Mémoires de pavés (Nouvelle)

Regroupés en masse dans cette rue historique, la plupart sont vêtus de noir, de capuches, de masques à gaz, de bandanas, de casques de protection en tout genre ; militaires, ouvriers, et même des casques de fortunes fait de casseroles. Certains portent des chaussures de sécurités, d’autre de robustes chaussures de randonnée montantes. Des genouillères, des coudières, des gants, pour les plus débrouillards, ou chanceux, des gilets pare-balles.

Aucune personne sans armes. On ne parle pas d’armes à feux, bien qu’il est très probable que certains cachent un calibre, mais d’armes blanches, couteaux, sabres et autres épées, battes de baseball, des poings américains, des barres à mine, et enfin, tout objet qui peut servir d’arme que l’on peut trouver dans une maison ou appartement.

Des parapluies étaient ouverts et déployés, brandit, bien que le ciel, légèrement nuageux, n’annonçait aucune averse. Certains brandissaient des couvercles de poubelles ou de vulgaires planches de bois mal taillées.

Evidement, il y avait les cocktails Molotov. Un vieux classique en période d’insurrection. Les bouteilles en verre d’où sortaient un bout de tissus se trouvaient dans les mains de presque chaque personne présente ce jour-là.

Pour la rue historique, qui avait connue tant de défilés militaires, de visite de dictateurs, de chefs d’États, de touristes perdus, ce défilé de milliers de civils armées n’était pas vraiment une nouveauté. Oh, oui, elle avait vu des guerres, des cadavres, pas mal de violence policière mais des citoyens armés ? Ce n’était pas la première fois même si c’était rare.

Elle n’avait, par contre, jamais vue autant de ressentiment et de colère battre ses pavés et trottoirs centenaires. Plus de respect pour les vieilles dames !

Dans les moments historiques, les pas lourds, remplis d’excitations ou de peurs, elle connaissait. Elle les aimait d’ailleurs. C’est un honneur d’être foulé par l’Histoire. Mais cette foule, c’était quelque chose d’autre. Une chose qu’elle n’était pas sûr de vouloir, ou pouvoir, supporter. C’était peut-être le signe de la fin, d’une fin. De quoi ? L’Histoire ne révèle pas ses secrets si vite, il faut parfois du temps pour comprendre vraiment ce qu’elle fait. Parfois, c’est seulement après quelques jours que tout change, que l’Histoire dévoile son jeu, qu’elle s’impose.

La rue devint encore plus inquiète quand en face des protestataires, des policiers, armées, casqués, équipés comme des soldats de science-fiction près a affronté une horde d’extraterrestres, sont apparus.

Des bottes, des pas, des centaines de milliers de pas qui vibraient se mêlaient à des cris sauvages, des insultes.

La rue aurait voulu s’effondrer pour éviter de voir la suite. Elle n’eut pas à ressasser cette pensée longtemps.

Déjà, le clan des policiers avaient lancé ses gaz lacrymogènes.

La rue fut surprise, des amies à elle lui avaient dit qu’ils y avaient des sommations avant ce genre d’action déclenchée par la police.

Elle devait se rendre à l’évidence que ce n’était pas juste une manifestation lambda.

Déjà, le clan des citoyens (enfin ‘clan’, c’est ce que déduisit la rue en ayant observé cette masse de personnes en colère) renvoyait à l’envoyeur ces sortes de cannettes de sodas fumantes.

Ce qu’elle a vu et vécu ce jour la fut son dernier jour.

Plus jamais elle n’eut à vivre à ce genre de situation. Depuis ce jour, elle a disparu et s’est promis de ne plus jamais accueillir d’être-humains sur son sol.

Jaskiers

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Johnny sur la route – Chapitre 4

« – Garfunkel… on dirait le nom d’un meuble IKEA non ?

  • Ne me vole pas mes blagues !
  • Tu fais quoi dans la vie Robyn ? Tu chantes vraiment ?
  • Si je te dis oui, tu me croiras ?
  • Oui. Enfin, mens si tu en as envie, mais je pense qu’entre nous, la franchise s’est imposée d’elle-même.
  • Oui, je chante.
  • Bien… genre dans les bars ? Comme Bob Dylan à ses débuts ? Tu vadrouilles dans Greenwich Village avec ta guitare et tout ça ?
  • Cette image te plaît ?
  • C’est… cliché mais tu dois admettre que c’est romantique.
  • Hey bien va pour ça. Oui, je vadrouille dans Greenwich Village, je joue dans les bars et c’est pour cette raison que je me dirige actuellement vers la Californie dans mon tacot avec un… Français bien curieux et remplis d’imagination.
  • Cette histoire que je ne te connaisse pas t’embête hein ? Ton égo a pris un coup ? Pas l’habitude je paris ? J’veux dire, je connais rien de ta carrière de musicienne, tu est… belle… Ça doit pas être souvent que ton égo en prend un coup… tu devrais lire Freud tiens. Ça te changera de l’instagramable Nietzsche.
  • Quelle condescendance !
  • Je suis Français je te rappelle.
  • Vous êtes vraiment casse-couilles.
  • Comme je te l’ai dit, ça dépend d’avec qui on discute.
  • J’avoue être une casse couille.
  • Bien. Tu veux t’arrêter au bord de la route, t’allonger sur la banquette arrière et me parler de tes problèmes avec ton père ? »

Le véhicule s’arrêta abruptement, le corps de Johnny est ramené sèchement sur le siège à cause de la ceinture.

