquoi rajouter encore un tel fardeau à son esprit déjà torturé ? Est-ce que la mort d’un seul soldat français changera la cour de la guerre ? Non.

Il sort doucement du liquide nauséabond, le poignard dans sa main droite.

Un cauchemar, toujours le même. Celui de son premier français tué à coup de baïonnette. Cela n’avait durée que quelques secondes, mais l’échange de regards avec le français avait semblé durée des heures. Dans ce court laps de temps, il avait vu que celui d’en face avait sûrement son âge. Peut-être avait-il une femme et des enfants qui l’attendaient. Peut-être que dans un autre monde, ils seraient devenus amis. Mais le français attaqua le premier, il glissa sur la boue permettant à Klaus de lui enfoncer sa lame en pleine poitrine. Le français, bien que gravement touché, réessaya une attaque mais l’Allemand dévia la baïonnette facilement et lui enfonça la sienne dans le cou. Les yeux écarquillés du français le fixèrent, c’était comme s’il ne comprenait pas, comme si mourir n’était pas possible pour lui.

Klaus se réveillait souvent d’un cauchemar où il revivait ce moment, sauf que sa lame buttée sur la peau du français, comme faite de pierre. Le français restait stoïque, immobile, ne l’attaquait pas. Klaus hurlait sauvagement et le français semblait lui répondre calmement, sans rien comprendre à ses mots. L’allemand essayait de tirer, mais son fusil s’enrayait à cause de la boue. Il s’acharnait à essayer de le transpercer avec sa baïonnette mais elle ne pénétrait toujours pas. Klaus dégoupillait une grenade presse-purée et la lançait contre le français et l’explosion le réveillait en sursaut, en sueur, essoufflé et parfois avec un cri d’épouvante.

Les soldats se réveillant en criant est un phénomène qui ne surprend plus personne. Beaucoup des camarades de Klaus avaient eux aussi leurs propres cauchemars.

Jaskiers

Tout perdre – Chapitre Final

Peu importe leurs armes, leurs équipements de protection, tout ce que nous pouvions trouver à notre portée finissait dans leur tronche. Je me rappelle avoir ramassé une grenade lacrymogène à main nue et l’avoir glissé sous le masque de protection d’un cochon. Le flic était immobilisé par d’autres manifestants, et pressant le gaz sur son visage, les soubresauts de ses membres entravés, les cris d’encouragement des autres Sans-Riens, les vibrations, les sensations que je sentais dans ma main droite qui tenait la grenade, le ressentit de la souffrance du flic, son agoni, ça c’était, et ça reste, une expérience incroyable pour moi. Je sentais l’extrême chaleur qui se dégageait de la grenade, cette chaleur se dissipait en pleins dans le visage du cochon, la chaleur et le gaz asphyxiant, j’étais en train de tuer une personne qui en avait tué d’autres, tué des personnes comme moi. Je jubilais, je l’avoue. Ôter la vie d’un homme sous les encouragements d’autres hommes, la vengeance, le sentiment de contrôle, de pouvoir, de force, de haine qui se traduisait par mon action, ça, le meurtre d’un porc, c’est peut-être la meilleure sensation que j’ai eu de toute ma vie. Être amoureux, être aimé, faire l’amour, c’est jouissif, les endorphines envahissent votre cerveau, il l’irrigue, c’est ça le bonheur, de la chimie. Mais tuer cet autre être humain qui, de mon point de vue, le méritait, c’était encore plus plaisant que ça.

Éventuellement, le cochon arrêta de gesticuler. Sa poitrine fit un soubresaut, puis deux et plus rien.

Les bruits de la bataille s’estompaient tout autour de nous, pas un flic n’était venu à la rescousse de leur collègue. Je ne sais pas si c’était par lâcheté ou par le simple fait que la foule avait réduit à néant les forces d’intervention.

