
L’homme de main, car il n’avait pas du tout l’air ni la finesse de mouvement que peuvent avoir les infirmiers, souleva la planche du côté de ma tête et la fit traîner, le bois raclant le sol. Nous passâmes par le couloir pour aller dans une pièce juste en face de celle où nous étions.
Il continua à me traîner dans cette salle, qui ressemblait aux autres, même si je ne voyais pas derrière moi, et en aucun cas à une piscine, puis il me souleva légèrement. J’entendais des mécanismes s’enclencher et faire vibrer la planche. John, grommelant dans sa barbe des choses incompréhensibles puis me fit face avec un sourire narquois sur le visage :
« – Toi tu vas faire la baignade ! »
J’essayais de parler mais je n’y arrivais toujours pas, j’étais à la merci de John et du docteur.
Ce dernier arriva peu de temps après avec des gants en latex, une paire pour lui et une qu’il envoya à son assistant. Il tenait un bloc note, un stylo et un vieux chronomètre dans ses mains, puis, il se posta à côté de moi.
« – John à mon signal ! Et écoute bien ! Quand je dis ‘stop’ tu le relèves, tant que je ne dis rien tu le laisse compris ?
- Ouai patron quand tu dis stop j’le relève sinon j’le laisse.
- Bien ! Commençons, jeune homme, cobaye, vous allez être témoins mais surtout acteur d’une révolution ! »
J’ouvris la bouche pour protester mais rien, là encore, n’en sorti. Je pensais avoir traversé le pire, mais une nouvelle torture commença.
John me basculât en arrière et je me retrouvais la tête sous l’eau. Juste la tête, mon corps bien harnaché à la planche, cette dernière était fixée sur un système de bascule, tout simplement prévu pour m’immerger la tête, et seulement elle, à l’envers, dans l’eau.
Je retînt ma respiration mais l’eau me rentrait dans le nez, faisait son chemin loin dans mes sinus. Mes yeux me brûlèrent et je commençais rapidement à avoir envie de respirer. J’essayai de crier sous l’eau mais l’eau dans mon nez s’infiltra dans ma gorge.
Vous souvenez vous quand vous étiez petit et que vous jouiez à retenir votre respiration aussi longtemps possible ? C’était cela, sauf que j’avais la tête plongée dans l’eau et que je ne pouvais pas me remettre à respirer normalement. Pour faire court, je me noyais.
Mais là était toute la spécificité de cette expérience. J’avais besoin de respirer, de sentir l’air emplir mes poumons mêmes s’ils étaient en flamme, j’avais ce besoin irrépressible d’oxygène, mais je ne mourrai pas.
Mon corps avait l’impression qu’il se noyait, mais fonctionnait toujours.
J’étouffais, je ne respirais plus depuis une minute ou deux, mais j’étais conscient. Mon corps entier réclamait de l’oxygène, ma mâchoire était grande ouverte, j’avalais de l’eau, mon instinct de survie faisait réagir mon corps ; respirer de l’air, à tout prix. J’espérais m’évanouir, la douleur de mon corps, qui traduisait l’agonie de toutes mes cellules, se déchaînait. Ma mâchoire se disloqua, je sentis une brûlure vive sur le côté droit de mon visage. Mais yeux se révulsaient, je ne voyais rien d’autre que de l’eau et le bord opposé de la baignoire.
Je bougeais mes pieds autant que je le pouvais, c’est-à-dire très peu. J’ouvrais et refermer mes mains, pensant ainsi envoyer des signaux de détresses au docteur.
L’incendie dans mes poumons se propageait partout dans mon corps. Mes muscles semblaient se consumer, pire, c’était comme s’ils essayaient de sortirent de mon corps.
Puis je relâchais la tension dans mes membres, épuisés, du mieux que je le pouvais. J’étais toujours conscient bien que cela faisait quatre ou cinq minutes maintenant que j’étais dans l’eau , et je n’ai jamais été un bon nageur et encore moins un champion d’apnée.
Malgré la douleur qui explosait dans chaque portion de mon corps, l’impression que mon cœur et mon cerveau allaient éclater, j’essayais de me relaxer, d’encaisser. Je ne bougeais plus.
Cela dura peut-être une minute de plus, je ne peux donner que des estimations très vagues car dans un moment pareil, les minutes sont des heures.
Puis d’un coup brusque, la planche basculât dans sa position initiale, j’avalais, aspirais tout l’air que je pouvais en crachant toute l’eau avalée ou logée dans mes bronches. Mais mes poumons se rappelaient à moi et je sentis encore une fois l’incendie qui semblait les ravager.
J’éclatai en sanglot, mes larmes étaient invisibles sur mon visage mouillé. Je ne pouvais fermer ma mâchoire, qui était déboîtée, je criais et aspirais de l’air autant que je le pouvais , mes muscles étaient courbaturés comme jamais, respirer était difficile et l’oxygène semblait nourrir le feu dans mes poumons.
J’essayais encore et encore de parler, c’était impossible.
Le docteur s’approcha de moi avec un grand sourire de satisfaction.
« – Allez, c’est terminé pour aujourd’hui, je prends vos constantes et on vous laisse vous reposer. Bon travail cobaye, et toi aussi John ! »
Il mit le brassard de tensiomètre autour de mon biceps gauche et quand il l’enserra, la douleur m’irradia cette fois avec une telle force que je m’évanouis.
Jaskiers