« – Doux Jesus ! C’est quoi ton problème. Putain, mon cœur va pas faire long feu avec toi !

  • Tu veux continuer à pied ? Reprendre ton stop ?
  • C’est pour ça que tu t’es arrêtée ?
  • Non, j’ai juste envie de pisser. Pas toi ?
  • Non… attend pisser , au milieu de la route ? Au bord ? Merde, tu vas être à la vue de tout le monde !
  • Et qu’est-ce que ça peut me foutre ? Si j’ai envie de pisser, c’est pas d’ma faute ! Et surtout, venant d’un mec qui peut, et ne se gêne sûrement pas, sortir sa saucisse pour pisser sur le trottoir après une soirée de beuverie, j’en ai un peu rien à foutre.
  • J’disais ça pour toi… je connais pas beaucoup de femmes qui pisseraient en pleins milieu d’une route.
  • Et bien maintenant, tu en connais une ! Prépare-moi une clope quand je reviens. Et évite de regarder, j’arrive pas à pisser quand on me regarde.
  • Ok, moi pareil.
  • Et tu sais que les SupraVoit’ ne me verront pas à la vitesse où ils vont.
  • Je suis d’accord avec toi. Mais y’a une sorte de loi dans ce monde où dès que tu penses être à l’abri de quelque chose, bam !, cette chose se présente à ta porte.
  • Un peu comme la loi de Murphy ? Hey bien qu’ils se rincent l’œil.
  • C’est le cas de le dire.
  • Vous avez le fétichisme bizarre vous les hommes.
  • J’ai… maintenant que tu me le dis, je n’ai jamais vraiment entendu de truc tordu, de fétichisme venant d’une femme. Non pas que je connaisse toutes les femmes de la Terre, je sais que je suis un Frenchy mais quand même.
  • C’est parce que tu n’en as connu que des gentilles demoiselles, Johnny Boy. Bon, assez déblatéré, j’y vais. J’espère que t’es pas un de ces adeptes de douches dorées.
  • Moi ? La pisse c’est pas mon truc.
  • J’adore la manière dont j’apprends à te connaître.
  • De même. »

Robyn claque la portière, s’installe à côté de la SupraRoute, et s’accroupît.

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 21

La route était encore déserte. Il ne croisait que quelque voiture, de temps en temps. Dante avait le pied lourd sur l’accélérateur, quitte à se faire arrêter encore une fois, il paierait son amende sur le champ et repartirait de plus belle.

Buffalo. Ce nom en jette sec !

Il était curieux de voir à quoi pouvait ressembler cette ville. Curieux, mais aussi apeuré et fatigué. Qu’allait lui réserver Buffalo ?

Un petit brin d’espérance était présent en lui. Buffalo, c’était peut-être une ville assez peuplée, et statistiquement, il pourrait tomber sur de bonnes personnes. Il devait cependant revoir sa définition de « bonne » personnes. En était-il une lui même ?

Aider cette femme, il ne l’avait fait que parce qu’il détestait l’injustice. Et parce que c’était la seule personne, jusqu’ici, avec qui il avait eu une discutions normale.

La fatigue était encore là, il arrêta sa réflexion philosophique pour débattre avec son corps sur la marche à suivre.

Fallait-il risquer prendre une chambre d’hôtel, de haut standing, tant qu’à faire, ou faire le plein de caféine et repartir à l’assaut de la route comme un Hunter S. Thompson sous acide ?

Les panneaux indiqués que Buffalo se rapprochait, il avait roulé comme un hors-la-loi, à fond. Il avait même réessayé de mettre Springsteen, mais sa voix geularde lui donnait envie de s’arrêter devant le premier bouseux pour lui lâcher toute sa rage.

Mais la rage, c’était l’apanage de ces gens, il ne voulait pas devenir comme eux. Cette seule pensée qu’il aurait pu faire ça le fit frémir, la mentalité arriérée de ces enfoirés commençait doucement à déteindre sur lui. On est le fruit de l’endroit où l’on a grandi.

On est comme marqué au fer rouge par l’environnement qui nous a vu grandir, après, il ne tient qu’à notre bon vouloir de s’ouvrir aux autres, à d’autres croyances, sans pour autant les accepter ou les comprendre totalement, mais pour, au moins, rester conscient que le monde ne s’arrêtait pas aux frontières de nos états, de nos villes, de nos banlieues, de nos rues.

L’écrivain aima cette réflexion qui venait juste de germer en lui. Ne voulant pas s’arrêter pour l’écrire dans son carnet de note, il espérait garder cette pensée en mémoire pour l’étaler dans son prochain roman.

Il vit le panneau de Buffalo, comme il s’en doutait, les habitants avaient affichés l’animal comme le symbole de leur ville. Une ville plate, sans building, sans fioriture, sans âme, ou plutôt si, l’âme banale des petites villes du Middle West américain, comme Alva, poussiéreuse et rustre qui semblait ne s’être jamais vraiment relevées du désastre du DustBowl.