Je pensais que c’était le fait d’avoir tué un homme, l’état de choc potentiel dans lequel j’étais qui me faisait l’impression que tout, autour de moi, était silencieux. Mais non, simplement le calme après la tempête. Des corps gisaient, la plupart casqués, avec leurs armures fracassées, à nos pieds.

Il y avait évidemment les corps de Sans-Riens qui avaient perdus la vie, mais beaucoup moins que les flics.

C’était peut-être une première dans l’histoire du monde super-moderne et civilisé. Une foule de démunies avait anéanti des troupes de choc anti-émeutes.

Le silence régna pendant un court instant, puis, ayant réalisé notre victoire, nous éclatâmes de joie, le bonheur, enfin, d’avoir vengé les nôtres. Et cette victoire, elle fit le tour du monde. Notre monde super-connecté n’avait pas perdu de temps pour partager les images de notre triomphe.

C’étaient surtout les bons petits citoyens, terrorisés, effrayés et outrés qui avaient filmé et prit en photo l’événement. C’étaient eux, nos frères et sœurs ennemis, qui, sans le vouloir, sans le savoir, avaient été nos messagers.

Ceux d’entre-nous qui avaient des smartphones nous montraient comment l’Internet mondial réagissait. Au-delà des gentils citoyens respectueux et utiles, nous avions redonné espoir à tous les Sans-Riens du monde entier.

Rien de tout cela n’avait été prémédité, la Providence, ou quelque chose s’y appareillant, nous avait offert les conditions idéales pour déclencher une révolte mondiale.

À partir de ce moment, le monde civilisé, trop civilisé, ou pas assez, à vous de choisir, réalisa qu’une partie de l’humanité refusait cette nouvelle société.

Les citoyens modèles, enfin, réalisaient combien nous étions nombreux, combien nous n’avions pas peur d’affronter quiconque voulait nous priver de notre liberté. Mais, au lieu d’ouvrir une discussion sur la situation, notre situation précaire, au lieu de nous laisser la parole, de nous donner une voix, une place dans le Gouvernement Uni, les gens bien décidèrent de se barricader, de nous éviter. Réactions normales, après tout, nous avions massacré, sous les yeux du monde entier, des flics censés être l’ultime rempart contre la modernité, l’avancée technologique à outrance.

Mais ce n’est pas en nous claquant, encore une fois, la porte de la société au nez qui nous aura fait changer de comportement. Au contraire. Nous redoublâmes d’efforts, de violence, de protestations, de saccages, de pillages. Le monde était à nous.

Mais le Gouvernement Uni ne nous lâcha pas pour autant. La police, qui s’était rapidement transformée en une armée, s’opposa à nous, une guérilla s’ensuivit.

Tout le monde en eut pour son grade, qu’importe qui vous pouviez être, personne n’était à l’abri de notre hubris.

Nous pourrions parler de guerre civile, oui, c’en était une, et s’en est encore une à l’heure où j’écris ces derniers mots.

Je m’apprête à me faire exploser à côté d’un des représentants du Gouvernement Uni. Je vais partir en martyr.

Je laisserai le soin à mes camarades de vous parler de cette guerre fratricide que nous avons déclenchée sans vraiment le vouloir.

Que je tue ce représentant ou non, le monde verra que nous ne reculerons pas, qu’absolument personne n’est à l’abri.

Si des honnêtes citoyens meurent dans l’explosion, peu m’importe, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Qu’ils redoublent de violence contre nous, ou continuent à nous marginaliser, mon acte de sacrifice résonnera dans le monde entier.

Nous ne lâcherons rien. Une place à une table de négociation n’est pas, n’est plus ce que nous voulons. Nous voulons le chaos, l’anarchie. La fin.

Adieu.

