
Mon casque me tombait sur le nez, c’était chiant, avec le mouvement et la sueur, ça m’irritait le pif. J’ai l’air d’un con avec le nez tout rouge, déjà que j’ai l’air con sans rien.
Mais c’était la nouvelle drogue, la nouvelle hype ! On aimait ça, putain !
J’me rappelle plus où était le bouton pour l’allumer, devant sûrement, parce que quand t’es partie loin dans ta tête, vaut mieux que ça soit placé pas loin. Parce que c’est bien gentil de descendre mais faut remonter… malheureusement.
Souvent, je le faisais seul, c’est un truc d’addict, enfin, à ce qu’il parait. Mais j’imagine une planque de camé du casque, des types se grimpant dessus, grattant les murs, lavant les vitres avec la langue, d’autre essayant de creuser un tunnel jusqu’à Katmandou en creusant avec leurs épaules… et tout ça avec la gueule recouvert d’un casque. Mince, les autres camés ils sont calmes quand ils se sont piqués, nous, on été juste agités, heureux hein !, mais agités… intenables. Putain, combien de casqués se sont défenestrés ? Combien se sont foutus en travers des rails de trains ou de métros ? Combien se sont jetés sous les roues d’une voiture ? Combien se sont noyés ? Attends, d’autres se sont enterrés vivants !
Je peux pas t’expliquer ce qu’était vraiment le casque. En fait, si je peux, mais je ne veux pas. Car je m’en suis sortie, mais j’y suis rentré à cause d’histoires et de sensations que je voulais, et dont j’avais besoin, de ressentir. Parce que pour dire la vérité, c’était incroyable. Chaque session c’était partir quelque part, du Japon à la ceinture d’astéroïde de Saturne, du sommet de la Tour Eiffel aux Piliers de la Création ! Tu peux pas comprendre. Impossible. T’as déjà entendu parler du LSD ? De l’ayahuasca ? Et bien imagine ça, mais puissance cent… non… rajoute quelques zéros, puissance mille l’ami(e).
Même des personnes bien rangées, on en connaît tous qui fument un peu de marijuana hein ? Voir même un peu de coke par-ci par-là… et bien ces types tombaient comme des mouches sous l’effet du casque. Riches, pauvres, blancs, noirs, pauvres, riches, sur-diplômés, cancres, pilotes de chasse ou caissiers, ça prenait tout le monde, pareil. Pas de prise de tête, enfin, si, c’était un casque quoi… et puis ça te l’amener quelque part, très loin, ta pauvre tête. Une fois posé, allumé, tout le monde était logé à la même enseigne. Tiens, c’était comme un rêve lucide mais t’es réveillé. Tu comprends ?
Au début, t’écris sur tes voyages, sur tes expériences, mais ça dure pas longtemps, car tu veux y retourner le plus vite possible. Tu tiens encore un boulot, mais tu manges plus, tu dors plus, tu veux juste être en toi-même, vivre cette vie impossible et incroyable. Plus de femme, de mari, d’enfant. Il n’y avait que ce casque, ce truc mixant technologie de pointe et drogue dure, qui comptait.
Ça te détruisait ta vie physique, mais mentalement, c’était l’extase ! Les hippies ils auraient pas rêvé mieux. Et les gens tombaient comme des dominos.
Des gens sont morts de faim, de déshydratation, crises cardiaques… d’autres sont restés dans un état catatonique jusqu’à leur mort. Je vais pas vous faire la liste, ça serait trop long.
Nous, on était défoncés, mais ceux autour, ça les tuaient de nous voir comme ça. L’addiction sa touche les proches autant que le malade. Mais tout ça a dû prendre fin, heureusement. Mais, ça sera peut-être une histoire pour autrefois.
Car la vérité, c’est que je t’écris ce texte vingt ans avant ta naissance, je suis sous mon casque. Je ne connais pas vraiment la fin, pas entièrement du moins. Mais j’essaie de trouver une issue, comme je peux.
Jaskiers