Les gens étaient peut-être aigris pour cette raison, le sable s’était engouffré dans leurs âmes et leurs chaires. Des décennies de pauvreté, de souffrance, de travail pour presque rien. L’argent semblait s’être envolé avec les tempêtes de sables pour se retrouver dans les poches de millionnaires et milliardaires de la côte Ouest et Est.

Pas étonnant, me ramener ici avec une berline allemande neuve et un sourire Colgate n’allait pas m’attirer des sympathies.

À New-York si, mais ici, le temps et l’environnement était différent, l’histoire et son lot de souffrance aussi. Mais ça n’excusait pas tout. Loin de là.

Il fallait rester ouvert d’esprit et compréhensif avec l’Oklahoma. Et dès que ça commençait à tourner au vinaigre, se taire et partir.

Toujours est-il que Buffalo ne semblait pas avoir d’hôtel, et s’il en trouvait un, ce ne serait pas un Hilton. Il allait devoir côtoyer les citoyens de Buffalo et il n’en avait pas franchement envie.

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 20

Quand il entra, la jeune femme, elle devait avoir tout juste la trentaine, pleurait et sursauta quand elle le vit s’approcher d’elle.

« Vous allez bien ? » Question stupide se dit Rand en lui-même.

« – Pourquoi vous êtes revenus ? Vous allez vous attirer des ennuis. »

– Je ne suis plus à un soucis près vous savez.

– Vous devriez partir. S’ils repassent vous allez avoir droit à une visite au poste.

– Je ne fais rien d’illégal ! J’ai oublié de vous acheter des chaussettes !

– Ah…

– C’est du harcèlement ce qu’ils vous font subit !

– Ils… font leur boulot.

– C’est pas plutôt à un agent de probation, ou quelque chose dans le genre, de vous surveiller ? Enfin… vous aider plutôt.

– Si.

– Vous en avez un ?

– Oui, et eux en plus.

– Sacrés cerbères que vous avez…

– Oui…

– Vous… vous avez un avocat ?

– Oui…

– Commis d’office ?

– Oui…

– Et vous êtes encore en contact avec lui.

– Oh non, pas vraiment.

– Vous lui avez parlé de ce que vous subissez ?

– Non, et puis au final, je le mérite.

– Comment ça ?

– Ils ont sûrement dû vous le dire…

– Défoncer la boîte crânienne de votre mari ? Oui ils me l’ont dit…

– J’ai honte.

– Je suis sûr que vous n’avez pas prise la tête de votre mari pour une balle de baseball sans raison. C’était un de ces enfoirés hein ? »

Elle marqua une longue pose, mais ses sanglots repartirent de plus belle. Dante ne savait pas quoi faire et surtout, ne savait pas pourquoi, au final, il était revenu. Peut-être que la misogynie belliqueuses des deux cow-boys lui avait donnée l’envie de prouver à cette femme que tous les hommes n’étaient pas des porcs.

« – C’était compliqué Monsieur Rand.

– Je n’en doute pas une seconde.

– J’ai eu ce que je méritais.

– Est-ce que je peux vous demandez pourquoi vous avez fait ça ? Légitime défense ?

– Oui… d’une certaine manière.

– Laissez-moi vous faire un chèque, je peux contacter un bon avocat pour vous défendre.

– Non non ! Laissez-moi je vous en prie ! Je suis habituée !

– Mais vous n’allez pas continuer à vivre avec les flics aux trousses encore toute votre vie. Ils attendent le moindre faux pas de votre part !

– Je paie ma dette envers la société.

– Connerie oui ! Ils vous font culpabiliser ! Vous avez fait une erreur, ou peut-être pas, si c’était de la légitime défense. Et même, ce n’est pas le boulot des flics de harceler les gens, même ceux en probation.

– Je sais…

– Vous en avez parlée à votre agent de probation n’est-ce pas ?

– Il me dira quoi ? Que je me rebelle ? Et il trouvera un moyen de me remettre derrière les barreaux, car je suis une déséquilibrée, instable ?

– J’ai été témoin de leurs abus de pouvoir !

– Je suis juste fatiguée.

– Je suppose que vous ne pouvez pas sortir de la ville…

– Vous supposez bien.

– Fais chier ! »

Dante sortit son téléphone, son bloc-note et son stylo. Nota son numéro de téléphone et le numéro du cabinet d’avocat qui s’occupe de ses affaires légales à Manhattan, New-York.

« – Tenez, mon numéro et celui de l’étude d’avocat qui s’occupe de mes affaires. Je les appellerai quand je sortirai et je leur parlerai de votre cas. Aussi acceptez ça. »

Il sortit son chéquier, fit un chèque de 5 000 dollars et lui tendit.

Elle faillit s’évanouir à la vue du chiffre sur le chèque.

« – Je ne peux vraiment pas accepter… ils ont les yeux sur mon compte en banque.