FIN

Jaskiers

Tout perdre – Chapitre 11

Nous avons tout de suite compris la situation, le Gouvernement nous avait bel et bien berné. Comment avions-nous pu être si naïfs ? Nous savions que ces gens franchiraient un jour les limites de l’acceptable. Les belles promesses d’union, de symbiose qu’avait fait naître cette nouvelle ère pour l’humanité n’avait été que pure désillusion. Nous savions, au fond de nous, qu’une poignée de personnes allait recommencer à vouloir dominer la majorité. C’est dans notre nature. Nous avons besoin de leader, et soit nous en faisons partie, soit nous somme ceux qui les serve. Et même si vous êtes en dehors de leur système, d’une manière ou d’une autre, vous contribuez à nourrir leur pouvoir sur la masse. On n’échappe pas à notre vraie nature.

La colère est la première réaction que nous avons eut. Fini les gangs, fini les dissensions, en l’espace d’une nuit, l’Uni nous avait… uni. Elle avait unifié ses ennemis. Voici l’erreur qu’ils ont faite.

Diviser pour mieux régner, une des bases pour gouverner, et doctrine qu’ils avaient su utiliser à leur avantage jusqu’ici, était tombé à l’eau.

Notre colère était doublée de peur. Qu’était-il advenu de nos amis ? Et en filigrane, nous nous identifions tous aux disparues. Et si ça avait été nous ?

Notre rage éclata, partout dans le pays. Dans les rues des grandes villes comme dans les campagnes et trous perdus.

Nous brisions tout ce qui pouvait nous passer sous la main. Voiture, vitrine de magasin, lampadaire, bennes à ordure, monuments, mairie et tout ce qui appartenait au Gouvernement. Les braves gens, les gens-utiles, qui avaient la malchance de nous croiser finissaient en sang, à terre. Nous en avons tué, je ne le démentirai pas. Je ne pourrai pas dire qui, parce que notre folie meurtrière ne nous a pas laissé de souvenirs précis.

Une foule en colère, quand on la voit de l’extérieur, ça doit faire peur, ça doit aussi être un peu pathétique. Mais quand vous êtes à l’intérieur de cette foule, quand vous faites partie de cette foule, quand vous êtes en symbiose avec elle, c’est une expérience puissante. Vous avez l’impression d’être en symbiose avec tous ceux qui vous entourent, vos corps ne font plus qu’un. Vous êtes une sorte de monstre lovecraftien, vous suivez mais aussi créez le mouvement. Votre cerveau est connecté aux autres, c’est quelque chose de très troublant quand on y repense plus tard, mais sur le moment, la foule, c’est vous.

J’ai frappé, cassé, brisé, crié, pleuré, insulté et cogné encore et encore avec des centaines, voir des milliers de personnes.

Ce n’est pas quelque chose que les honnêtes citoyens connaîtront. Pour avoir cette expérience, il faut avoir souffert, avoir perdu quelqu’un et, ou, quelque chose. Il faut avoir l’impression que vous n’avez plus rien à perdre, que vous êtes dos au mur et que vos opposants ne pourront vous arrêtez que s’ils vous passent sur le corps.

Les cochons sont arrivés après une bonne demie heure de carnage de notre part. Ils nous ont ordonné de nous disperser, cet ordre a été reçu par des lancés de pierre et d’objet en tout genre, la riposte a été rapide et douloureuse. Une charge de flic ressemblant, et agissant, comme des robots et quelque chose qui doit être fascinant et morbide à voir de l’extérieur. Mais dans la foule en colère, nous n’attendions que ça. Nous n’attendions que ce contact brutal, ancestral et sauvage de l’ennemi.

Jaskiers

Tout perdre – Chapitre 9

Un beau jour, à la place des bancs que vous pouviez trouver dans les squares, les parcs, les rues, à tous les endroits où un banc avait été placé, une sorte de caisson, long d’environ deux mètres cinquante et large de deux mètres les avaient remplacés.

Nous avons été surpris. Notre premier réflexe a été de voir ce que ces caissons étaient.

