Les nerfs souffraient dans les deux pays. L’alcoolisme gagnait les populations. Si ce n’était pas l’alcool, on se faisait prescrire des anxiolytiques, des antidépresseurs et le tour était joué. L’abrutissement psychique semblait un des remèdes les plus efficaces pour les civils pour supporter la guerre moderne.
L’ingénieur alcoolique savait qu’il partait pour travailler sur un chantier militaire. La lettre ne le précisait pas mais les conditions évoquées ne lui laissent guère de doute, la clause de non-disclosure et le « chantier » situé dans la zone ouest.
« – Qu’importe ce qu’ils veulent de moi, je ne ferai pas mon boulot, du moins, par correctement. Je vais salement saboter l’ouvrage, tirer au flanc, rien à foutre de leurs sbires, on sait comment tout cela va terminer… »
Mais cette affirmation, Thomas la regrettait d’emblée. Non, personne ne savait exactement comment cela finirait. Enfin si, ceux en costard cravate. Eux savaient, eux avaient planifié. Il n’était même pas étonnant que les deux côtés furent en fait de très bon amis derrière le théâtre de guerre. Il n’y avait peut-être même pas de côté, ils s’enrichissaient à souhait, sans vergogne ni regret, tout en étant portés aux nues par leur peuple respectif.
« – Et puis, si je crève dans ce train, personne ne me regrettera. »
En effet, Thomas n’avait pas de femme, ni de mari. Pas peine d’avoir essayé pourtant mais l’alcool faisant son effet, il évitait de trop creuser sur ce côté de sa vie. Un échec.
Pas d’enfant non plus. Grand Dieux ! Qui oserait mettre au monde un enfant dans ces conditions ?
Qui ? Beaucoup en fait. De n’importe quel branche de métier, de situations diverses et variées, d’âges également. On trouvait toujours à mettre au monde un enfant même si les conditions de vie étaient exécrables. Peut-être était-ce dû à l’instinct. Perpétuer l’existence (et la subsistance mais Thomas arrête sa pensée là) de la race humaine.
Au sommet de la chaîne alimentaire, au summum de la connerie vivante. Numéro un pour s’entretuer et entraîner les autres espèces dans leur chute. En fait, même sur une planète aux conditions de vie incroyables, réunissant tout ce qui était primordial (et plus ? Trop peut-être ?) pour la vie, l’Homme semblait exceller à entraîner cette immense sphère dans sa chute. Parce que l’être humain a un ego. S’il échoue, tout le monde doit échouer, c’est comme ça. La loi du plus fort. Ou du plus idiot, du plus égocentrique, voir tout ça à la fois.
Le train de Thomas arrivait en gare. L’ingénieur prenait souvent son temps avant d’entrer dans le train, pendant que des passagers descendaient que d’autres montaient, il attendait presque le moment du départ pour admirer la machine qui allait le transporter à une vitesse impressionnante. Le génie humain, quand il est dirigé pour le bien de tous, est une bonne chose. Enfin, tout est relatif…
« – Tout n’est pas à jeter chez l’être humain, il faut chercher, mais on trouve parfois les bons côtés de notre espèce, les bonnes personnes. »
Thomas pensait tout haut, il avait cette habitude depuis tout gamin de laisser s’exprimer sa pensée à haute voix. C’était pour cela que les passagers le regardaient curieusement, le temps d’un instant. Certains s’arrêtaient parfois parce qu’ils pensaient qu’il leur parlait directement. Mais souvent, ils accéléraient le pas quand ils sentaient l’alcool émanent des pores de la peau de l’ingénieur, quand ils voyaient sa démarche titubante. Comme si être saoul était contagieux, comme si, jamais de leur vie ils n’avaient vu quelqu’un alcoolisé. Certains semblaient presque outrés, mais l’ingénieur se fichait du regard des autres depuis longtemps.
Il monta dans le train.
Sabine vit arriver le sien, et elle se demandait si elle devait annoncer la grande nouvelle à son mari.
Non, pas tout de suite. Ce n’est pas le genre d’annonce que l’on fait à la veille d’un enterrement. Quoique…
Benjamin ne desserrait pas la mâchoire, elle était crispée. Son mari était tendu. Quel serait sa réaction ? Quand serait le bon moment pour l’annoncer ?