– Il y a mon nom sur ce chèque, j’ai le droit de faire un chèque à qui je veux ! Encaissez-le. Gardez-en pour l’avocat. Je vous aiderai financièrement et je vous obtiendrai un bon avocat pour être à vos côtés, je ne peux pas faire grand-chose d’autre.

– Vous plaisantez ? C’est déjà beaucoup. Beaucoup trop. »

Il lui posa une main sur l’épaule puis la regarda droit dans les yeux.

« – Ayez confiance en moi. Les poulets vous lâcheront la grappe quand ils seront qu’un avocat de Manhattan vous défend maintenant. Et sûrement que cet avocat arrivera à vous tirer de cette sale affaire.

– Je ne sais pas comment vous remercier…

– En ne baissant pas les bras. Promis ? »

Elle fit oui de la tête. Rand se dirigea vers la sortie, fit un sourire à sa fan avant de se rendre compte qu’il ne lui avait jamais demandé son prénom.

« -Une dernière chose, comment vous appelez-vous ?

– Harley. Merci encore.

– Courage Harley. Et pour les chaussettes, je ferai sans ! »

Il regarda aux alentours, ne vit aucune voiture de flics. Il se dépêcha de rentrer dans sa voiture, démarra. Il mit son potable en connection Bluetooth avec sa voiture et contacta l’étude d’avocat de Manhattan.

« – Cabinet LeMaher, Sabine a l’appareil.

– Bonjour Sabine, c’est Dante Rand.

– Bonjour Dante ! Comment allez-vous ?

– Bien. Dites, puis-je parler à David s’il vous plaît.

– Un instant, je vérifie s’il est disponible. »

La musique d’attente se déclencha. Peu de temps car une voix rauque retentit.

« – Allô monsieur Rand !

– Bonjour monsieur LeMaher !

– Appelez-moi David ! Comment ça vas en Oklahoma ?

– Bien, dite, je suis tombé sur une jeune femme harcelée par des bouseux de flics. Je lui ai donné votre numéro et de l’argent pour vos honoraires. J’espérai que vous pourriez l’aider…

– Quel samaritain ! Vous êtes amoureux ?

– Non David, je ne plaisante pas, elle a besoin d’aide. Elle est sous probation, mais les flics surveillent le moindre de ses faits et gestes.

– C’est à un agent de probation de s’occuper de ça ! Et encore !

– Elle a un agent qui ne semble pas s’occuper d’elle, et pire, qui cherche à la faire retourner derrière les barreaux.

– Elle a fait de la prison pour quoi ?

– Elle s’est défendu à coup de batte de baseball contre son mari, qui n’avait pas l’air d’être un saint si vous voyez ce que je veux dire…

– Elle l’a tué ?

– Non, mais il est handicapé à vie. Écoutez j’en sais pas plus.

– Rand, moi j’m’occupe des affaires, du business, je fais pas dans la personne… dans les mœurs. C’est très bancale votre demande.

– Vous avez sûrement un collègue qui pourrait s’en occuper.

– Oui sûrement…

– Et je suis sûr que vous pouvez gérer cela. Vous avez le feu en vous, je suis sûr que vous avez envie de casser du flic et de secouer le système judiciaire de ces bouseux.

– Dit comme cela, c’est sûr que ça m’intéresse !

– Je paierai les honoraires, ok ?

– On verra pour l’argent plus tard. Vous avez son numéro ?

– Elle vous appellera. Ou si jamais elle n’ose pas, peut-être m’appellera-t-elle. Si vous n’avez pas de nouvelles d’ici deux jours, appelez-moi.

– C’est quoi son nom à votre dame ?

– Harley.

– Ok, c’est noté.

– Merci bien David !

– Hey ! Moi je suis toujours partant pour casser du bouseux.

– Je peux te dire que niveau racisme, misogynie et tout ce qui va avec, tu vas être servis. J’ai même rencontré un dealer d’arme qui croyait que j’étais du FBI !

– À la bonne heure ! Tu as besoin de moi pour quelque chose d’autre pendant qu’on y est ?

– Non, merci. Je compte sur toi.

– Pas de soucis. »

Il était déjà sorti de Alva, il ne s’en était même pas rendu compte.

À cinq miles, il réalisa qu’il avait complètement oublié d’acheter ses outils de dépannage. En aucun cas il ne retournerait à Alva. Autant ne pas tenter le diable. Il n’avait qu’à prier que tout se passe bien à Buffalo.

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 17

« – Re-bonjour monsieur ! Tout va bien ?

– Bonjour. En fait, je me suis déversé un peu d’essence sur les chaussures et le pantalon, et je me demandai si vous vendiez une paire des vêtements.

– Oui, bien sûr…Dites, je peux vous poser une question ?

– Oui…

– Vous êtes l’écrivain là ? Elle pointa du doigt un magazine littéraire, ou son visage était placardé dans un petit encart avec comme titre : « Découvrez le nouveau maître de l’épouvante ! »

– Oui, c’est bien moi.

– Ah ! C’est sympa de savoir qu’un écrivain est dans les parages !

– Pas pour longtemps, je repars immédiatement.

– Pour aller où ?

– Je… je vais rendre visite à un vieux professeur, pour le remercier de m’avoir encouragé à continuer à écrire.

