Génération Perdue #35 |Visions

« Je monte sur la banquette de tir et regarde ce morceau de terrain entre nos premières lignes : maintes fois retourné, jonché de bois et de fils de fer barbelés auquels sont restés accrochés des morceaux d’étoffe bleue, rouge ou grise, de corps sur lesquels courent d’énormes rats, se posent des oiseaux qui repartent avec des morceaux de chair humaine. »

Éric Viot, « Les Blessures de l’âme ».

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Génération Perdue #34 |La peur…

« J’ai eu faim sans avoir à manger, soif sans avoir à boire, sommeil sans pouvoir dormir, froid sans povoir me réchauffer, et des poux sans pouvoir toujours me gratter…voila !
C’est tout…?
Non ce n’est rien , je vais vous dire la grande occupation de la guerre, la seule qui compte : J’AI EU PEUR .
 »

Gabriel Chevallier, La Peur.

Dessin inspiré par celui d’André Dunoyer de Segonzac intitulé « Soldat Endormi ».

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Génération Perdue #33 |Agonie

« Nous entrons en agonie. »

L’attaque est certaine (…). Surtout je ne dois pas penser… Que pourrais-je envisager ? Mourir ? Je ne veux pas l’envisager. Tuer ? C’est l’inconnu, et je n’ai aucune envie de tuer. La gloire ? On n’acquiert pas de gloire ici, il faut être plus en arrière. Avancer de cent, deux cent, trois cent mètres dans les positions allemandes ? J’ai trop vu que cela ne changeait rien aux événements. Je n’ai aucune haine, aucune ambition, aucun mobile. Pourtant je dois attaquer (…).

Je me souviens que j’ai vingt ans, l’âge que chantent les poètes… »

« La Peur » (Avant l’attaque) – G. Chevalier

Reproduction du dessin (de propagande) de Maurice Neumont :

Génération Perdue #32 | La folie…

« Son bras se déplia lentement ; il vint faire craquer la pomme de pin contre l’oreille d’Olivier.

– Tu entends : l’arbre, l’écureuil ! Écoute le bruit…

Olivier s’était arrêté de respirer. Il écoutait. Ça coulait dans lui comme un ruisseau avec tous ses reflets ; ça bouillonnait en forêt dans son cœur. Il avait de la terre sur les lèvres ; le vent traversait sa tête. »

Jean Giono, Le grand troupeau.

Dessin reproduit : « Le Fou » de Henri Camus :

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Génération Perdue #31 |Qui étaient ces malheureux ?

« Ce ne sont pas des soldats : ce sont des hommes. Ce ne sont pas des aventuriers, des guerriers, faits pour la boucherie humaine […] Ce sont des laboureurs et des ouvriers qu’on reconnaît dans leurs uniformes. Ce sont des civils déracinés. »

Henri Barbusse, Le Feu, Journal d’une escouade.

Dessin inspiré par celui de Jean Droit : Les heures de nuit

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Génération Perdue #30 | Que sommes-nous face à l’immensité de la folie humaine ?

« Sur les vingt-cinq kilomètres de largeur que forment le front de l’armée, il faut compter mille kilomètres de lignes creuses : tranchées, boyaux, sapes. Et l’armée française a dix armée. Il y a donc, du côté français, environ dix mille kilomètres de tranchées et autant du côté allemand… Et le front n’est à peu près que la huitième partie du front de la guerre sur la surface du monde. Ainsi parle Cocon, qui conclut en s’adressant à son voisin :

⁃ Dans tout ça, tu vois ce qu’on est, nous autres… »

Henri Barbusse, Le Feu, journal d’une escouade.

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Génération Perdue #28|Qui est l’autre sinon un reflet de nous-même…

« […] pourquoi les hommes s’exterminent-ils dans les pires souffrances physiques et morales sous prétexte que les uns, dans cette tranchée, pensent au père et à la mère, et qu’à cent mètres, ils pensent aux Vater Und Mütter ? »

Étienne Tanty dans son livre « Les violettes des tranchées. Lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre ».

Dessin inspiré par le dessin de Léon Broquet intitulé « Tenir coûte que coûte… ».

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Génération Perdue #29 | « Une statue, pour qui ? Pour quoi ?»

« […] on parle déjà d’élever des monuments de gloire, d’apothéose aux victimes de la grande tuerie […], je ne donnerai mon obole que si ces monuments symbolisaient une véhémente protestation contre la guerre, l’esprit de la guerre et non pour l’exalter, glorifier une telle mort afin d’inciter les générations futures à suivre l’exemple de ces martyrs malgré eux. »

Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918.

Dessin inspiré par le dessin de François Flameng « Les ruines de Vermandovillers »

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Génération Perdue #27|Pourquoi ?

« Pourquoi ne nous dit-on pas que vous êtes, vous aussi, de pauvres chiens comme nous, que vos mères tourmentent comme les nôtres et que nous avons tous la même peur de la mort, la même façon de mourir et les mêmes souffrances ? Pardonne-moi camarade ; comment as-tu pu être mon ennemi ? Si nous jetions ces armes et cet uniforme, tu pourrais être mon frère. »

Erich Maria Remarque, « À l’Ouest, rien de nouveau ».

Génération Perdue #26 |Que restera-t-il ?

« Quand la guerre sera finie, il n’y aura plus de pitié dans le monde, nous aurons tué la pitié aussi, à force de tuer. […] Quand la guerre sera finie, nous saurons ce que c’est que la haine, la haine que la plus féroce vengeance ne peut adoucir. […] Quand la guerre sera finie, malheur à nous ! Vainqueurs ! Vaincus ! »

Léopold Chauveau, médecin, Derrière la bataille 1916

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