Ils s’ouvraient sur le côté, sur la longueur, d’un seul côté. À l’intérieur, tout était matelassé. Des systèmes de ventilation étaient installés sur les côtés. Un gros oreiller dans un coin, des couvertures bleues, un petit caisson de rangement du côté opposé de l’oreiller, un Thermos, des gourdes, des gobelets et un tout petit réfrigérateur encastré à l’intérieur de la grande portière.

Incroyable, le Gouvernement avait peut-être enfin réalisé que nous étions des êtres humains, et que c’était en nous tendant la main de ce genre de façon que nous pourrions re-basculer dans une vie bien rangée.

Sauf que…

Je suis persuadé que nos leaders avaient pensé que ces caissons pour Sans-Rien n’étaient pas ici pour nous aider, mais pour créer des tensions et dissensions entre nous.

En effet, nous étions des milliers, voir quelques centaines de milliers et même un bon million, à travers le monde, à vivre dans la rue. Et il n’y avait qu’une poignée de caissons par rapport à nos effectifs.

En premier lieux, les bancs étaient déjà occupés par des personnes s’étant battues, au sens littéral du terme, pour pouvoir occuper et garder un banc. Certains bancs appartenaient même à des gangs, qui les louaient pour de l’argent, de la nourriture, de la drogue ou du sexe.

Maintenant, les gangs et autres propriétaires d’un banc se retrouvaient avec un caisson.

Toute la hiérarchie des démunies était chamboulée.

Si vous étiez propriétaire d’un banc, deveniez-vous de facto propriétaire d’un caisson ? Fallait-il procéder à un vote ? Se battre à nouveau pour savoir qui serait le nouveau prophète ? Était-ce juste ou injuste de considérer le caisson comme votre, posséder un luxe que n’était pas le vulgaire objet de ferraille et de bois ? N’était-il pas légitime que ce changement drastique soit suivi d’une nouvelle lutte de pouvoir ?

Qu’importe votre avis, vos réponses, pour nous, la réponse s’imposait d’elle-même ; personne n’était plus propriétaire de rien, il allait falloir se battre, parfois en formant des clans, jouer de la diplomatie, de coup bas, pour devenir propriétaire d’un caisson.

Je n’ai pas participé à ces combats fratricides. Je n’avais jamais dormi sur un banc. Pourquoi ? Parce que je n’avais pas la volonté, ni nécessairement l’envie, de me retrouver mêlé dans une baston à coup de tessons de bouteille, de battes de baseball, de canifs, pour pouvoir dormir dans ce qui semblait être une bénédiction, un luxe, dont je n’avais pas besoin.

Les squats, les cartons empilés, les immeubles et magasins désaffectés, à même le sol, j’étais habitué à vivre sans rien. Je me serai senti mal à l’aise dans ces tubes, ce n’était pas naturel pour moi. Et mon instinct, que j’ai réappris à écouter, me disait que ce petit havre de confort était dangereux. Pas seulement à cause de la nouvelle guerre qu’ils avaient engendrée, mais parce qu’ils venaient du Gouvernement Unis.

Rien n’était gratuit, il fallait apporter quelque chose à la société pour pouvoir bénéficier de la moindre chose vitale. Et ces caissons n’avaient rien d’anodin, ni de charitables, ce n’était pas un acte de compassion envers nous, mais quelque chose de sombre, de sinistre.

Jaskiers

Tout perdre – Chapitre 8

L’impact est violent, les flics et les Sans-Riens se mélangent dans une bataille au corps-à-corps, c’est une bataille homérique qui fait rage.

Vous prenez quelques coups, dans la tête, les côtes, les bras et parfois les jambes. Mais vous ne vous arrêtez pas, la fuite, c’est votre but. Savoir qui vous a frappé et rendre les coups signerait votre arrêt de mort.

Vous sentez l’air du dehors, il est frais, ça change de l’air vicié que vous avez respiré jusqu’ici dans le camion-cellule et le hangar.