-Ce récit est inspirée de l’histoire vraie de Mary Defour.–
Steven Owscard connaissait Marina Delord depuis qu’il travaillait comme infirmier assistant pour l’hôpital pour criminels fous de l’état dans le Nord de l’Illinois.
Comment et surtout pourquoi avait-elle atterri ici, dans cet enfer, il se le demandait, sans toutefois partager ses interrogations à haute-voix.
Médicalement parlant, rien ne montrait qu’elle était folle, ni dangereuse. Elle avait, disait-on, était retrouvé sur le bord de la route, seule, perdue, ne connaissant ni son nom, ni où elle habitait, ni où elle allait.
Et juste pour une amnésie sévère, on l’avait enfermé ici, avec des fous, des vrais, des tueurs, des violeurs, des hommes, pour la plupart. Cette jeune femme d’environ 25 ans, avec des yeux bleus très clair, des pommettes hautes, des cheveux châtain clairs bouclés, et son visage rond faisait tache, une tache élégante, dans cette antichambre de l’enfer.
Quand Steven apportait le dîner à Marina, il essayait de poser des questions, variées mais ayant toujours attrait à son passé pour voir, si par une curieuse gymnastique du cerveau, elle pouvait recouvrer cette mémoire, mémoire défaillante qui l’a retenez ici, ou elle n’avait pas sa place.
Madame Delord, pourquoi l’avait-on appelée ainsi ? Personne ne le sais vraiment. Comme si on devenait amnésique juste à la côtoyer. Il ne travaillait pas encore dans cet hôpital quand elle y fut amenée. Selon ses collègues, elle était catatonique, ne parlait pas, ne manger presque pas, comme une créature venue du ciel échouée sur la planète Terre et se demandant où elle avait atterrie.
Maintenant, elle semblait calme, sortie de sa carapace et communiquait normalement avec le personnel de santé, elle avait un vocabulaire, une capacité d’éloquence qui faisait penser à ceux d’un professeur. Le seul problème c’était cette mémoire défaillante.
Aux questions que Oswcard avait posé à ses collègues qui était là le jour de son arrivée, on lui avait répondu qu’elle avait souffert d’une agression à caractère sexuelle violente. Quand Steven fit remarquer que ça placé était dans un hôpital civil et que la place de son agresseur était ici, avec les criminels fous, on lui répondit que c’était comme ça. À ses pourquoi, on lui répondit qu’ici, il ne fallait pas trop poser de question. Non seulement, on risquait de devenir fou comme ces patients criminels, mais aussi parce que cela pouvait affecter les soins prodigués aux malades, qui étaient aussi des prisonniers.
Madame Delord, bien qu’amnésique, avait un traitement de cheval, extrêmement lourd, doublé par des séances d’électrochocs régulières. Bien qu’étant la plus saine des patients ici, et n’étant pas une criminelle, son traitement semblait avoir comme but premier de l’assommer et si possible, de dégrader sa santé mentale.
L‘assistant-infirmier Steven avait assisté au lent et terrible déclin de la psyché de cette jeune femme. Sortie de sa catatonie, elle était lucide, intelligente, éloquente et charmante, elle était passée dans un état d’hébétude, d’avilissement et bien sûr, de folie dû à ce lourd traitement.
Des questions, Oswcard en avait beaucoup, et plus le temps passait, plus il y en avait. Comme pourquoi une femme victime était enfermée avec des criminels ? Pourquoi le traitement que l’on lui donnait n’avait pas pour but de la soigner mais plutôt d’empirer son état ?
En plus de ce traitement injuste, l’assistant infirmier apprit qu’elle avait accouchée d’un enfant tout de suite après son arrivée ici. L’enfant avait été placé directement en orphelinat. Bien qu’elle réclamait sa fille, il lui fut interdit de la voir. Ni même de la nommer. Là encore, pensait-on vraiment qu’arracher une tout jeune et nouvelle mère à son enfant allait l’aider à recouvrir la mémoire ?
Son traitement était indigne d’être appelé ainsi. Steven n’avait jamais signé pour abrutir une jeune femme innocente.
