La Légende De Maggie Magic Mushroom (Nouvelle)

Vous avez tous entendu parler d’une personne mystérieuse, étrange, extravagante à qui vos ami(e)s, voisins prêtaient des rumeurs loufoques voir même, parfois, inquiétantes ?

Aujourd’hui, je vais vous parler d’une de ces personnes, une certaine Maggie Magic Mushroom.

Évidemment, c’était le sobriquet donné par tout Los Angeles, et même jusqu’à New-York. Peut-être même partout dans le monde.

Je ne pourrai pas vous donner une description précise de Maggie, personne ne semble l’avoir vue. Ceux qui le prétendent donnent tous des descriptions différentes. Une vieille femme blanche, blonde, toute ridée et petite. Une belle femme Noire, aux longues jambes et aux yeux vert, certains ont même juré sur leurs mères qu’elles n’étaient pas humaine, la mystérieuse dame était un lézard…

Sa légende perdure depuis plus de soixante ans. Jamais deux descriptions similaires d’une prétendue rencontre avec la Dame.

Mais, si nous ne saurons jamais à quoi ressemblait vraiment Maggie, je peux vous expliquez ce qu’elle faisait, pourquoi nous avons ajouté ‘Magic Mushroom’ à son prénom. (Inutile de vous dire que nous n’avons aucune information sur son nom de famille. D’ailleurs, son vrai nom n’est sûrement pas Maggie.)

Plusieurs rumeurs persistantes datent son apparition dès la fin des années 60. Et, cela se tient.

L’époque était aux riffs endiablées de Jimi Hendrix, de ceux hypnotisant de Santana, de la voix puissante de Janis Joplin, du lapin blanc des franciscanais de Jefferson Airplane et des paroles psychédéliques des Grateful Dead.

C’était l’époque des expériences psychédéliques, et aussi de l’amour, du rapprochement de l’Homme et de Mère Nature, mais aussi d’un climat politique délétère, la Guerre Froide, le Vietnam.

La jeunesse avait trouvé dans la drogue un échappatoire, autant psychique que physique. Ils avaient découvert par l’expérience de ces psychédéliques, que la vie n’était que ce qu’ils pouvaient voir, le monde physique n’était qu’une infime partie de l’expérience sur terre.

C’est à cette époque qu’une certaine Maggie fit parler d’elle. Elle vendait toute sorte de drogue, à des prix dérisoires, et ce d’une manière originale.

En effet, vous deviez trouver dans San Francisco ce que les tous nouveaux fidèles de Maggie appelaient : La Pyramide.

Ici aussi, la localisation précise et les descriptions de ‘La pyramide’ divergent suivant à quel ancien vous demandez. Ce que j’ai pu entendre me permet seulement de confirmer que le toit de cette maison était pyramidal. Aucunes photos d’époque n’existent, pourquoi ? La discrétion était semble-t-il de mise, même si cela n’a pas vraiment de sens, beaucoup de monde venaient acheter les produits de Maggie.

Si vous aviez la chance de trouver la Pyramide, vous n’aviez qu’à rentrer dedans.

Plusieurs tables s’offraient à vous. Dessus, un bloc-notes et un stylo.

Vous n’aviez qu’à marquer ce que vous désiriez, puis sur un des trois murs, au choix, faire passer votre bout de papier avec l’argent (je ne sais comment les anciens savaient quelle somme donner exactement. Les témoignages divergent là encore) à travers une fente de boîte aux lettres encastrées à chaque mur de la pièce où vous vous trouviez et à attendre quelques minutes. Puis, vous n’aviez plus qu’à récupérer votre commande à travers une trappe placée juste à côté de la fente, comme un petit coffre fort mural.

Mais pourquoi Maggie était et reste si légendaire ?

Parce que sa came semble venir d’un autre monde, comme la mystérieuse Dame derrière cette entreprise.

Les anciens et les nouveaux adeptes de Maggie ne jurent que par ses produits.

Son succès envers les amateurs de voyages psychédélique à San Francisco lui a valu une telle renommée que les pyramides de Maggie étaient apparues à Los Angeles et à New-York.