Il fait nuit, mais les grandes lumières donnent l’impression qu’il fait encore jour. Vous continuez à avancer dans la mêlée. Votre équipe gagne du terrain, certains ont eu la même idée que vous. Ils vous dépassent, une bonne chose, car les flics se concentreront sur eux en premier et cela vous donnera plus de temps et d’opportunités pour trouver le moyen de vous enfuir.

Ça pétarade encore, des corps tombent, vous trébuchez pour vous relever immédiatement. Les yeux aux aguets. Des tours de guets, des explosions, un grillage surmonté de barbelé électrifié, ceux qui vous ont dépassé se jettent dessus, leur corps tressautent avant qu’une fumée et que les flammes les consument. Certains cochons sont projetés dessus, cochons grillés.

Puis, une explosion plus forte que les autres, la foule belligérantes vous entraîne inévitablement vers le grillage. Vous serrez les dents quand vous le touchez. Rien ne se passe. La pression de la foule pleine de rages est tellement forte que vous êtes plaqué contre cette barrière qui cède.

Vous tombez, des gens tombent sur vous, trébuchent, vous piétinent. Utilisant la force du désespoir, la liberté étant toute proche, vous forcez sur vos bras, réussissez à vous dégager et vous courrez. Encore et encore. Des corps tombent raide mort devant et à côté de vous, vous slalomez, et utilisez votre adrénaline pour la dernière ligne droite. Une forêt, cette nature qui brûlait il y a quelques années est maintenant votre refuge.

Après vous êtes profondément enfoncé dedans, vous vous arrêtez, épuisé. D’autres survivants apparaissent, certains décident de se regrouper pour continuer leur fuite, l’union fait la force. D’autres repartent seuls. Des cochons sont à vos trousses mais ils ne connaissent pas la nature comme un Sans-Rien la connaît. Vous profitez du terrain pour vous camoufler, grimper dans un arbre, sous des racines, dans des buissons. Puis, après avoir attendu la nuit, vous avancez jusqu’à retrouver un bon paquet de survivants avec la même connaissance de la survie que vous.

Et vous voici libre.

Si vous avez besoin, ou envie, je ne sais pas quel est le terme approprié, des ami(e)s qui n’ont malheureusement pas pu s’échapper et qui ont survécus vous écriront leurs histoires. Ma connaissance de l’univers carcéral du Gouvernement Unie s’arrête à cette évasion. J’ai eu la chance de réussir à m’enfuir, et je m’apprête à venger mes amis, mais je vous expliquerai cela plus tard.

Revenons à la vie dans la jungle urbaine.

Le Gouvernement Unie, qui semblait nous délaisser, envoyé parfois quelques missionnaires pour essayer de nous remettre sur le droit chemin.

Ce n’était pas un travail facile pour eux, beaucoup avaient l’audace de rentrer dans des squats ou des repères de Sans-Riens. Et ils repartaient avec un nez cassé, des ecchymoses partout sur le corps, des dents en moins, un œil au beurre noir et, s’ils avaient eu l’excellente idée de venir avec des objets de valeurs, voir des objets pour nous appâter, ils ressortaient culs nus.

Je ne sais comment ces gens ont été recrutés, et encore moins comment ils ont été convaincus de faire ce sale boulot.

À ma connaissance, jamais de Sans-Riens n’ont accepté de revenir dans les rangs grâce à ces pauvres agents.

Toujours est-il que le Gouvernement Uni n’a jamais baissé les bras et a décidé d’utiliser la technologie pour nous ramener dans ses filets.

Jaskiers

Tout perdre – Chapitre 7

Vous vous recroquevillez, les lamentations, les bruits de bagarres, vous en avez eu votre dose.

Puis, d’énormes néons bleus s’allument, vos yeux, encore agressés, mettent du temps à s’habituer. Plus personne ne bouge, tous ont le regard rivé vers ces lumières.