Au début, Marina avait tenté de se rebeller contre son sort injuste. Steven était arrivé en plein milieu et il avait assisté et aidait à lui faire prendre de force des concoctions de médicaments destinées à annihilé son esprit, mais les médecins disaient, eux, que c’était pour la calmer. Protester une injustice, il n’y a rien de plus normal et de plus sain, mais selon ces tous puissants docteurs, c’était une névrose, une maladie psychique à annihiler. Qu’elle guérisse non, mais l’annihiler oui. Tel semblait être le mot d’ordre sans jamais le mentionner.
L’ingestion forcée de médicaments n’était pas assez, parfois, tant sa détresse justifiée l’a menée à la révolte.
Dans ces moments-là, il fallait la déshabiller entièrement, l’attacher sur une chaise roulante, l’amener pour des séances d’électrochocs : de puissantes et très douloureuses décharges électriques administrées au cerveau, sans anesthésies.
Les traitements aux électrochocs étaient choses courantes, mais le traitement réservé à Marina était d’une brutalité sans pareille. Les décharges étaient tellement fortes qu’elle finissait par s’évanouir de douleur. Quand elle finissait par tourner de l’œil, son corps, nues, était plongé dans une baignoire remplie d’eau froide et de glaçon.
Pour Steven, ces moments où il était appelé pour assister à la torture, car c’est comme cela qu’il considérait ce traitement, était une épreuve. Un traitement si violent que même les criminels les plus dangereux internés ici n’avait pas à subir.
L’injustice, Oswcard l’a ressentez aussi. Cette femme avait été probablement violée et molestée, avec une telle violence que son cerveau décida de lui ôter la mémoire dans un soucis de conservation. Elle ne devait pas être déshabillée de force par des hommes pour se voir coller des électrodes sur le crâne afin de lui griller l’esprit et finir balancée dans une baignoire glacée. C’était un traitement pour un criminel fou à lier, et non pour une victime. Victime qui réclamait son nouveau-né, le seul élément positif de sa vie, capable de la guérir, de la faire avancer.
Steven ne pouvait plus supporter d’être complice d’une telle horreur. Il était un allié de Marina, essayant de placer des mots d’encouragements, de réconfort, de soutiens, quand il était appelé à son chevet. Mais des alliés, Delord n’en voyait pas, ou plus. Elle était devenue une morte-vivante, son esprit cédait, le peu de résistance dont elle pouvait faire preuve était supprimé par la torture. Elle ne luttait plus ou peu. Et Oswcard sentait qu’il était de son devoir, devoir professionnel mais surtout d’être humain, de l’aider à sortir de cet enfer et de retrouver sa famille, essayer de reconstituer son passée, de trouver des personnes qui l’avaient connue et même aimée. Quitte à donner des informations confidentielles aux médias, enfreindre les règles de déontologies pour une cause juste.
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On l’appelait à l’instant dans la chambre de Marina qui se débattait, du peu de force qui lui restait, pour ne pas prendre ses médicaments.
Steven s’offusquât de la manière brutale dont ses collègues l’avait plaqué contre le lit. Hubert, l’infirmier en chef lui rétorqua qu’il n’avait pas son mot à dire, qu’il n’était même pas infirmier à proprement parler mais un sous-fifre forcé d’obéir. Il n’avait qu’a démissionner si ces méthodes n’étaient pas à son goût.
Mais Hubert oubliait comment Steven avait eu cette place, par le père de sa fiancé. Gouverneur dans l’Illinois. Bien que ses relations avec lui étaient tendues, il savait que son beau-père le soutiendrait car ce travail rapportait de l’argent au ménage de sa fille.
Steven éructa d’une colère terrible, hurlant l’injustice dont Marina était la victime. Il se précipita sur Hubert, le prenant par le col de sa blouse, il voulait le tuer, le faire passer par la fenêtre grillagée de la chambre de Delord, lui faire comprendre que lui n’était qu’un infirmier, pas un médecin. Il en avait sa claque de ces infirmiers qui pensaient être aussi compétent qu’un docteur. Il cracha son venin sur l’infirmier en chef, l’accusant de prendre son pied à dévêtir une jeune femme pour la maltraiter. Qu’il semblait presque qu’Hubert avait quelque chose à gagner dans tout ça, qu’il ne serait même pas surpris qu’il l’ai violé pendant ses pertes de connaissances.
