Un site dédié aux dessins réalisés par les soldats de 14-18

Croquis de Georges Barrière intitulé « Au front »

C’est en naviguant sur Google image, à la recherche d’inspiration et d’information sur des artistes Poilus que je suis tombé sur cette excellent site dédié aux soldats artistes de la Grande Guerre : https://www.dessins1418.fr

Si vous appréciez mes (mauvaises) illustrations de soldats et scènes de la Première Guerre Mondiale, ce site se révèlera pour vous, être un petit trésor. La page « ressources » trouvable dans l’onglet « Autres » est impressionnante.

« La Gloire », 1918, dessin de Jean Veber (crédits : ministère des armées / mémoire des Hommes )

Je vous souhaite bonne visite sur ce site. Je souhaiterais remercier le/la créateur/trice de ce site, quel travail ! N’hésitez pas à les saluer de ma part, si vous le pouvez.

https://www.dessins1418.fr

Jaskiers

Crête de Vimy (Canada) et Notre-Dame de Lorette (musée etc…) | Première Guerre Mondiale

Bâtiment, où vous êtes accueillis par de jeunes canadiens avec un accent très américains, mais très souriant et chaleureux.
Cette photographie ne pourra jamais vous montrer à quel point ce cratère d’obus est énorme. Vraiment, c’est à coupé le souffle. Et il y en a d’autres.

Les bâtons blancs que vous pouvez voir au second plan ne sont pas des croix, ce sont des tuteurs pour les arbres plantés par les jeunes canadiens, un panneau explicatif vous attends plus bas pour plus d’explications. Et reviennent ces mots de Erich Maria Remarque dans son recueil intitulé L’Ennemi « […] jusque-là, dans toutes les luttes, la nature avait fini par reprendre le dessus ; la vie renaissait de la destruction, les villes se reconstruisaient, les bois reverdissaient, et au bout de quelques mois, de nouveaux épis ondulaient dans les champs/ mais dans la dernière et la plus atroce des guerres, la destruction l’a emporté pour première fois. Ici se dressaient des villages rasés à jamais ; des villages dont il ne reste plus une seule pierre. Le sol y est toujours si plein de mort, menaçante, d’explosifs vivants, d’obus, de mines et de gaz toxiques, qu’à chaque coup de pioche ou de bêche, le danger guette. »
À une poignée de mètres du premier énorme cratère, vous en découvrirez d’autres, une zone surnommée « Crater Line ». La photo, je l’espère, parle d’elle-même.
Intérieur du poste d’observation allemand.
Les tranchées préservées
(Crapouillot ?)
La ligne de cratères d’obus : deux énormes cratères d’obus juste à côté du plus gros, posté précédemment.
(Crapouillot ?)
Merci aux frères et sœurs canadiens. Deux jeunes canadiens sous leur drapeau. Prêt à vous prêter main-forte. Comme il y a plus de 100 ans.
Cette côte de Vimy appartient au Canada. Vous êtes donc au Canada quand vous visitez ces tranchées. Voici ce que font les jeunes canadiens ici.
Les Jardins de la Paix se trouvent en face du monument canadien, qui se trouve en arrière-plan, si vous regardez bien. Voici ce qu’il y a de marqué sur le monument canadien, outre les noms des soldats morts dans la bataille pour la Crète de Vimy : Le 9 avril 1917, l’armée canadienne, avec 4 division, a percé le front ennemi sur 6 km, et ont capturé cette crête.

C’est en ce temps de paix pour mon paix, que j’ai réalisé les sacrifices, les efforts surhumains et le courage incroyable de ces hommes… Merci n’est pas suffisant, un hommage est encore trop peu, mais c’est tout ce que je peux faire…

Notre-Dame De Lorette (Musée, Nécropole, Ossuaire, Anneau de la Mémoire)

L’Ossuaire, malheureusement en travaux. Au second plan, la Nécropole.

Je ne suis pas resté longtemps, mais le musée, bien que petit, était très intéressant et, avec ses mannequins et bruitages, uniformes, armés, dessins et affiches sont très prenants (ATTENTION : LE MUSÉE N’ACCEPTE QUE L’ARGENT EN ESPÈCE).