Puis, c’est une voix, qui vous annonce de rester calme, que des agents vont venir sélectionner des personnes pour une visite médicale, les cas les plus graves passeront en premier, et de restez patient. Au moindre geste hostile, les policiers utiliseront la force létale, il ne tenait qu’à nous de choisir comment les choses allaient procéder.

Les hauts-parleurs s’éteignent, les gens se regardent. On chuchote, on débat.

Ils vont nous tuer, pourquoi se soucieraient-ils de notre santé après nous avoir traités ainsi ? C’est un leurre, il faudra se jeter sur le premier cochon venu, le nombre fait la force.

C’est faux, ils nous ont traités comme cela car nous étions nombreux. Maintenant, ils allaient nous soigner, et essayer de nous faire rentrer dans le droit chemin.

Ou nous serons emprisonnés. Dans ces prisons insalubres, gardées par des flics en fin de carrière, qui n’en auront rien à foutre de nous. À l’intérieur, c’est la loi du plus fort.

Ou dans une sorte de camp d’endoctrinement. Des rumeurs circulent sur l’existence de pareils camps, mais rien de concret. Lavage de cerveau et retour à une vie bien rangée.

Ou recevoir une puce RFID, qui traquera nos moindres mouvements, nous sera implantée. On veut contrôler les troublions, et peut-être que les Sans-Riens implantés par des RFID sont la raison des raids comme ceux que l’on a vécu.

Tout le monde est confus, la visite médicale est peut-être un prétexte pour quelque chose d’autre, ou une vraie visite. Mais c’est sûr qu’aucun de nous ne ressortira totalement libre d’ici.

Les esprits s’échauffent. Personne n’a été fouillé avant d’être introduit ici. Certains sortent des canifs, d’autres des flingues, d’autres des armes de fortune qu’ils transportaient avec eux pour protection avant d’être attrapés.

Vous n’avez rien. Vous savez qu’ils ont raison. Peut-être que les agents savent pertinemment qu’il y aura résistance, ce n’est pas la première fois qu’ils font ce genre de coup de filet, ils s’apprêtent à massacrer tout le monde.

Votre seule option, vous faire petit, trouver une brèche, une faille, une opportunité pour vous enfuir. Ou faire le mort.

Des bruits mécaniques, les lumières artificielles puissantes de dehors s’infiltrent. De grandes portes rectangulaires, s’ouvrent doucement.

Vous ne voyez que les bottes des flics, puis la ceinture, la chemise bleu foncé avec « Police Unie » floquée en blanc sur la poitrine. Puis le casque, et le fusil-mitrailleur déjà en joug dans votre direction. Ils sont une bonne centaine, ce sera une bataille qui se jouera à environ trois contre un, en faveur de votre camp.

Les portes n’ont pas fini de s’ouvrir que déjà, votre camp prend l’initiative.

Le premier coup de feu est à peine parti que la mitraille commence. Les balles sifflent, vous entendez le bruit qu’ils font quand ils pénètrent un corps, perforant la chaire, brisant les os. Des cris, des explosions, de la fumée. Les yeux qui piquent, la gorge qui brûle à chaque inspiration. Penché en avant, vous avancez en poussant, en attrapant le premier venu pour vous en servir de bouclier humain. C’est horrible de faire cela, mais ceux qui survivent à ceux genre de situation ont plus ou moins, consciemment ou pas, profité du malheur de l’autre pour survivre.

Vous approchez d’une des sorties, la masse de flic avance sur vous, vous reculez pour ne pas prendre de balle. Votre clan réalise qu’il n’y a pas d’échappatoire et les plus courageux d’entre eux chargent. Vous les suivez, non pas pour quitter cette vie dans un dernier acte d’insoumission, mais parce que c’est la seule opportunité que vous aurez de pouvoir vous échapper.

