
Pendant ce temps-là, l’ingénieur Thomas dormait du sommeil du poivrot. Il n’entendait pas l’alarme, il était déjà trop loin. Son train circulait à vive allure en direction de l’Est.
Dans le train de Sabrina, qui lui aussi avalait les kilomètres à une vitesse infernale, l’ambiance n’était pas la même. Enfin plutôt, plus la même.
L’alarme nucléaire de la gare, Sabrina ne put l’entendre, non pas qu’elle fut déjà très loin de la gare, mais parce que l’alarme du train s’était déclenché en même temps.
« – Alerte Nucléaire. Ceci n’est pas un exercice. Veuillez suivre les instructions de l’agent de sécurité. Ceci est une alerte nucléaire. Veuillez rester calme et écouter les consignes de sécurité de l’agent de sûreté… »
La jeune mariée ne voyait pas, non plus, son mari courir comme un dératé dans sa direction, dernier geste d’amour, de détresse et de désespoir. Comme souvent, geste inutile, futile, dans ce genre de situation. Mais l’être humain savait aimer, et ce fut bien la seule chose qui était positive chez eux.
« – Mesdames, Messieurs, passagers. Je suis votre agent de sécurité. Garder votre calme. »
La jeune femme était calme, les exercices d’évacuations de ce genre, elle en avait faite des dizaines et des dizaines, à l’école, toute petite, au travail et dans des stages, obligatoires, de préparation à une attaque nucléaire. Tout ce qu’elle devait faire, c’était d’écouter et d’obéir à l’agent.
Tous les passagers réagissaient de même, tous conditionnés comme l’était Sabine. Elle était dans une société, faisait partie d’un peuple qui avait appris à vivre avec la menace d’apocalypse nucléaire toute leur vie, ou presque.
« – La situation s’annonce mauvaise. J’ai reçu par mes supérieurs l’indication qu’une mini-bombe nucléaire téléguidée nous a prise pour cible. Nous n’avons aucune chance de nous en sortir. Il vous… nous reste quelques secondes de vies. Il vous est conseillé d’envoyer à vos proches un dernier message. Nous serons des martyres. »
Aucune panique dans le train, qui curieusement, continuait son chemin tout en sachant qu’il n’attendrait jamais sa destination. Le dernier réflexe de l’Homme pour garder un semblant de sens dans le dernier moment de sa vie.
Chaque passager avait le nez rivé sur leurs écrans de smartphone, c’était les derniers mots que leurs familles et amis auraient d’eux, il fallait trouver les mots avant la fin.
Benjamin regarda l’explosion au loin, il ne vit que le chapeau du champignon atomique, les buildings cachaient la tige.
Le dernier espoir qu’il avait que sa bien-aimée n’était pas morte s’était évanouie car il sentit la vibration de son téléphone dans sa poche. Il sortit son téléphone de sa poche pour lire le message envoyé par « Mon Amour » :
Mon Benjamin, je t’aime. Tu serais devenu Papa. Je regrette tant. Ne m’oublie jamais, nous veillerons sur toi.
Thomas se réveilla, son téléphone avait vibré, c’est sa vieille mère qui lui demande si tout allait bien. Il peina à écrire sa réponse, l’affreuse gueule de bois, le mal de crâne et les tremblements l’empêchaient de taper correctement sur le clavier.
« – Oh et puis merde, qu’elle me laisse tranquille. »
L’ingénieur abandonna l’envoie de son message, se recroquevilla et se rendormit.
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– Petite postface : ce récit a été inspiré par un de mes cauchemars. J’ai décidé d’utiliser cette « expérience » pour écrire et évacuer le souvenir de ce mauvais rêve.–
Jaskiers