Par respect pour le musée, je ne divulguerai que deux photos de l’intérieur du petit musée.

Superbe dessin de Maurice Neumont pour une affiche de propagande française.
La Nécropole et l’Ossuaire, en travaux , sont entourés de milliers de croix.
Le musée (avec ses fenêtres blindés, blindage qui ressemble à celui d’un tank de l’époque). A droite, un « champ de bataille » reconstitué, avec de vrais trou d’obus. Il n’était pas accessible, à mon grand désarroi.
J’aurais aimé pouvoir marcher entre les croix,visiter la nécropole et l’Ossuaire. Malheureusement, ce n’était pas possible
Anneau de la Mémoire. Une liste de centaine de milliers de noms, autant français, allemand, qu’anglais… et les noms d’un de mes ancêtres et potentiellement d’un autre…

Note personnelle : Depuis tout petit, je « rêve » de visiter Verdun. Ces visites dans ces deux endroits m’ont donné encore plus l’envie, et l’espoir, d’un jour, visiter Verdun et ses champs de batailles, ces forts, ces villages disparus, et rendre hommage à ces hommes qui ont laissé leur vie dans cet enfer. Pas un seul lieu d’intérêt et de mémoire ne sera laissé derrière moi, je l’espère. Un jour Verdun, je garde espoir. Et pour Notre-Dame de Lorette, pour la Crête de Vimy, je reviendrai, je l’espère, car je suis loin d’avoir tout vu.

Jaskiers

Génération Perdue #9 |Machines à mort(s)

« […] partout, on se heurte aux machines. Ce n’est pas homme contre homme qu’on lutte, c’est homme contre machine. Un tir de barrage aux gaz asphyxiants et douze mitrailleuses, en voila assez pour anéantir le régiment qui attaque. […] On enlève une, deux, trois tranchées, et on en trouve autant derrière. » Lettre du Poilus Michel Lanson, juillet 1915. Recueillie dans « Paroles de Poilus » de Jean-Pierre Guéno.

(Dessin réalisé sur IPhone)

Génération Perdue #6 | À qui se vouer quand même le ciel veut vous tuer ?

« Mes nerfs crient et se froissent à certaines imaginations et dans mon chaos, je ne trouve de causes et de raisons à mes souffrances que le besoin de jouir et de paraître chez mille qui ne sont point à la peine. Et si je refuse de souffrir pour leur donner des honneurs ou de la joie, des richesses et des maîtresses jeunes, jolies et parfumées, je ne suis pas austère pour agréer l’attente de ces maîtres, et j’ai l’estomac trop vide. Je suis trop sale et j’ai trop de poux. Je ne peux croire que c’est le fumier qui fait la rose – et que notre pourriture acceptée par le camp et la tranchée, que notre révolte, que notre douleur feront de la justice ou du bonheur. Et quel égoïsme de dire à son frère : tu mourras pour que je sois heureux ! N’est-ce pas là toute la guerre et ce calcul n’est-il pas le squelette effarant qu’on cache sous les oripeaux d’honneur, de devoir militaire, de sacrifice ?

Chaque putain de guerre représente les milles douleurs de celui qui la porte, mille morts de ceux que le combat a fauchés, et les milles jouissances des ventres et des bas-ventres de l’arrière. Voilà ce qu’elle crie cette putain de guerre : Celui qui me porte est un naïf qui croit que les mots cachent des idées, que les idées feront du bonheur, et qui n’a pas vu quelles bacchanales son dévouement permettait derrière le mur formidable des discours, des proclamations, des compliments et de la censure. […]»

Henri Aimé GAUTHÉ, Poilu. Écrit recueillit dans « Paroles de Poilus » de Jean-Pierre Guéno.

(Dessin réalisé sur IPhone)

Jaskiers

Génération Perdue #4 | Tant de questions dans ce désert de dévastation

Ce dessin a été inspiré par cette photographie :

(Dessin réalisé sur IPhone)

Jaskiers

Pourquoi ma maison n’a pas de miroirs ? (Nouvelle)

En hommage à Anna Coleman Ladd

C’était il y a si longtemps gamin, mais pour moi, c’est comme si c’était hier.