Entravé maintenant par ses collègues qui l’empêchaient de fracasser Hubert, il vit sur ce dernier un sourire narquois. Et une réflexion lui vint à l’esprit. Et si le traitement de Marina avait pour but de couvrir quelqu’un ? Quelqu’un de haut placé ou un groupe de personne ? Et si, ici, elle était à la merci de son agresseur ?
Il sentit une piqûre sur son épaule gauche, les ténèbres l’envahirent. La dernier chose qu’il vit était le regard inquiet et le sourire niais de Hubert.
Au lourd secret qui entoure le véritable rôle de la France et de son armée lors du génocide des Tutsi au Rwanda, Guillaume Ancel oppose la vérité de ses carnets de terrain, témoignage des missions auxquelles il a participé durant l’opération Turquoise. La fin du silence est aussi le récit du combat mené par cet ancien officier pour faire savoir ce qui s’est réellement passé durant cet été 1994 et « rendre hommage, dignement, aux centaines de milliers de victimes rwandaises que nous n’avons pas su empêcher. »
Officier de la Force d’action rapide, détaché au sein d’une unité de la Légion étrangère, le capitaine Ancel mène avec ses hommes des opérations d’extractions de personnes menacées. Sous couvert d’une opération humanitaire destinée à mettre fin aux massacres, cet officier comprend vite que la France soutient le gouvernement génocidaire rwandais dont elle a formé l’armée. Il décrit les errements de l’armée française, ballottée au gré de décisions politiques dont les motivations sont toujours tenues secrètes, les archives officielles restent inaccessible. Ce témoignage dévoile également certains épisodes méconnus de cette opération « humanitaire » durant laquelle l’armée française a tué. Parfois pour se défendre, parfois pour des raisons moins avouables.
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Je préfère vous informez avant que que vous commenciez à lire cet article. Je communique avec l’auteur, Guillaume Ancel, via son blog et par mail. Nous avons beaucoup échangé. J’ai lu Vent glacial sur Sarajevo il y a presque un an, et après une recherche internet plutôt sommaire, j’ai trouvé le blog d’Ancel.
Et je dois aussi avouer que j’ai commencé à bloguer à cause de lui.
J’admets avoir eu peur d’entamer cet ouvrage, et surtout d’écrire cet article. J’ai déjà lu 2 – 3 ouvrages concernant le génocide Tutsi au Rwanda, j’ai eu un aperçus de cette horreur par le biais de ces livres, tous écrits soit par un journaliste ou un historien, des personnes qui étaient certes très bien renseignées, mais pas sur le terrain comme Guillaume.
J’ai été surpris par l’ouvrage d’Ancel.
Il faut dire que Guillaume n’est pas journaliste ni historien, mais un ancien soldat, casque bleu, qui a été sur le terrain. Ce point de vue est unique et important, car si vous lisez le blog d’Ancel, se dernier dévoile que les soldats français sont priés de Fermez leurs gueules, d’où le peu d’ouvrage écrit, ou de témoignage, d’ancien soldat du rang français. À l’inverse, les gros bonnets de l’armée, eux, ne se gêne pas pour écrire leurs « mémoires » et autres ouvrages. Édulcorant, se justifiant, se trouvant des excuses, ces mémoires de hauts gradés sont peu intéressants. Les récits de ceux qui décident dans leurs bureaux, loins de la réalité du terrain et de l’horreur n’apportent rien. Du moins de mon point de vue.
J’ai toujours préféré la lecture des récits des soldats sur le terrain, aux contact du danger et loin des commodités, au contraire des généraux. Cette proximité de l’auteur avec le théâtre d’opération permet aussi une meilleure compréhension des raisons d’un conflit. Les livres de Guillaume en sont un exemple probant.
Ce qu’il me fallait pour bien comprendre le génocide au Rwanda et l’influence de l’armée française se trouvait bien dans se livre. Le récit d’un témoin oculaire, d’un soldat français.