– Oh c’est beau ça, même dans le succès, vous n’oubliez pas d’où vous venez. Vous êtes natif de l’Oklahoma ?

– Non, du tout. Je suis juste resté en contact avec lui. Après tout ce succès, il faut essayer de rester terre-à-terre, et rien de tel qu’un petit retour aux sources.

– Comme Anval.

– Pardon ?

– Anval Thorgenson ? Votre meurtrier sociopathe !

– Ah ! Oui pardon. C’est toujours bizarre quand les gens me parlent de mes personnages comme des vrais gens.

– J’aurai tellement de questions à vous poser ! Mais vous n’êtes pas là pour ça. À vue d’œil, je pense que vous faite du 42 en pointure de chaussure ?

– Vous avez bon œil !

– L’expérience.

– La meilleure des qualités !

– Comme Omar.

– Par… Ah, Omar le flic au bout du rouleau, oui.

– J’adore ce personnage. À quelques jours de la retraite et il doit se coltiner un tueur en série !

– Oui, j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce personnage complexe.

– De qui vous êtes vous inspiré ?

– De mon grand-père, principalement.

– Toujours une source solide nos grands-parents.

– C’est vrai !

– Il s’est reconnu ?

– Il n’est plus de ce monde.

– Mes condoléances, je suis désolé.

– C’est pas grave, vous ne pouviez pas savoir.

– Et pour Anval, de qui vous êtes vous inspiré ?

– Simple, imaginez un supporter de Trump, ajouter à cela l’amour des armes à feu, du sexisme, pas mal de xénophobie, mélanger le tout avec l’idéologie suprémaciste blanche et la mythologie nordique, et voilà !

– Fascinant ! Vous avez eu beaucoup de mauvaises critiques de la part de groupuscules d’extrême droite. Vous avez pas peur ?

– Non j’ai reçu des menaces de morts, mais on m’avait dit qu’il fallait s’y attendre. Et emmerder des racistes, c’est un plaisir. Être mal vu par l’extrême-droite, c’est un compliment.

– Les menaces ! La rançon du succès !

– Il faut croire.

– Un nouveau livre en route ?

– En route… oui, on pourrait dire ça.

– Ah ! Un petit avant-goût ?

– Il commence juste, je laisse mes personnages et leurs actions me guider ,donc je n’en sais quasiment pas plus que vous.

– La méthode Stephen King !

– Exactement !

– On sent l’influence de son univers sur le vôtre.

– Ça, je l’assume.

– Et ça marche !

– Merci beaucoup ! »

Elle sortit un exemplaire poche de « Personne n’est en danger ».

« -Est-ce que vous pourriez me signer mon exemplaire.

– Oui bien sûr ! Je vous mets un petit mot ?

– Avec plaisir ! »

Il signa son livre, y apposa un petit mot gentil, puis lui tendit le livre. Pour une fois depuis son entrée dans l’Olkahoma, il pouvait avoir une discussion normale avec un autre humain, en plus, sur un sujet qui le passionnait. Il avait presque envie de rester, mais la crainte que la situation ne se retourne contre lui, d’une manière ou d’une autre, le rappela à l’ordre.

« -Désolé, est-ce que vous avez un jean ?

– Oh oui, désolé, je vous l’apporte.

– N’oubliais pas la paire de chaussures s’il vous plaît. »

Elle revint avec un jean bleu foncé, plutôt élégant étant donné qu’il venait d’un magasin de station essence, et des chaussures couleurs rouge sang. Dante réprima une moue de dégoût à la vue des ces dernières.

« – Il vous plaît le jean ? Je crois que c’est la bonne taille. Pour les chaussures, je sais, elles ont l’air un peu funkie, mais c’est les seules potables que j’ai. Pour le jean, j’ai pris une taille L, retroussez-le, si jamais il est trop grand.

– D’accord, parfait, merci beaucoup.

– Vous voulez vous changer ici ?

– Si possible.

– Les toilettes sont à droite à la sortie, dans la petite bâtisse grise avec une porte verte.

– Je vous remercie ! Combien je vous dois ?

– Oh rien ! Offert par la maison !

– Non, je ne peux pas accepter.

– Mais j’insiste ! C’est bien la première fois que je vois un écrivain ici, autant prendre soin de lui !

– C’est très gentil mais ça me gêne. »

Rand sortit 100 dollars qu’il posa sur le comptoir.

« – Vraiment Monsieur Rand, pas besoin de ça, c’est un cadeau !

– Considérez cela comme un pourboire ! »

L’auteur sortit en vitesse et courut en direction des toilettes. Angoissant à l’avance de ce qui se pourrait se passer dans cet endroit, toujours étrange et glauque, que peuvent être les toilettes d’une station-service en bord de route.

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 14

Le gratte-papier s’alluma une cigarette, tendit son paquet à Springsteen qui se servit.