Quand la dame m’a posé le masque en céramique sur le visage, elle me tendit un miroir, mais je ne voulais pas voir mon visage tout de suite.

« Et pourquoi ? » Tu dois te demander à cet instant.

Je ne me sentais pas prêt, c’était en quelque sorte un nouveau moi, une personne que je connaissais mais qu’à moitié, que j’allais rencontrer une fois mon regard posé sur mon reflet dans la glace.

J’étais pas prêt gamin, je n’étais pas d’accord avec ça, j’étais un inconnu, physiquement, mais mentalement, je pensais que tant que je n’avais pas vu mon nouveau visage, je resterais moi-même.

La dame comprit immédiatement ce qu’il se tramait, je n’étais pas le premier à qui cette artiste, car c’est comme ça qu’on la considérait entre nous, avait créer un masque sur mesure, épousant et complétant nos gueules cassées.

Ça n’a pas changé ma vie instantanément. En fait, au début, c’était plutôt le contraire. Je m’étais habitué à ce visage ravagé par la guerre. J’avais, en quelque sorte, fais le deuil et accepté cette figure. J’arrivais à encaisser le regard des autres. Tu sais gamin, certains en sont fiers de leurs gueules cassées ! Ça prouve que tu t’es battu pour la France.

Moi, je n’en ai été pas fier. Je n’en avais pratiquement plus honte. Non, aucune fierté d’avoir tué d’autres hommes qui ne m’avaient rien fait. J’étais même en colère, car j’ai vu des copains disparaître en une fraction de seconde. Il disparaissait dans une poussière noire, dans un nuage rouge… certains étaient morts et déjà six pieds sous terre. Les obus, sa tue et sa peut enterrer en même temps.

Je les envie parfois, ils n’ont plus à vivre sur cette terre avec les visions d’horreur qui hantent les vivants. J’ai des copains qui sont devenus fous. Leurs corps étaient bien vivants, mais leurs esprits, gamin, étaient partis dans des recoins tellement sombres, que jamais ils n’ont jamais pu revenir à la réalité. Et puis, il y a ceux qui ont mis un terme à leur vie. Comment les en blâmer ? Les cauchemars, le retour à la vie civile, à une vie normale, c’était très difficile. On pensait tous qu’on allait y passer, jamais on avait pensé à ce que serait notre futur si nous survivions.

La guerre, c’est une connerie gamin, mais c’est malheureusement humain. C’est comme ça…

C’était pas facile pour grand-mère non plus. Je lui en ai fait beaucoup voir, mais elle est restée à mes côtés. Malgré les disputes, l’alcool, mon visage horrible, mes cauchemars qui me réveillaient en sursaut, hurlant à la mort, mon aversion pour le bruit, le silence était primordial pour moi, car chaque bruit pouvait déclencher en moi des souvenirs de la vie dans les tranchées.

Et puis gamin, j’ai tué. Comment on revient à une vie civile après avoir été entraîné et après avoir tué d’autres humains ? En temps de paix, tu tues quelqu’un, tu vas en prison, ou on te passe à la guillotine, mais en temps de guerre, on te pousse à tuer, on donne des médailles, on te portes aux nues quand tu réussis à tuer d’autres être humains.

Je souhaite de tout mon cœur que la guerre ne cogne jamais à ta porte mon garçon.

Mais pour répondre à ta question, j’ai regardé mon nouveau visage, et c’était étrange, beau et effrayant. Une partie de mon visage était moi, l’autre une imitation.

J’ai pleuré. Je n’ai jamais accepté ce masque, mais il me le faut pour pouvoir vivre dans une certaine dignité, pour les autres. Je ne le porte pas pour moi.

C’est pourquoi il n’y a pas de miroir chez moi. L’apparence, c’est quelque chose de secondaire, ce n’est que vanité.

Je sais que tu m’as aussi demandé pourquoi je ne parlais pas. Ma gueule cassée n’a plus de mâchoire. Tu voudras un jour savoir comment c’est arrivé, mais tu le sais déjà, j’étais dans les tranchées. C’est ça, la guerre.