Écrit comme un « journal » personnel, nous suivons Guillaume dans l’opération Turquoise. À ses côtés, nous comprenons mieux la situation, les belligérants et la politique menée par la France. Il est extrêmement intéressant de voir le basculement de Turquoise, à la base une mission « offensive », chargé d’aider le FAR (les forces gouvernementales ET génocidaire du Rwanda, bien qu’à l’époque de l’intervention de Guillaume, le FAR, les Hutu, n’étaient PAS reconnus comme les génocidaires, Ancel ne le découvrira que plus tard) pour devenir, brusquement, une mission « humanitaire ». Mission humanitaire étant ici un terme trompeur, étant devenu une assistance au génocidaire. Appelée Mission Humanitaire pour camoufler « l’aide » des français envers les assassins, pour aveugler les observateurs extérieurs et le public. Un excellent usage de la sémantique.
Mais que peut bien faire Guillaume Ancel, opérateur TACP, c’est à dire qu’il guide du sol les avions de combats, leurs indiquants les cibles à détruire, sur le terrain, dans une mission humanitaire ? Vous plongerez avec lui dans la confusion. Et dans l’action.
Guillaume fera face à des situations qui le mettent dans la plus grande des confusions, il commence à réaliser de quel côté la France penche dans le conflit.
Amené à visiter un « havre de paix », en plein génocide, un petit village accueil Guillaume. Le « maire » se félicite d’avoir « éliminé » tous les Tutsi, et pire, il est heureux de montrer à Guillaume sa cache d’arme au cas où un Tutsi repasserai. Problème, le village se situe dans la Zone Humanitaire Sûre. Toutes les armes y sont confisquées. Ahurissement quand leader de se petit village indique qu’un officier français l’a autorisé à garder ses armes.
Ce n’est qu’une situation, assez significative, déjà, de l’influence française au Rwanda. Le massacre qui s’est déroulé à Bisero est le symbole de cette intervention française, massacre stoppé par quelques soldats français d’une manière peu conventionnelle, mais malgré tout tardive. Le récit de cette horreur est présent dans le livre.
Guillaume, d’opérateur TACP donc, devient un « simple » officier, s’occupant de l’extraction de civile, de personnalité étrangère pour la plupart européen et/ou ayant des contacts avec avec l’Europe.
Ces extractions ne sont pas des promenades de santé, le danger, l’angoisse et l’horreur sont omniprésents. La manière dont Guillaume écrit me fait penser à un film d’action. Exactement comme il l’a fais pour son intervention à Sarajevo, et même mieux. Le même ressentiment m’a assailli lors de cette lecture que lors de la lecture de Vent glacial sur Sarajevo, la frustration, l’incompréhension et la confusion de l’action des français dans ces conflits. Lien que j’ai aussi découvert, celui de la négociation avec l’ennemi. Dans les deux livres, les négociations, toujours tendues pouvant se finir dans un bain de sang, sont présentes et nombreuses. La tension des opérations d’exfiltrations est incroyable, avec ses lots de rebondissements.
Ancel aurait pu ajouter négociateur à son CV. On découvre une autre facette du travail de militaire, la négociation. Je ne sais pas si il a appris cet art à St-Cyr, sûrement que oui, car comme noté précédemment, ces négociations peuvent tourner au drame juste à cause d’un regard ou d’un mauvais mouvement. Ce sont des moments d’extrêmes tensions. Je ne savais pas qu’un soldat devait faire avec sur le terrain. Les casques bleues semblent être négociateurs autant que soldats.
Guillaume parle avec émotion du racket que les forces Zaïroises (maintenant la République Démocratique du Congo) useront sur les pauvres rescapés épuisés et démunis du génocide fuyant les massacres à la frontière. Les militaires français ne pouvaient pas les aider. L’impuissance, la frustration, confusion, mensonge, secret. il semble que ce soit le lot des soldats français durant ces interventions.
Ce n’est pas un exercice facile de parler de la qualité de la plume d’un auteur quand se dernier écrit sur des événements terribles. Il doit être tout autant difficile d’écrire sur ces moments horribles. Choisir les bons mots, le ton adéquate. Guillaume, lui, a réussis. Tout en n’oubliant pas d’exprimer son propre ressenti, durant et même des années après cette mission.
L’humour y est présent, de façon subtile, car oui, Guillaume use d’ironie et partage des moments cocasses, le lieutenant-colonel a de la répartie. Jamais au dépend des victimes du génocide et du terrible drame, je tiens à le préciser.