Nous pouvons en déduire que Maggie est en fait plusieurs personne. Mais il n’y a jamais personne qui semble rentrer ni sortir des Pyramides, en dehors des clients. Même les voisins de Maggie se souviennent de s’être réveillé un jour pour voir une maison avec un toit pyramidal dans leur rue.

Personne n’est jamais mort ni sombré dans la démence à cause des produits de Maggie. Au contraire, certains jurent que ses substances les ont miraculeusement guéri de leur dépression, des douleurs chroniques et autres maladies liées aux nerfs ou à la santé mentale.

Les Pyramides existent dans toutes les grandes villes actuelles, je ne peux pas confirmer cette information, je n’ai jamais réussis à en trouver une seule.

Maintenant, je vous laisse avec cette légende. Faites-en ce que vous voulez.

Jaskiers

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Hier, ce fut loin. (Nouvelle)

Mon casque me tombait sur le nez, c’était chiant, avec le mouvement et la sueur, ça m’irritait le pif. J’ai l’air d’un con avec le nez tout rouge, déjà que j’ai l’air con sans rien.

Mais c’était la nouvelle drogue, la nouvelle hype ! On aimait ça, putain !

J’me rappelle plus où était le bouton pour l’allumer, devant sûrement, parce que quand t’es partie loin dans ta tête, vaut mieux que ça soit placé pas loin. Parce que c’est bien gentil de descendre mais faut remonter… malheureusement.

Souvent, je le faisais seul, c’est un truc d’addict, enfin, à ce qu’il parait. Mais j’imagine une planque de camé du casque, des types se grimpant dessus, grattant les murs, lavant les vitres avec la langue, d’autre essayant de creuser un tunnel jusqu’à Katmandou en creusant avec leurs épaules… et tout ça avec la gueule recouvert d’un casque. Mince, les autres camés ils sont calmes quand ils se sont piqués, nous, on été juste agités, heureux hein !, mais agités… intenables. Putain, combien de casqués se sont défenestrés ? Combien se sont foutus en travers des rails de trains ou de métros ? Combien se sont jetés sous les roues d’une voiture ? Combien se sont noyés ? Attends, d’autres se sont enterrés vivants !

Je peux pas t’expliquer ce qu’était vraiment le casque. En fait, si je peux, mais je ne veux pas. Car je m’en suis sortie, mais j’y suis rentré à cause d’histoires et de sensations que je voulais, et dont j’avais besoin, de ressentir. Parce que pour dire la vérité, c’était incroyable. Chaque session c’était partir quelque part, du Japon à la ceinture d’astéroïde de Saturne, du sommet de la Tour Eiffel aux Piliers de la Création ! Tu peux pas comprendre. Impossible. T’as déjà entendu parler du LSD ? De l’ayahuasca ? Et bien imagine ça, mais puissance cent… non… rajoute quelques zéros, puissance mille l’ami(e).

Même des personnes bien rangées, on en connaît tous qui fument un peu de marijuana hein ? Voir même un peu de coke par-ci par-là… et bien ces types tombaient comme des mouches sous l’effet du casque. Riches, pauvres, blancs, noirs, pauvres, riches, sur-diplômés, cancres, pilotes de chasse ou caissiers, ça prenait tout le monde, pareil. Pas de prise de tête, enfin, si, c’était un casque quoi… et puis ça te l’amener quelque part, très loin, ta pauvre tête. Une fois posé, allumé, tout le monde était logé à la même enseigne. Tiens, c’était comme un rêve lucide mais t’es réveillé. Tu comprends ?

Au début, t’écris sur tes voyages, sur tes expériences, mais ça dure pas longtemps, car tu veux y retourner le plus vite possible. Tu tiens encore un boulot, mais tu manges plus, tu dors plus, tu veux juste être en toi-même, vivre cette vie impossible et incroyable. Plus de femme, de mari, d’enfant. Il n’y avait que ce casque, ce truc mixant technologie de pointe et drogue dure, qui comptait.

Ça te détruisait ta vie physique, mais mentalement, c’était l’extase ! Les hippies ils auraient pas rêvé mieux. Et les gens tombaient comme des dominos.