« – Je venais de m’acheter des clopes quand il est venu m’en réclamer.
– Sacré crevard !
– Il savait qui j’étais.
– Ouai, j’lui ai envoyé un message avec mon téléphone portab’.
– Pourquoi ?
– Bah, c’pas souvent qu’on croise des Yankees comme toi.
– Et il m’a accosté pour quelle raison ?
– Euh… la terre est p’tite hein, coinci’ machin comme tu dis !
– C’est quand même étrange non ?
– Ça oui !
– Juste un message que tu lui a envoyé… il y avait quoi dans ce message ?
– Détends-toi merde ! Juste un message comme quoi une pédale de Yankee était dans les parages et qu’il se pavanait avec sa berline allemande.
– Ah…
– Bon bah, merci pour la clope…
– Non ça s’est rien, merci à toi vraiment. Le hasard fait bien les choses parfois.
– Ouai… coinci’ machin truc comme tu dis.
– Coincidence. Bon, j’ai dû te retarder, tu as sûrement de la route à faire !
– Nan…
– Non ? Tu faisais juste une balade en camion et Boum, tu tombes sur moi !
– Ecoute c’est un truc pas vraiment déclaré ce que j’livre tu vois… un truc qui est pas légal légal. »

Peter fit mine de tirer avec un fusil.

« – Des flingues ?
– Ouai mais tu gardes ça pour toi.
– Qu’est-ce… merde !
– Ouai ! La vérité c’est que j’pensais qu’t’étais un d’ces fédéraux.
– Quoi ?
– Ecoute, un type bien habillé, tout beau avec une belle berline. Quand j’ai vu ça j’ai pensé ça y’est. Quand j’t’ai questionné, tu m’as sorti une histoire que t’écrivait des livres et tout.
– Donc tu as prévenu ton petit copain Franky pour qu’il garde un œil sur moi ?
– Ouai. Et j’ai appelé le flic là.
– Attends, le flic qui m’a arrêté ?!
– Ouai, il est dans la magouille le poulet là.
– Mais il m’a reconnu ! Il a lu mon bouquin !
– Ah !
– Tu lui as pas demandé d’information quand il t’a dit qu’il m’avait chopé ?
– Bah il m’a dit que t’étais reglo mais j’le croyais pas. Les fédéraux ils peuvent te tenir un type comme ça, par les couilles !
– Merde, tu m’as suivis donc ?
– Un peu ! Mais quand j’ai vu que tu prenait la bonne direction, j’ai dis ouai, il est reglo. J’allai t’laisser tranquille tu vois. Je t’ai laissé à la dernière p’tite ville là, et c’matin j’vais pour reprendre la route et j’te retrouve là avec un pneu en moins !
– Lâche-moi maintenant d’accord ? Et regarde sur Internet mon putain de nom ! Regarde les photos merde !
– Bah internet… moi j’connais pas trop.
– Et bien fais-le quand même ! »

Rand ouvrit la portière de sa voiture.

« – Attends désolé l’ami ! T’veux pas savoir c’que je transporte vraiment et surtout à qui ? Pour ton bouquin, ça serait une bonne idée !
– J’en ai rien à foutre. Et tu devrais garder ça pour toi. Pas très réglo de déballer que tu deal des flingues à un quasi-inconnu. Je sais pas qui t’a engagé, mais il doit être aussi con que toi. »

Il claqua la porte, démarra encore une fois en trombe. Dans le rétro, le bouseux retournait dans son camion en courant. Si à la prochaine intersection, il avait le moindre doute que Peter le suivait, il s’arrêterait au premier commissariat. Avec un peu de chance, les flics ne seraient pas corrompus jusqu’à la moelle.

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 13

Springsteen sortait de sa cabine, le sourire édenté étiré jusqu’aux oreilles. Il brandissait une clé pour démonter un pneu d’une main et un cric de l’autre, les outils qui avaient manqué à Thomas.

Le camionneur se rapprochait, et avec l’outil en croix, il ressemblait à un mauvais prophète. Il criait quelque chose que les tympans de Rand refusaient d’étendre.

Dante agrippa son volant, serra sa mâchoire et poussa un cri rauque pour se donner du courage. Ou parce qu’il déraillait. Et parce qu’il allait falloir jouer délicatement avec ce monstre. Ravaler sa fierté et le laisser pavoiser, le caresser dans le sens du poil. Ne pas poser trop de questions.

« – Bah ça alors ! Le yankee mal polis !

– Salut mec.

– Putain, hey, sacrément amoché l’pneu.

– Ouai.

– Une chance que je passais par là !

– Une chance oui !

– T’sais changer une roue, Yankee ?

– Oui j’pense.

– Tu penses ?

– Mais je pense que tu as l’air bien plus doué toi.

– Ah ça, bien dit.

– Je te lâcherai un billet.

– Nan, pas d’ça chez nous Yankee ! À New-York peut-être que les gens sont pingres mais pas nous !

– Ça pour être pingres, les new-yorkais si connaissent…»

Dante sortit de sa voiture et à son grand bonheur Springsteen cala le cric sous la voilure, tourna la manivelle et le côté gauche de sa voiture se souleva.

« – Putain, vraiment pas de veine de crever ici non de Dieu ! J’t’avais dis, y’a personne par ici.


– Dis-moi Peter, est-ce que tu me suivais ?