Guillaume Ancel finira par rentrer en France, et c’est une partie des plus intéressante du livre. Le retour dans la société, la famille, après avoir vu l’horreur d’un génocide fratricide. Et les questionnements incessants sur le rôle de la France au Rwanda qu’il ne cesse de ressasser. Qu’à t’il vraiment fait au Rwanda ?
J’ai très apprécié le lien subtile que Guillaume a créé entre son ouvrage sur Sarajevo et le Rwanda. Deux opérations françaises où l’hexagone a pris des positions plus que douteuses en faveur des criminels. Ce qui fait de la France une complice ? Pour Guillaume définitivement. Pour le lecteur, les faits sont sous ses yeux, à lui de creuser et de faire sa propre opinion.
Il est intéressant aussi de faire le lien avec la guerre d’Algérie, que Guillaume fait d’ailleurs allusion dans son livre. Le silence des vétérans sur cette guerre est une preuve de plus que les soldats sont priés de se taire. Même à Saint-Cyr, les instructeurs ne parlent pas de se conflit. Pourquoi ?
L’opération Turquoise s’est déroulée en 1994, année de ma naissance. J’aurai pu apprendre à l’école à propos de ces conflits, mais ils n’ont jamais été mentionné dans aucun de mes cours d’histoires. Si ils l’étaient, je sais pertinemment qu’ils auraient été édulcorés, minimisant ou glorifiant l’intervention d’une France, gardienne des valeurs du pays des droits de l’Homme. Droits dont elle se proclame la garante, en tous cas c’est comme cela que je le ressentais. Comment pouvait-il en être autrement, quand les militaires sont priés de « fermez leurs gueules » ? Le mythe d’une France exempte de tout reproches s’effondre pour moi. La remise en question est nécessaire, brutale mais nécessaire.
Est-ce la fin du silence sur l’aide apportée au génocidaire par la France au Rwanda ?
C’est un début, le président Macron ayant commencé, doucement et presque discrètement, à ouvrir cette boîte de Pandore bien française. [À l’heure où j’écris cet article, le président est allé au Rwanda, pas pour s’excuser, semble-t-il, mais pour apaiser les tensions et admettre qu’il y a peut-être eux des fautes commises.] La « Francafrique » recèle bien des secrets que les vieux de la vielle semblent vouloir garder… à tous prix ? Saurons nous un jour, une bonne fois pour toute qui a tiré sur l’avion du président Habyarimana, attentat qui marquera le début d’un génocide faisant 1 millions de victimes en une poignée de jours ? En tous cas, des français, surtout des jeunes, veulent des réponses. Autant pour eux que pour les victimes. Le massacre des Tutsi a flirté avec le million de mort, dans se tout petit pays au milieux de l’Afrique des Grands Lacs. Hommes, femmes, enfants, aucun Tutsi n’étaient épargnés. Une folie meurtrière fratricide, entre voisin. Le Rwanda a besoin de réponse pour continuer à panser ses plaies, et nous savons où les réponses se cachent après la lecture de se livre. Comme me l’a dit Guillaume, « l’Histoire est un puzzle. » Je lui demanderai qui à la tache de le rassembler ? En espérant que le président Macron continu ses efforts pour révéler les secrets bien enfouis d’une intervention qui aujourd’hui ne fais presque plus de doute, la France a aider des génocidaires.
Pour en savoir plus sur le combat (car il s’agit d’un combat, avec menace physique et autres joyeusetés) de Guillaume Ancel et ses ami(e)s, dont Stéphane Audoin-Rouzeau qui signe une excellente préface dans se livre, laissez moi vous donnez le lien menant sur les articles du Rwanda que l’ancien lieutenant-colonel tient, avec ténacité et brio sur son blog : https://nepassubir.home.blog/category/democratie-politique-et-defense/rwanda-genocide-des-tutsi/
Voici deux extraits extrêmement importants que je partage, avec l’autorisation de l’auteur (pour une fois) :
Extrait 1 :
[…]Je suis sidéré.
– Attendez, on les désarmes et ensuite on va leur livrer des armes, dans des camps de réfugiés, alors que ce sont des unités en déroute, sans doute liées aux milices et, pire encore, au ravage de ce pays ?