Des gens sont morts de faim, de déshydratation, crises cardiaques… d’autres sont restés dans un état catatonique jusqu’à leur mort. Je vais pas vous faire la liste, ça serait trop long.

Nous, on était défoncés, mais ceux autour, ça les tuaient de nous voir comme ça. L’addiction sa touche les proches autant que le malade. Mais tout ça a dû prendre fin, heureusement. Mais, ça sera peut-être une histoire pour autrefois.

Car la vérité, c’est que je t’écris ce texte vingt ans avant ta naissance, je suis sous mon casque. Je ne connais pas vraiment la fin, pas entièrement du moins. Mais j’essaie de trouver une issue, comme je peux.

Jaskiers

Jim et Pam, rue Beautrellis, 1971

Un homme, grand, avec des longs cheveux brun aux reflets châtains, comme sa longue barbe, arborant un léger embonpoint, fait le funambule au bord d’une fenêtre.

Tous ses voisins, sont habitués. Il n’est pas suicidaire, quoique… mais il ne va pas sauter. Il fait cela car il aime peut-être flirter avec la grande faucheuse et surtout, se faire remarquer jusqu’à à provoquer des réactions chez les passants. Mais à Paris, on ne regarde pas en l’air, on regarde devant soi ou ses chaussures. Aucun passant ne daigne regarder, ni s’inquiéter du funambule chevelu. Même dans le cas contraire, ils n’ont pas le temps d’être inquiets. Car à Paris, tout le monde est pressé.

Cette nuit, ses voisins ont entendu une énième dispute éclater entre lui et sa concubine, ou plutôt sa régulière, Pam. Une petite rousse très belle, très charmante à l’air fragile et mutine.

L’un des deux était saoul, voir carrément les deux. Ça gueulait en anglais. Les « fuck », « bitch », « asshole », « son of a bitch » et autres joyeusetés de la langue anglaise avaient raisonné dans tout l’immeuble.

Un voisin de palier regrette Zozo, la mannequin qui habite cet appartement et qui l’a prêté au couple d’américain. On dit qu’elle le leur a loué mais que ses locataires oublient souvent de payer.

L’homme serait un poète, à ce que la rumeur dit. Il doit être connu outre-Manche voir outre-Atlantique pour se permettre un train de vie si spécial. Qu’il paît son appartement ou non, les bitures qu’il se met avec ses ami(e)s sont régulières. On ne parle pas que d’alcool, ça sent parfois l’herbe dans le hall de l’immeuble. On voit parfois un jeune homme, dans la vingtaine, plutôt beau garçon, bien habillé, rentrer et sortir de l’immeuble. On dit qu’il est un comte, il a un nom en « de », un garçon d’une famille bourgeoise pour sûr. Certains voisins ont mené leur petite enquête. Ce jeune homme deal de la drogue dure, de l’héroïne venue de Chine, fournit par les truands marseillais.

Les voisins sont des voyeurs, tout le monde l’est un peu quand on vit si proche les uns des autres. Et certains ont remarqué que le jeune comte venait souvent quand le grand barbu n’était pas là.

Après tout, on sait que lui aussi la trompe. On l’a vue amener des filles, parfois plusieurs en même temps, dans l’appartement. C’est donc de bonne guerre que Pam se tape leur jeune dealer.

Le grand brun est descendu de son perchoir étroit et fume une cigarette, puis une autre. Une n’est presque pas finie qu’il en allume une autre. Il a le regard dans le vide, il semble perdu. On peut même voir une lueur de désespoir, quelque chose de spirituel, comme un appel à l’aide à un Dieu quelconque au fond de ses yeux bleus fatigués.

Pas de cris ce matin, la dispute s’est arrêtée au milieu de la nuit. On a entendu des bruits sourds, des coups, sûrement. Les deux se battent comme des chiffonniers et ne se cachent pas pour s’échanger quelques baffes dans le hall d’escalier quand ils rentrent tard, ensemble, souvent le soir, complètement défoncés.

Personne n’appelle jamais les flics, on se mêle de ses affaires. Et se grand type, qui ne semble faire de mal à personne excepté à lui même et à sa régulière, n’est pas quelqu’un qui cherche la bagarre avec les voisins. Mais mieux vaux ne pas attiser la colère d’un alcoolique.