– Te suivre ? Mais pour quoi foutre ! Tu crois que j’suis amoureux de toi ! J’suis pas un n’homo’ comme vous, les new-yorkais !

– Faut avouer que cette coïncidence est un petit peu suspecte.

– Coinci’ quoi ?

– Un hasard si tu veux.

– Ah ouai, j’oubliais qu’t’etais un feignant de gratte-papier d’mes deux.

– Tu me suivais oui ou merde ? »

Peter arrêta d’actionner le cric. Il se releva, fixant Rand avec un sourire narquois et un regard noir légèrement inquiétant.

« – Tu crois vraiment que je te suivrais en camion ? J’suis con mais pas au niveau de suivre un type discrètement avec mon énorme outils de travail.

– Ok, ça se tient.

– Ouai qu’ça se tient ! Bon je vais déboulonner ton pneu là, tu dois avoir un embout qui se met sur la croix pour déboulonner le boulon antivol. »

L’écrivain feignit de comprendre, il avait entendu le vendeur de la voiture lui parler vaguement d’un truc antivol. Il ouvrit le coffre, trouva un sachet plastique qui contenait un embout métallique.

« – C’est ça ?


– Ouai ça l’air d’et’ ça. »

Le routier prit l’embout et d’une main experte le posa sur le boulon antivol du pneu dégonflé. Il plaqua la croix dessus et força. Ses muscles des bras et du cou se tendirent, il tourna l’outil et le boulon céda.

« – Bingo !

– Banco !

– Hein, tu m’traites de « blanco » ?

– Non, BANCO, B.A.N.C.O.. Ça veut dire pareil que bingo s’tu veux.

– Ah ! J’croyais que tu m’avais dit un truc de racisme.

– Nan j’suis pas raciste.

– Pareil ! J’ai rien contre les noirs hein, mais…

– Non on va éviter de parler de ce sujet, d’accord ? Laisse-moi plutôt admirer ta technique pour changer un pneu. Peut-être que je te mettrai dans un de mes romans un de ces jours.

– Vraiment ?

– Oui, les écrivains puisent sur leurs vécus, leurs expériences et leurs souvenirs pour écrire.

– Compliqué vot’ truc, mais vas-y, tu m’appelleras l’homme qu’change un pneu plus vite que son ombre.

– Pourquoi pas ! Un peu longuet mais pourquoi pas. »

Le flatter, c’est comme ça qu’on traite avec ses types, les plaindre, ils sont contents et vous mangent dans la main !

Springsteen déboulonna les trois autres boulons avec confidence, enleva la roue qui s’avéra récalcitrante à sortir de son emplacement, alla de lui-même chercher la roue de secours dans le coffre et fit la manœuvre inverse pour la fixer.

Il n’y avait pas à dire, il savait ce qu’il faisait, il le faisait bien et rapidement. Comme au lit, pensa Rand en lui-même, excepté le ‘bien’.

« -Bah V’la, c’est finito comme disent les mexicains ! »

Je ne parle pas espagnol mais je n’ai jamais entendu de mexicain dire ‘finito’.

« – Impressionnant vraiment. Sacré technique !

– Ça c’est pas les mexicains qui feraient un si rapide boulot et gratis ! Même avec l’mur de Donald ils viennent…

– Juste une question, pourquoi t’a parlé de moi à ton pote, le type avec la barbe hirsute, celui dont la femme est morte à New-York ?

– Franky ? Franky tu l’connais ? L’est pas discret ! J’lui avait dit de la fermer ! Il va m’entendre ! Tu sais, il m’a dit qu’il avait tué sa femme pour l’assurance vie ! »

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 12

Enclenchant ses warning, il se gara sur le côté et s’affaissa sur son volant. Il n’avait même plus la force de crier, car la fatigue venait reprendre son dû. Fatigue qui se dissipa encore une fois par la colère, contre lui cette fois-ci, car c’était une nouvelle voiture, il avait bien sûr un pneu de rechange, mais aucun outil pour le changer.

Il prit son téléphone, aucun réseau n’était disponible.

Accablé, il ne bougea plus de sa position, les bras sur le volant et la tête posée sur eux. Une fois l’adrénaline dissipée, il sombra dans le sommeil.

Combien de temps avait-il dormi ?

Le soleil dardait ses premiers rayons. Mais ce n’était pas le soleil qui avait réveillé Dante Rand, le nouveau prodige de la littérature d’épouvante, mais le bruit d’un moteur puissant qui faisait vibrer tout son habitacle.

Un camion s’était garé derrière lui. Enfin, un bon samaritain. Un bon samaritain qui répondait au doux nom de Peter Springsteen.

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 11

Le soleil avait fini son travail habituel, Rand se sentait capable de rouler toute la nuit. Aucune fatigue, ou presque.

Direction Cherokee, puis Alva. Là une petite pause café et cigarette pour reprendre des forces. Et puis on continue jusqu’à Buffalo après, je ne serais qu’à une centaine de miles de Forgan. Enfin.