Garoh me répond avec son calme imperturbable,
– Oui, parce que les FAR sont à deux doigts d’imploser et d’alimenter effectivement les bandes de pillards. En donnant ces armes à leurs chefs, nous espérons affermir leur autorité. De plus, nous ne sommes que quelques centaines de combattants sur le terrain et nous ne pouvons pas nous permettre le risque qu’ils se retournent contre nous, alors que le FPR nous menace déjà.
Lemoine, son adjoint, ajoute pour l’aider,
– Ancel, nous payons aussi leur solde, en liquide, pour éviter qu’ils ne deviennent incontrôlables, ce que nous sommes souvent obligés de faire dans ces situations.
Je trouve le raisonnement court-termiste et indéfendable : comment avaler qu’en livrant des armes à ces militaires, nous améliorons notre propre sécurité ? Je leur rappelle que nous n’avons plus vraiment de doute sur l’implication des FAR dans les Massacres de grande ampleur qu’aucun d’entre nous ne nomme encore génocide. […]
Extrait 2 :
Pour résumer, nous avons reçus l’ordre de livrer des armes à des génocidaires dans des camps de réfugiés pendant une opération humanitaire et alors que nous étions sous embargo de l’ONU.
Nous avons ainsi transformé ces camps de réfugiés en bases militaires qui allaient ensanglanter l’est du Zaïre pour des décennies. Je ne l’avais pas compris à l’époque parce que je n’osais même pas l’imaginer.
Petite note : le Zaïre est actuellement connu sous le nom de République Démocratique du Congo.
Quelques photos issues du blog de Guillaume, avec l’autorisation de se dernier.
Camp de rescapés Nyarushishi, 1994. Crédit : Guillaume Ancel.Guillaume Ancel, au centre, opération d’extraction de la famille Correa, juillet 1994. Crédit : Guillaume Ancel.
Je précise que malgré mes contacts avec Guillaume, je vous direz la vérité. Si le livre ne m’avait pas plu, je vous l’aurai dit. Je fais beaucoup d’erreurs (d’orthographes, de grammaires, de conjugaisons je sais…) mais je ne mentirai pas si l’ouvrage m’avait déplu, je le dirais. Mentir dans mes écrits est une chose que je trouve injuste, envers moi-même déjà, et envers le lecteur ensuite. Même si l’auteur de cet (excellent) ouvrage est un ancien lieutenant-colonel de l’armée de terre qui pourrait facilement venir m’influencer en venant frapper à la porte de mon petit appartement avec quelque vieux amis à lui. Dommage pour lui, mon chihuahua, petit mais teigneux ne négocie pas, lui.
Pour finir, j’ai trouvé que Rwanda : la fin du silenceaussi bon et intéressant que Vent glacial sur Sarajevo, même, je dirai que Guillaume s’est amélioré dans son écriture et dans le partage de son expérience. Se dévoilant plus, mais toujours aussi clair et « ludique », le conflit, autant de Bosnie que le génocide Tutsi au Rwanda me sont devenus bien plus clairs, plus compréhensibles grâce aux livres de Ancel. Lui qui ne se voyait pas être écrivain. Lui qui semble hanté par sa mission au Rwanda, au point de ne pas lâcher les hauts responsables français, des décennies après, du massacre d’innocents, hommes, femmes et enfants, que la France aurait pu sauver, semble avoir trouver un nouveau combat, car l’écriture est un combat. Et un soldat reste un soldat, du moins mentalement. Ou peut-être pas, c’est à lui de nous le dire, mais son esprit combatif ne semble pas s’être atténué après sa sortie de l’armée. Guillaume ne lâchera pas avant que justice pour les victimes du génocide du Rwanda ne soie rendue. Du moins, c’est mon avis.
Impatient de voir dans quelles situations Guillaume va nous mener cette fois. Car c’est à ses côté que nous nous sentons quand on le lis. Impatient de comprendre encore un pan de l’histoire française que je ne connaissais absolument pas.
Je vous laisse, on cogne de manière assez martiale à ma porte et mon Chihuahua se fait nerveux…
J’ai décidé de rebloguer cet article de Guillaume Ancel qui m’as choqué. Ne me parlez plus d’extrême droite, ni d’extrême gauche d’ailleurs. Mon pays est une honte, la guerre d’Algérie a été une horreur et comme vous le lirez sur l’article de Mr Ancel, on ne parle pas de la guerre d’Algérie à l’armée.