Profite de ta vie, profite de la paix. Je me suis battu pour que cette foutue guerre ne revienne plus jamais.

Ton grand-père qui t’aime.
1937

Jaskiers

Personne n’a envie d’y aller (courte nouvelle)

J’étais adossé au mur. Mon capitaine, le regard sûr et déterminé, passa à côté de nous, en braquant ses yeux marron sur chacun de nous. Il nous jaugeait. Ce n’était pas forcément un fin psychologue, pas un du tout même, mais il nous jaugeait au feeling. Il nous connaissait, il savait quels demons, quels rêves et espoirs nous avions en chacun de nous. En sortir vivant, en finir avec cette foutue guerre. Et c’était de même pour nous envers lui. Peut-être un peu moins, en tant que supérieur, il se devait de garder une certaine distance avec nous. Le leader se doit de garder des choses pour lui, parfois de mentir, pour garder un temps d’avance, un avantage psychologique sur nous.

J’étais fébrile, et je n’étais pas le seul. Personne n’avait envie d’entrer dans cette putain de maison. Car nous étions adossés à ce que la légende appellera « la maison de l’enfer ».

On sentait l’ennemi. C’est un sentiment étrange, dérangeant, viscéral que le corps et l’esprit apprennent à force de combattre. C’est ce sentiment qui parfois handicape notre retour à la vie civile. On ne peut l’éteindre ni l’allumer comme nous le voulons. Il est cruel en temps de paix, vital en temps de guerre.

« – On reste concentré, chacun sait ce qu’il a à faire. Rien ne change, on vérifie directement chaque recoin, on communique, on se parle. On tire si on voit du mouvement, on tire même si on a un doute. Il n’y a plus de civile dans cet enfer, si ça bouge, s’est mort. Fier vous à votre instinct, on ne le dira jamais assez. Moi aussi je les sens, mais j’ai vu des hommes prêts à se battre. On a vécu pire, on vivra peut-être pire, mais on est entraîné, on a confiance envers le copain d’à côté. Si l’un de vous doute, de lui-même ou d’un des nôtres, qu’il parte. On ne lui en voudra pas. C’est maintenant ou jamais. » Dit le capitaine.

Personne ne bougea. Aucun ne voulait laisser ses frères d’armes sur le côté. On allait entrer ensemble, aucun d’entre nous n’aurait pu supporter de laisser ses amis se battre sans lui. C’est une chose qui pourrait nous hanter toute la vie.

Allez expliquez ça à nos femmes, à nos familles, nos enfants, nos amis. Peu d’entre eux comprennent, mais nous ne leur en voulons pas, ils ne savent pas ce que c’est que partir au feu avec des frères. Nous l’avouons, d’une certaine manière, l’armée, la guerre, passent avant eux. Nous sommes soldats, on a signé pour ça. On se le répète assez entre nous, on a choisi cette vie. Quand c’est difficile, on se tait. Quand c’est trop dur à supporter, nous avons les uns et les autres. Quand les terribles souvenirs reviennent dans notre vie civile, on encaisse, on enfouit la douleur au plus profond de nous-mêmes. Impossible de partager ces choses auprès de personnes qui n’ont pas vécu et affronté la mort en face plusieurs fois dans sa vie.

On a tué. Et on a vu les copains mourir, blessés, traumatisés, estropié à vie, à l’intérieur autant qu’à l’extérieur.

Et c’est dans cette bulle collective que nous allions rentrer en force dans l’arène d’Hadés, avec Ulysse comme capitaine.

Le reste appartient à l’Histoire. Peu de personnes ont entendu parler de « La maison de l’enfer ». Parfois, les plus petites batailles sont les plus importantes, et les plus ignorés.

Mais qu’importe, nous n’avons pas combattu pour la gloire. On ne savait plus vraiment pourquoi on se battait pour dire vrai. Nous cherchions une raison, mais cette raison était autour de nous. On continuait à se battre pour les copains, pour le pays aussi, et c’était assez pour aller de l’avant.

Le autres, c’est l’enfer… mais aussi nos frères.

Jaskiers