Génération Perdue #10 | Partir pour nul part.

« 6 septembre 1916

Mercredi soir

Ma chère mère,

Je t’envoie quelques lignes des tranchées où nous sommes depuis dimanche soir. De la boue jusqu’à la ceinture, bombardement continuel, toutes les tranchées s’effondrent et c’est intenable, nous montons ce soir en première ligne, mais je ne sais pas comment cela va se passer, c’est épouvantable. Nous avons déjà des tués et des blessés et nous avons encore deux jours à y rester. Je donnerais cher pour être loin d’ici. Enfin espérons quand même. Adieu, et une foule de baisers de ton fils qui te chérit.

Gaston [Biron] »

Lettre recueillie dans « Paroles de Poilus » de Jean-Pierre Guéno.

(Dessin réalisé sur IPhone)

Jaskiers

Doodles Doom Days #10| Une fleur dans les cheveux, une pierre à la place du coeur.

Jaskiers

Dante’s Dusty Roads – Chapitre 10

Tout le long de la route pour Enid, il n’avait été dérangé par personne. C’était presque bizarre. Tout comme il pouvait deviner au premier regard la personnalité d’une personne par son look, il sentait quand quelque chose allé mal tourner. Pessimisme névrotique ou déformation professionnelle ? Après tout, il était écrivain d’épouvante.

Les choses doivent aller bien, juste bien… quand elles vont trop bien, il y a anguille sous roche.

Arrivé à Enid, il s’arrêta à une station essence, la jauge lorgnait dangereusement sur la réserve, il appréhendait déjà sa prochaine rencontre avec le pompiste.

Il gara sa voiture et attendit l’employée, une dame ronde au visage renfrogné s’approcha.

J’ai tiré le jackpot. Ça y est, qu’est ce qu’on me réserve maintenant ? Oh Oklahoma, tu auras ma peau !

Il baissa sa vitre, s’arma mentalement.

Inspire, expire.

« – Prenez quoi ? Dit la dame sans aucune tonalité dans la voix.

  • – Sans-plomb 95.
  • – Sans-plomb 95 pour le monsieur.
  • – Merci.
  • – Y’a pas d’soucis ici. J’vous fais le plein ?
  • – Oui, ça serait parfait, merci.
  • – Z’avez une sale tête si j’puis dire. »

Et ça commence

Il pensait que ne pas répondre était la meilleure solution pour ne plus s’attirer d’ennuis.

« – Mauvaise journée vous aussi ? » Demanda la dame.

Si vous saviez. Et j’ai le sentiment que vous allez l’empirer.

« – Z’avez perdu vot’ langue ? »

Il ne répondit toujours pas, jeta un coup d’œil au compteur de la pompe à essence, espérant qu’elle comprenne le message.

« – C’est chérot en c’moment l’essence hein ? »

Il posa son coude sur le rebord de la fenêtre et posa sa tête sur sa main, lui tournant le dos, peut-être comprendra-t-elle le message.

« – Vous les yankees, z’avez aucune éducation. Toujours pressé, de mauvaises humeur, comme ces lâches de français, ces socialistes de merde ! »

Rand, pour une raison inconnue, réalisa que les les américains, ces américains comme cette dame, pouvait s’acheter une arme à feu au supermarché du coin aussi facilement qu’acheter une bouteille d’eau. Pas étonnant que le pays semblait redevenir le Wild Wild West dernièrement, quand des personnes de ce calibre pouvait s’acheter librement des engins de mort.

« – Bon v’la, fini. 60 dollars, oubliez pas l’pourboire. »

Tom sortit les billets, rajoutant 5 dollars de pourboire. Le tendit à la femme.

« – 5 balles ? Et tu conduis une Mercedes j’te rappelle ! Radin ! »

Il ne prit même pas le temps de fermer la fenêtre et démarra.

Suffit juste de ne pas parler. Le minimum syndical, et encore ! Plus tu leur donnes de l’intention, plus il t’en consume, plus tu te consume, plus ils prennent l’avantage et plus ça risque de tourner au vinaigre. Le silence semble fonctionner, pendant un certain temps, car frustrés de ne pas avoir de réponses, ils prennent votre silence pour du mépris. Et ça non plus, ils n’aiment pas. Qui aime être méprisé après tout ?

Il fallait trouver autre chose. La compassion ?

Sûrement pas !

Jaskiers