En parlant de colère, l’homme reparaît à sa fenêtre et crie :

« Have you ever broken throught ? Through the other side ? »

Le silence parisien lui répond. Une réponse qui ne semble pas le satisfaire. Il rétorque donc :

« If the doors of perception were cleansed every thing would appear to man as it is, infinite ! »

Pas de réponse là encore. Quelque seconde plus tard, après s’être allumé une nouvelle cigarette, il se penche dangereusement sur la rambarde. Ceux qui l’aperçoivent prient intérieurement pour que la rambarde soit solidement fixé au mur mais restent muets.

« William Blake anyone ? »

Silence.

« Huxley ? Aldous ? »

Quelques coups de klaxon résonnent au loin pour toute réponse.

« Andale ! Andale ! Français ! »

Retour du silence.

« I did broke broke through the other side, not as easy as it appeared. And man, I wish I didn’t see the infinite. Fuck no. Please god, help me. »

Il jette sa cigarette à moitié consumée par la fenêtre. Habituel, là aussi. Heureusement, le hasard fait qu’il n’y a jamais personne qui passe sous sa fenêtre au même moment. Et, surtout, quand quelqu’un gueule de sa fenêtre, on change de trottoir.

« Do not pick up hitchhiker ! Their’s a killer on the road ! »

Et la litanie recommence.

« Father ? Father ? Père ? »

Silence.

« I want to kill you !… MOTHER ? Mama ? »

Silence.

« I want to… fu… fuck you ! »

Quelques pigeons roucoulent.

« The whisky-à-gogo, the original one, you know it’s just in the area ? Well, try to kick me out again ! »

Silence.

« Guess the French are okays with their oedipus complexes. Alright. »

Une voiture de police passe dans la rue, elle ralentit au niveau de Jim, on peut voir les deux policiers penchés sur le tableau de bord, le regard rivé sur Jim.

Jim leur fait un salut amical.

« Bonjour police ! Eat my ass yes ! »

Les deux gendarmes se regardent, échange de regard confus entre eux, puis redémarrent et s’en vont.

« Au revoir ! Au revoir ! Révolution ! Au revoir. »

Un cri derrière Jim, il est difficile de distinguer les mots, mais le ton, lui, est autoritaire.

Pamela tire son régulier, l’écarte dès la fenêtre et la ferme.

Silence.

C’est un spectacle étrange dont les voisins du poète sont témoins presque chaque jour depuis l’arrivée du couple tumultueux.

Certains, inconsciemment, ont parfois l’impression d’être comme happé par les discours de l’homme barbu à sa fenêtre. Comme le prêche d’un gourou. D’ailleurs, ils ressemblent à ce type américain qui avait une « famille ». Famille qu’il a poussé à tuer Sharon Tate, enceinte.

L’Amérique, on ne sait plus quoi en penser. La France non plus à vrai dire. Mai 68 est finie depuis 3 ans, mais est-ce que quelque chose a vraiment changé ? Les jeunes ont-ils forcé les vieux à les écouter ou a encore plus les haïr ?

Les temps ont changé. Beaucoup, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. D’ailleurs, des jeunes Américains, pauvres pour la plupart, dont beaucoup de Noirs, qui vivent dans des ghettos, partent tuer et se faire tuer à des milliers de kilomètres de chez eux dans une guerre qu’ils ne comprennent pas vraiment et qu’ils trouvent inutile et injuste ; le Vietnam. Comment ils chantaient déjà ces quatre types avec leurs cheveux longs ? Mais si, ces Américains… « Four dead in Ohio/ how many more ? »

Parce que oui, en Amérique, le Summer Of Love, les hippies, c’est presque du passé. Mais la National Guard tire sur des étudiants pacifique.

En fait, tout change… mais tout se répète.

Voici Agnès Varda qui s’apprête à rentrer dans le bâtiment de Jim et Pam. Tout est calme quand elle leur rend visite. Peut-être est-ce le bon moment pour quitter cette rue et continuer notre vie.

Jaskiers