Il ne prit pas l’autoroute, parce qu’il n’y en avait plus. Dante roulait maintenant sur des routes poussiéreuses mais larges. Il suivait le panneau indiquant Alva. Bruce Springsteen avait terminé de chanter depuis quelque temps maintenant. Et l’écrivain avait cette crainte qu’à chaque fois qu’il réécouterait le vieux rocker, le souvenir du premier pèquenaud, Peter, qui partage le même nom de famille avec le rockeur, lui vienne à l’esprit.

Foutu connard de connard !

Profitant d’être seul, il criait les plus crues et les plus longues insultes qu’il put inventer. Il avait besoin de crier, il ressentait cette tension au milieu de son estomac et il lui semblait que crier était le seul remède pour l’évacuer.

Roulant jusqu’ici à la vitesse autorisée, il se permit d’appuyer sur l’accélérateur. Il était seul sur la route, et peut-être que la vitesse, aussi, lui permettait d’évacuer toute cette frustration engrangée jusqu’ici.

Il mordue plusieurs fois la ligne médiane, surtout dans les virages. Il se le permettait car dans la nuit, on pouvait voir les phares d’une voiture avant de voir la voiture.

L’euphorie de liberté reprit un seconde souffle.

Roulez jeunesse, ou ce qu’il me reste de jeunesse.

Le problème avec la jeunesse c’est que parfois, par manque d’expérience, on s’attire les soucis.

Après un virage serré, un bruit sourd résonna dans l’habitacle, un bruit électronique se mit à se répandre et à tambouriner dans ses tympans, il sentit une résistance dans le volant.

Il avait crevé. Et bien sûr, avec sa chance légendaire, depuis qu’il était entré dans l’état de l’Oklahoma, il se trouvait au milieu de nulle part, sur une route déserte sans aucune lumière. Pas même celles des étoiles qui restaient cachées derrière d’épais nuages, ces derniers produisant et déversant une pluie froide et fine. Le réseau cellulaire ? N’en parlons même pas.

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 10

Tout le long de la route pour Enid, il n’avait été dérangé par personne. C’était presque bizarre. Tout comme il pouvait deviner au premier regard la personnalité d’une personne par son look, il sentait quand quelque chose allé mal tourner. Pessimisme névrotique ou déformation professionnelle ? Après tout, il était écrivain d’épouvante.

Les choses doivent aller bien, juste bien… quand elles vont trop bien, il y a anguille sous roche.

Arrivé à Enid, il s’arrêta à une station essence, la jauge lorgnait dangereusement sur la réserve, il appréhendait déjà sa prochaine rencontre avec le pompiste.

Il gara sa voiture et attendit l’employée, une dame ronde au visage renfrogné s’approcha.

J’ai tiré le jackpot. Ça y est, qu’est ce qu’on me réserve maintenant ? Oh Oklahoma, tu auras ma peau !

Il baissa sa vitre, s’arma mentalement.

Inspire, expire.

« – Prenez quoi ? Dit la dame sans aucune tonalité dans la voix.

  • – Sans-plomb 95.
  • – Sans-plomb 95 pour le monsieur.
  • – Merci.
  • – Y’a pas d’soucis ici. J’vous fais le plein ?
  • – Oui, ça serait parfait, merci.
  • – Z’avez une sale tête si j’puis dire. »

Et ça commence

Il pensait que ne pas répondre était la meilleure solution pour ne plus s’attirer d’ennuis.

« – Mauvaise journée vous aussi ? » Demanda la dame.

Si vous saviez. Et j’ai le sentiment que vous allez l’empirer.

« – Z’avez perdu vot’ langue ? »

Il ne répondit toujours pas, jeta un coup d’œil au compteur de la pompe à essence, espérant qu’elle comprenne le message.

« – C’est chérot en c’moment l’essence hein ? »

Il posa son coude sur le rebord de la fenêtre et posa sa tête sur sa main, lui tournant le dos, peut-être comprendra-t-elle le message.

« – Vous les yankees, z’avez aucune éducation. Toujours pressé, de mauvaises humeur, comme ces lâches de français, ces socialistes de merde ! »

Rand, pour une raison inconnue, réalisa que les les américains, ces américains comme cette dame, pouvait s’acheter une arme à feu au supermarché du coin aussi facilement qu’acheter une bouteille d’eau. Pas étonnant que le pays semblait redevenir le Wild Wild West dernièrement, quand des personnes de ce calibre pouvait s’acheter librement des engins de mort.

« – Bon v’la, fini. 60 dollars, oubliez pas l’pourboire. »

Tom sortit les billets, rajoutant 5 dollars de pourboire. Le tendit à la femme.

« – 5 balles ? Et tu conduis une Mercedes j’te rappelle ! Radin ! »

Il ne prit même pas le temps de fermer la fenêtre et démarra.

Suffit juste de ne pas parler. Le minimum syndical, et encore ! Plus tu leur donnes de l’intention, plus il t’en consume, plus tu te consume, plus ils prennent l’avantage et plus ça risque de tourner au vinaigre. Le silence semble fonctionner, pendant un certain temps, car frustrés de ne pas avoir de réponses, ils prennent votre silence pour du mépris. Et ça non plus, ils n’aiment pas. Qui aime être méprisé après tout ?

Il fallait trouver autre chose. La compassion ?

Sûrement pas !

Jaskiers