Jaskiers

Tout perdre – Chapitre 6

Il faut que je vous dise ce que l’on risquait et subissait si, durant un de ces raids des Cochons, nous nous faisions attraper.

Paralysé, le corps entier qui ne répond plus avec une douleur sourde vous traversant chaque muscle, c’est comme ça que vous finissiez une fois touché par un flashball électrique.

Si aucun de vos ami(e)s n’avaient pu vous aider à vous emmener en sûreté, vous étiez maintenant à la merci des policiers.

L’un d’entre eux vous ramassez comme un sac à patates puis vous balancez dans le fourgon de détention. Vous retombiez, encore raide, sur d’autres pauvres hères comme vous.

Si vous étiez ramassé parmi les derniers, vous aviez la chance de ne pas être en bas de la pile de corps entassées, donc de ne pas mourir étouffé.

Puis le camion de détention démarrait et tournait, et retournait. Vous étiez secoué dans tous les sens, impossibles de vous accrocher à quoi que ce soit. Vous preniez un coup de genoux dans la tête ou finissiez encastré dans un amas de corps, vos membres se tordaient, certains se cassaient. Des cris de douleur, d’agonies. Pour les moins paralysés, des appels à l’aide ou à la pitié. Vous sentiez la personne à côté de vous suffoquer, hoqueter et puis mourir. La mort a un son. Une odeur, celle de la transpiration, du sang et du métal recouvrant la camionnette de détention.

Vous surviviez, comme la plupart des personnes présentes, mais vous aviez mal. Vous pouviez bouger un peu plus, l’effet restrictif de la balle en caoutchouc électrifié qui vous avait percutée s’estompait doucement.

Un arrêt brutal, dernier soubresaut dans la cage.

Les portes du camion s’ouvrent, on crie, supplie. On beugle des ordres, vous ne compreniez pas tout. Des coups, des bruits de glissements, les soldats tirent chacun un prisonnier, par les pieds ou la tête, ils attrapent le premier corps qui leur tombe sous la main.

Ça va vite, très vite, vous voyez enfin la lumière du jour, ou plutôt, des grands projecteurs braqués sur vous qui vous éblouissent.

On attrape votre pied, vous glisser et percutez le béton brutalement. Votre front a méchamment percuté l’asphalte, mais pas le temps de gémir, on vous traîne, d’autre prisonnier sont traînés autour de vous. La friction entre votre peau et le bitume vous brûle. Vous avez récupéré un peu de mobilité, vous tentez donc de faire lâcher prise le cochon qui vous traîne. Mais vous êtes encore trop faible. Le cochon, en pleine forme, s’énerve. Vous prenez un coup de tonfa dans les reins et vous continuez d’être traîné.

Le sol change d’aspect, vous êtes maintenant sur du carrelage blanc immaculé et glacé. Vous ne sentez plus l’air frais de dehors, vous savez que vous êtes entré dans un environnement clôt.

Le policier vous attrape par les cheveux, vous plaque violemment contre un mur, vous assène un coup-de-poing dans le ventre. Votre souffle coupé, vous tombez à genoux en essayant d’aspirer de l’air.

Vous venez à peine de reprendre tant bien que mal vos esprits, vous réalisez que vous êtes dans une sorte de grand hangar. Le plafond haut et voûté, la dimension de la pièce vous le confirme.

D’autres prisonniers sont amenés et reçoivent le même traitement que vous. Vous êtes des centaines, peut-être moins, vous n’avez pas le temps de bien vous faire une idée, une immense porte se referme, bloquant les faisceaux lumineux. Vos yeux brûlent, ils viennent de voir disparaître une forte lumière blanche et se retrouvent dans le noir complet.

Puis, c’est une nouvelle litanie de plaintes ponctuée de cris de rage. Dans le noir, on s’agrippe à quelqu’un, on frappe, on touche, on vole, les plus bas instincts mêlés à la détresse se font jour.

Jaskiers